Publié le Mercredi 14 octobre 2009 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

Lettre ouverte à Activision

Une sale histoire de Call of Duty Modern Warfare 2

Tout d'abord, avant d'en venir à la raison de cette lettre ouverte, j'aimerais vous expliquer la situation, vous mettre en condition, bref, vous dévoiler une partie de ma vie, à travers ce métier.

Après avoir traîné mes guêtres dans ce boulot depuis presque 15 ans, je me suis lié avec certaines personnes. Aussi étonnant que ça puisse paraître, c'est un peu comme dans la vie de tous les jours : on rencontre plein de monde, et si certains, on voit tout de suite qu'on va les haïr jusqu'à espérer leur mort dans d'atroces souffrances impliquant un cactus, de la vaseline et un animal mort, avec d'autres, par contre, le courant passe super bien. 
C'est ainsi que j'ai toujours un immense plaisir de rencontrer certains confrères, tout comme certains attachés de presse. Ou même certains chefs produits, commerciaux ou même directeurs, soit dit en passant.

Au fil des années, une poignée est même devenue ce que je pourrais qualifier d'amis. Le genre de personnes pour qui vous iriez porter des meubles un dimanche matin à l'aube, juste parce qu'ils ont décidé de déménager deux étages plus haut, ou qu'ils se sont fait lourder manu militari par leurs copines ou épouses. Le genre de personnes que j'inviterais, par exemple, à la Bat-Mitzvah de mes filles (Ou du moins à un barbecue un de ces dimanches midi, puisqu'en ce qui concerne la Bat-Mitzvah, encore faudrait-il que je sois de confession judaïque.). Le genre de personnes à qui vous prêteriez de l'ar... euh... non, quand même, faut pas délirer non plus. Mais des amis. Et amies, quoi. Pas du genre "on est les meilleurs amis du monde, youkaïdi youkaïda, mettons-nous tous nus", mais des gens avec qui vous discutez de tout, de la vie, des amours, des peines, des doutes, des joies, des cactus et des animaux morts.

Bref, aujourd'hui, mon métier, c'est aussi, et peut-être même surtout, une histoire humaine. Plus qu'une histoire de simple produits, d'éditeurs et de journaliste.
Aussi étonnant que cela puisse paraître puisque la plupart d'entre vous me prennent sans doute pour un vrai psychopathe, il y a beaucoup de gens que j'apprécie dans le métier. Sincèrement. Et avec qui j'entretiens de cordiaux rapports.

Je n'en ferai pas la liste ici, mais sachez qu'elle est même plutôt longue.

Parmi elle, on retrouve notamment les deux attachés de presse d'Activision. Diane et Julien. Ce sont deux personnes que j'apprécie énormément. Tant d'un point de vue professionnel, qu'humain. 

Au fil des années, Julien est même devenu un ami. Le type de personne qu'on retrouve toujours avec plaisir, vider quelques verres, et pas forcément parler boulot. Quant à Diane, elle est si jolie que tout le monde aimerait l'être, son ami. Personnellement, je l'ai vu débuter dans le métier, il y a une dizaine d'années, et je garde envers elle une simple, sincère et profonde tendresse fraternelle.
Alors bien entendu, si de tels rapports facilitent grandement la communication, ils n'influent en rien la façon de faire correctement son métier, de part et d'autre, et de tester les produits. Sinon, Wolfenstein aurait eu 4 étoiles au minimum. Prototype en aurait eu 4 et demie. Guitar Hero Modern Hits en aurait eu 3 et demie ou 4. Et X-Men Origins Wolverine aurait tapé les 4 ou 4 et demie. Preuves, s'il fallait en apporter, qu'on peut se lier sans vendre son âme. Sans devenir un "vendu". Contrairement à ce que bon nombre de confrères pensent. C'est juste une question de clarté dans les relations et d'honnêteté non seulement envers soi-même, mais envers les autres.

Voilà pour la mise en place du décor.

Et aujourd'hui, donc, c'est au nom de cette amitiié que j'écris cette lettre ouverte à Activision.

Autre décor. Hier soir.
Avec madame, nous dînions dans un restaurant chic, pour fêter mes 36 piges. Que ceux qui ont oublié de me le souhaiter aillent pourrir en enfer. Les autres aussi, remarquez. Mais moins.
Bref. Entre un marbré de pommes de terre tièdes au foie gras et une jambonnette de pintade fermière farcie rôtie, risotto d'orge perlé au pistou, j'expliquais à ma chère et tendre les déviances mentales des anglais. Je lui racontais l'histoire du Daily Star et que, selon eux, l'édition prestige de Call of Duty Modern Warfare 2 est une véritable incitation à la perversion et à la débauche sexuelle.
Et je me lançais dans une longue diatribe contre les moeurs débiles des pseudos-journalistes d'outre-manche, et de leur peuple de crétins que, certes, j'adore (j'ai une tendresse particulière pour les anglais), mais pas au point d'oublier à quel point ce sont des gens quand même très bizarres. Et quiconque a déjà mangé du boeuf bouilli à la menthe ne pourra que se ranger à mon avis.
Ma femme, elle, contrairement à son habitude, restait silencieuse. C'est vrai que généralement, elle aime couper mes élans oratoires et prendre la défense de ceux que j'admoneste, absolument pas par conviction, mais juste pour me faire chier. C'est mon épouse, quoi.
Bref, j'étais intarissable d'éloquence et manquait par deux fois de monter sur la table pour que toute la salle profite de mes profondes reflexions sur l'Angleterre, l'Europe, le Monde l'Univers, juste dissuadé au dernier moment par le regard lourd de menaces de ma femme.

Le repas se passait sans autre heurt et les conversations s'orientaient vers d'autres sujets, banals, comme l'euthanasie des profs de maths, la nécessité de légaliser la prostitution, la tour Eiffel, et comment contourner la sécurité d'un mixer pour pouvoir le faire marcher ouvert, ce qui est bien pratique quand on veut y plonger la main d'un bébé pour lui apprendre la propreté.

Finalement, après une crème brûlée divine, alors que nous étions en train de siroter un café, ma femme, mon épouse, ma moitié... notez qu'il s'agit là d'une seule et même personne, hein, et non pas trois... à mon grand regret, la polygamie n'étant  pas autorisée en France... bref, ma femme, mon épouse, ma moitié, me regardait droit dans les yeux et me lançait, d'un air sérieux mais néanmoins coquin...

Tu sais... cette histoire de lunettes à vision nocturne... ce n'est pas bête... pour faire crac-crac... ça doit être bien. J'aimerais bien essayer... Et puis, ça doit être amusant pendant une fellation dans le noir...

...

Julien. Mon ami. Mon frère. Ton édition Prestige de Call of Duty Modern Warfare 2 n'est plus disponible nulle part. Le but de cette lettre ouverte est donc très clair. Je te demande officiellement de réussir à m'en trouver une. Au nom de notre amitié. S'il te plaît...

.... je t'en prie...

... pour moi...