Publié le Lundi 17 novembre 2014 à 10:00:00 par Alexandre Combralier
Réac', Assassin's Creed : Unity ? Pourquoi Jean-Luc Mélenchon accuse Ubisoft
Ou pourquoi il faut guillotiner Guillemot
Jean-Luc Mélenchon ne badine pas avec son amour de la Révolution française. La dernière polémique que la figure de proue du Front de Gauche a déclenchée concerne directement Assassin’s Creed Unity, accusé de véhiculer une propagande contre-révolutionnaire.S’exprimant pour Le Figaro, Jean-Luc Mélenchon ne mâche pas ses mots :
Mais que diable a fait Ubisoft Montréal pour déclencher l’ire de Jean-Luc Mélenchon ? Le fondateur du Parti de Gauche reproche plus particulièrement à une bande-annonce du jeu de montrer une image caricaturale de Maximilien de Robespierre, en ne retenant de lui que sa légende noire, à savoir celle le présentant comme un homme sanguinaire et tout entier dévoué aux cruautés de la Terreur.Je suis écœuré par cette propagande. Le dénigrement de la grande Révolution est une sale besogne pour instiller davantage de dégoût de soi et de déclinisme aux Français. Si l'on continue comme ça, il ne restera plus aucune identité commune possible aux Français à part la religion et la couleur de peau.
Secrétaire national du Parti de gauche (et par ailleurs, professeur d’histoire), auteur d'un ouvrage au titre éloquent, Robespierre, reviens !, Alexis Corbière a développé son point de vue :
Comme le prouve cet incendie médiatique, l’interprétation de l’action de Maximilien de Robespierre, liée à celle de la violence révolutionnaire, est une question historiographique toujours vivace. Face à la Révolution de 1789, se dresserait celle de 1792-1794, plus violente et déchaînée, dictatoriale (le « despotisme de la liberté contre la tyrannie ») ; face à la juste libéralisation de la société, s’opposerait une déflagration de violence incontrôlée et sadique. Déjà le libéral Adolphe Thiers au XIXème siècle voyait en Robespierre « un des hommes les plus odieux qui aient dominé les hommes, et on dirait des plus vils ». A l’opposé, un radical comme Clemenceau refusait de séparer 1789 de 1792-1794, considérant pour toujours que la Révolution était un « bloc » et qu’il fallait prendre Robespierre avec Danton et Fouquier-Tinville avec Sieyès. Toute la question est de savoir si Robespierre peut être exclu de la Révolution sans exclure la Révolution toute entière : voici pourquoi refuser Robespierre est alors, pour Alexis Corbière, l'indice d'un refus sous-jacent et partiel de la Révolution, la marque d'un révolutionnaire de posture et de confort et non de sincère conviction.[La bande-annonce] reprend à son compte tous les poncifs contre-révolutionnaires forgés depuis plus deux siècles. Le Peuple de Paris est présenté pour une cohorte brutale et sanguinaire, c’est lui qui produit la violence, toujours lui qui de façon aveugle fait couler le sang, notamment du bon roi débonnaire. Comme de coutume, la caricature le plus bestiale concerne Maximilien Robespierre [ndlr : l'oubli de la particule est sans doute volontaire] qui est présenté comme « bien plus dangereux que n’importe quel roi », « des familles entières furent détruite à cause de Robespierre », cette vidéo va même jusqu’à affirmer qu’avec lui « il y eut des centaines de milliers de morts et des rues entières remplies de sang ». Après avoir regardé cette vidéo, le joueur peu averti en tirera la conclusion que la Révolution Française fut finalement une monstruosité, un bain de sang incompréhensible, conduite par des brutes, qu’il aurait fallu éviter.
Robespierre reste ainsi pour ses défenseurs la figure du défenseur acharné de la Révolution, porté à la violence par les "circonstances", par la pression des coalitions des rois étrangers, et enfin pour défendre les acquis de 1789 et les prolonger encore. Deux camps d’historiens s'opposent ainsi : d’un côté les « réhabilitateurs » de Robespierre (Jaurès, Mathiez, Soboul, historiens socialistes), pour qui la chute de Robespierre le 9 thermidor a ouvert la voie aux véritables contre-révolutionnaires (le Directoire puis Bonaparte). Robespierre aurait par ailleurs été toujours droit dans ses bottes et vertueux (« l’Incorruptible ») jusqu’au dernier degré ; il fut, à l'époque des historiens communistes orthodoxes, même volontiers comparé à Staline. Mais la figure de Robespierre porte décidément à controverse, car les historiens les plus laïcs et athées lui reprochent sa volonté d'établir un culte de l'Étre suprême.
Dans l'autre camp, l'on retrouve les tenants de l’école révisionniste et libérale (Furet, Richet, Ozouf) le décrivant plutôt comme un tyran sanguinaire, et pour qui la Terreur est un épisode véritablement bestial, préfigurant même les dérives totalitaires modernes. Pour certains (Cochin), l'idéologie des révolutionnaires de 1789 portait en germe les crimes de la Terreur ; dans cette optique, l'excuse des "circonstances" ne tient plus et les révolutionnaires, dont les Jacobins, les Montagnards et Robespierre, sont les premiers coupables. Il n’est donc pas surprenant de voir Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière se dresser subitement pour défendre Maximilien de Robespierre.
Ubisoft ne comptait pas pour autant pas faire œuvre d’analyse historique avec son Assassin’s Creed Unity. Alexis Corbière le sait bien, mais s’inquiète justement de l’ampleur de la diffusion du message prétendument réactionnaire du jeu :
Je n’ai aucun mépris pour les jeux vidéo qui savent créer des univers virtuels envoutants et je trouve réducteur que l’on caricature ceux qui les pratiquent comme des gens enfermés sur eux-mêmes. (…) Par contre, je ne suis pas dupe sur le fait qu’un jeu vidéo peut-être aussi le vecteur pour transmettre des idées et des valeurs culturelles. Dans la jeunesse il peut même sans doute être plus efficace que tous les cours d’histoire que propose l’Éducation nationale.
Là est peut-être le problème d’Alexis Corbière (que ses jeunes électeurs potentiels ne manqueront pas d’apprécier) : ne pas avoir compris qu’Ubisoft a dû nécessairement simplifier la réalité historique pour un jeu vidéo. La série est très binaire (templiers versus assassins), ce qui empêche une certaine complexification de l’Histoire. Mais du reste, les développeurs ont revendiqué leurs libertés avec l’Histoire et quelques anachronismes (la Marseillaise, postérieure aux événements du jeu, par exemple), pour mieux retranscrire l’ambiance de la période révolutionnaire. Et c’est bien où Assassin’s Creed Unity fait preuve, finalement, de propagande révolutionnaire : il s’agit d’une magnifique invitation au voyage dans un Paris en effervescence. Même avec ses libertés, le jeu n'en donne pas moins une image globalement fidèle des événements révolutionnaires (pensons au prologue se déroulant durant les États Généraux, et aux propos des gardes sur les dépenses somptuaires de la noblesse, ou le discours extrêmement fidèle d’un Louis XVI falot et peu charismatique).
Bien malgré lui, Jean-Luc Mélenchon a fait de la propagande pour un jeu qu’il n’aime guère. De nombreux articles dans la presse généraliste se sont fait l’écho des propos du Front de Gauche. Les réactions ont plu. Parmi les moins modérées, prenons celle du chroniqueur Christian Combaz pour le Figaro :
Formidable expérience historique et vidéoludique, outil pédagogique hors catégorie, livré avec une base de données fournie, Assassin’s Creed Unity ne fait en somme que refléter des points de vue déjà largement présents dans les représentations générales. Qu’il permette à tout un chacun d'avoir envie de creuser la réalité historique pour s’apercevoir de sa complexité est déjà une belle réussite.Assassin's Creed, cela signifie «le crédo de l'assassin». On peut déjà s'étonner que partout dans le monde, dans les magazines, les catalogues de Noël, les pages cadeaux de la presse féminine, on vante les mérites d'un titre pareil qui résonne comme une véritable profession de foi, alors que l'on déplore les exactions cruelles commises en Irak et en Syrie. Si Jean-Luc Mélenchon voulait vraiment dénoncer les injustices, les distorsions dont se rendent coupables les jeux vidéo, s'il voulait mettre en lumière leur influence détestable sur les esprits , s'il s'agissait réellement pour lui de traquer un grand Satan idéologique, il aurait pris le relais des rares magazines spécialisés qui viennent de dénoncer l'apparition prochaine d'un jeu international nommé Hatred.
Commentaires
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C'est beau de lire un article comme ça.
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Peut-être même (surement) que Mélenchon est tombé dans le coup marketing d'Ubisoft. Ils savaient que ça allait faire scandale, et forcément, ça plait énormément au public qu'ils visent.
Après, je suis d'accord avec Monsieur Corbière. Rare sont ceux qui ont étudié ou étudieront la Révolution Française (de toute ma scolarité, je ne l'ai jamais étudiée), et rare sont ceux qui vont aller vérifier la vraie histoire de cette Révolution.
Quand je vois le degré de culture à la fac (les anges de la téléréalité, les chtis, tout ça, c'est pas des cas isolés), j'ai un peu peur pour notre génération, qui se fait laver le cerveau par la télévision et internet. Je suis un peu déçu par Ubisoft, ils auraient pu faire un jeu avec des faits justes, comme dit Corbière, les jeux vidéos sont beaucoup plus efficaces que les cours d'histoires de l'Education Nationale.
Dommage aussi qu'on mette plus en avant Mélenchon, alors que d'autres beaucoup plus intelligent que lui en parle beaucoup mieux que lui.
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Ecrit par LikoJe te rassure, il y a des points dans le jeu qui sont "justes".
Je suis un peu déçu par Ubisoft, ils auraient pu faire un jeu avec des faits justes
Notamment l'histoire de Marie Tussaud qui réalise des masques de cire des personnes guillotinées (on fait d'ailleurs des missions pour elle )
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tout n'est pas noir ou blanc, mais un peu michael Jackson (...)
il ne faut rien croire des ecrit du passé, mais vivre un present "juste" et "humain" (pas trop tout de meme, l'humain est un con...)
rien n'est vrais tout est permis
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Comme pour le cinéma, les films se basant sur des faits réels ne suivent en aucun cas l'histoire réelle à 100%.
Tout est permis pour faire des écarts dans les scripts. Du moment que c'est cohérent, il ne doit pas y avoir polémiques.
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Après, comme j'ai dit dans mon premier commentaire, la polémique sur Robespierre, pour moi, c'est un peu comme la guerre des consoles, ça n'a aucun intérêt (pour moi, toujours). Je comprends que d'un point de vue historique, il y ait matière à débat, mais de là à se donner en public comme le fait Mélenchon ...
Encore une polémique qui ne concerne qu'une minorité qui passe au premier plan à cause des médias.
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J'ai écrit un texte de 200 pages à Quentin Tarantino (toujours sans réponse) et j'attends une explication.
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quel tueur
J'ai écrit un texte de 200 pages à Quentin Tarantino (toujours sans réponse) et j'attends une explication.
Sinon bel article fort intéressant
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La ca commence à suinter.
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