L'Edito du Dimanche

 

Publié le Dimanche 7 mai 2023 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

La Bretagne, c'est moche

imageLa Bretagne, c’est moche.

Voilà typiquement le genre de phrase coup de poing par laquelle j’aime débuter un édito. En 5 mots, je me suis mis à dos toute une partie de la France, les Bretons, les vrais, mais aussi tous ceux qui sont persuadés d’avoir un peu de sang breton juste parce qu’un jour, ils ont gouté un Kouign Amann ou parce qu’ils ont décidé de mettre du beurre salé sur leur tartine du matin alors que, soyons honnête une fois dans notre vie, c’est dégueulasse avec de la confiture.
Si, si. Parfaitement. D’ailleurs si vraiment c’était bon, le monde entier s’y serait mis et ce ne serait pas une exception bretonne. Le beurre salé, c’est comme la cigarette. On s’y met pour faire couleur locale, on finit par s’y habituer et on se persuade que c’est cool et qu’on ne peut plus s’en passer. Il n’y a qu’à voir les amateurs de beurre salé : ils se comportent comme des puristes quand ils vous en parlent et essaient de vous convaincre qu’ils sont les ambassadeurs du bon goût et que vous en êtes les déviants. Alors qu’au fond, tout le monde sait que le beurre salé au petit déjeuner, c’est dégueulasse. Il n’y a même pas de débat à avoir là-dessus.

La Bretagne, c’est moche.

Voilà aussi typiquement le genre de phrase qui ne manquera pas de faire réagir les atrophiés du bulbe que je dénonçais dans mon précédent édito et qui, s’arrêtant à une seule phrase, en tirent des conclusions sans aller chercher le sens profond, voire l’humour ou le décalage puisqu’ils ne sont pas seulement handicapés de l’humour, mais aussi et surtout handicapés de la réflexion.

La Bretagne, c’est moche.

Bon, pas tout à fait. Pas complètement non plus. Pour l’anecdote, j’ai passé ma prime (et ma seconde) jeunesse à barbotter dans les eaux tumultueuses et brassées par les rochers de l’Atlantique breton. Et même si les puristes ne manqueront pas de dire que « Baaaaah, la Loire-Atlantique, ce n’est pas la Bretagne », je garde de la Côte Sauvage du Pouliguen à Batz-sur-mer un souvenir ému et aux saveurs de caramel au beurre salé du sel de Guérande, de niniches parfumées et autres douceurs qui résonnent comme la madeleine de Marcel.

imageJ’aime cette Bretagne-là.

Cette semaine, ma chère, tendre et aimante épouse a décidé de nous lancer dans un road trip entre Morbihan, Finistère et Côtes d’Armor, pour découvrir une autre facette de cette Bretagne qu’on aime tant.

Ben elle est moche, cette Bretagne.

Alors attention, la côte a, parfois, cette beauté hachée des falaises battues par les vagues et quelques phares paumés sur des rochers improbables méritent le coup d’œil. Voire le coup de langue (mon compte Facebook vous expliquera celle-là). On s’extasie devant quelques criques encore un brin sauvages et chemins escarpés qui y mènent.
Mais j’avoue que côté villes et dans les terres, ça manque de pittoresque. Ça manque de beauté. Ça manque d’entretien, aussi.

Pourtant, nous avons basé notre circuit sur un recensement des soi-disant « plus belles villes et plus beaux villages bretons » dont les innombrables sites Internet nous font l’éloge, tout en y rajoutant quelques bourgades que nous voulions voir, soit par intérêt, soit par curiosité, soit, en ce qui me concerne, pour la blague, parce que bon, quand même, aller dans le fin fond du Finistère sans faire un arrêt à Camaret pour aller tâter le curé, ça serait quand même dommage.

Je passerai sur le tracé des routes, sans doute faits par des bretons bourrés (pléonasme), ruinées par les tracteurs, qui sont moitié bitume, moitié trous, qui serpentent sans raison et mènent même, parfois, à une bifurcation de sens interdits obligeant à faire demi-tour. C’est complètement con, du grand n’importe quoi (les ronds-points bretons sont à l’image du Chouchen : dégueulasses), mais ça me fait marrer et ça me plait d’emprunter des chemins de traverses que l’on considèrerait, partout ailleurs, comme des sentiers forestiers pour promeneurs, mais qui sont ici des voies principales. D’un point de vue circulation, la Bretagne n’est pas encore passée à la révolution automobile. Mais, je le répète, ça a fait marrer mon côté aventurier motorisé.

Par contre, il y aurait plus à s’attarder sur les villages délabrés, dont les rares maisons refaites à neuf mélangent avec le plus mauvais goût modernité foireuse (et cheap) et vieilles pierres décrépites. De vieux hangars ou vieilles usines transformées en moche, des bâtiments modernes sans le moindre charme, viennent souiller les quelques pierres ancestrales de maisons qui ont résistées aux abandons des exodes successives.
Je m’attarderai aussi sur les villes sinistrées où le tiers, voire la moitié des boutiques sont abandonnées par manque d’activité. Je n’ai jamais vu autant de magasins fermés, de centres-villes désertés, qu’en Bretagne. C’est d’une tristesse infinie.

imageQuand on voit la mobilisation incroyable des bretons contre la réforme des retraites, on se dit qu’en fait, avant de râler contre la durée du travail, il faudrait déjà qu’ils manifestent pour en avoir un…

De Pont-Aven (charmant mais refait à neuf et transformé en village touristique) à Rennes, en passant par Quimper, Douardenez ou pire, Brest, j’ai traversé de nombreux villages et quelques villes à la beauté tellement fanée qu’on se demande si elle a déjà existé. Et ce n’est pas l’abondance de Street Art (qui reste une excellente idée tant certaines peintures sont sublimes) sur les larges pans de murs d’immeubles ou de maisons des centres-villes, qui permettent de cacher la misère.

Et si j’ai été charmé par la vieille ville fortifiée de Concarneau et le charme médiéval de Morlaix (mon étape préférée), elles n’ont pas réussi à effacer de ma mémoire la saleté et la puanteur rennaise ou l’horreur brestoise, par exemple, ville dont il n’y a strictement rien à sauver.

Heureusement, dans ce marasme visuel où le charme de la Nature était trop rare pour tout à fait combler la piteuse allure des villes, l’amabilité et la gentillesse des bretons sont un vrai rayon de soleil capables de vous changer une semaine décevante en souvenirs plaisants et moments agréables.

Bref. La Bretagne, c’est moche.

Mais c’est plein de bretons. Plein de Kouign Amann. Plein de crêpes. Plein de cidre. Et même les bretons vous disent que le Chouchen, c’est dégueulasse, preuve que les bretons sont des gens cools. Et accueillants. Et si mes pieds me font encore mal d’avoir déambulé de longues heures dans les villes, les villages et la lande bretons, ma tête, elle, sourit encore d’avoir passé d’excellents moments dans cette formidable région.

Parce que la Bretagne, c’est moche, mais avec les bretons dedans, c’est quand même un petit peu plus beau.

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Commentaires

Ecrit par Quantum le 07/05/2023 à 16:26

 

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tu m'as presque donné envie d'y faire un tour :p

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