Publié le Dimanche 7 juin 2015 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Born to be wild

Un jour j’s’rai vieux. Et j’s’rai un biker.
Oui, je sais. Je vous ai déjà parlé de mes vieux jours. Comme quoi je serai un vieux con qui jettera des cailloux aux jeunes cons, assis sur mon banc, à maudire le monde entier et trouver que « c’était mieux avant, vous savez pas ce que vous avez perdu bande de merdeux ». Faut dire, hein, une génération de gros débiles qui aujourd’hui ne sait pas qui était Pierre de Ronsard ou est persuadé qu’Albert Camus, c’est juste le nom d’une cité, mais qui ne rate jamais aucun épisode de Cyprien ou Norman, excusez du peu, mais ça mérite de crever dans d’atroces souffrances. Et je ne parle pas des poufiasses pour qui Simone de Beauvoir est inconnue au bataillon alors qu’elles connaissent la vie de Nabilla par cœur. On a les héros qu’on mérite, hein.

Mais mes deux prévisions ne sont pas incompatibles, notez bien. A quelques variantes près. Je ne serai pas assis sur un banc, mais sur ma Harley Davidson. Et je ne jetterai pas de cailloux, mais des canettes de bière. Vide, les canettes, forcément. Mais bien lancées dans la gueule, ça peut faire mal aussi. Et puis, rien ne m’empêche éventuellement de pisser dedans pour donner du poids, ou d’opter pour la bouteille de verre.

Bon, ok, je n’ai pas le permis moto. Mais ce n’est qu’un détail. J’ai tout le temps pour le passer. Je ne vais pas m’arrêter pour si peu. Et pendant qu’j’y s’rai, j’prendrai des cours de mécanique aussi. Mais c’est décidé. Quand j’s’rai vieux, j’s’rai un biker. Je nouerai un bandana tête de mort sur mon crâne rasé. Je me laisserai pousser mon bouc devenu blanc avec l’âge, un peu plus long, façon barbe. Et j’aurai mon blouson noir en cuir clouté avec mes insignes de gang derrière. Les « Hells Gremlins ». J’avais pensé à « Hells Kitchen » à la base, parce que c’est un quartier de New York lourd d’Histoire et de bad boys. Mais ça risquerait aussi d’avoir une connotation « émission de cuisine ». Du coup, ça f’rai pas très sérieux, hein.

Avec mon jean et mes santiags, j’parcourrai le monde. J’aurais bien proposé à ma meuf de venir à cheval derrière mois, frotter ses nichons contre le cuir de mon blouson, mais j’la connais. Elle préfèrera avoir sa Harley elle aussi et rider à mes côtés.

Quand j’s’rai vieux, j’s’rai un biker et puis c’est tout. Le pack de 24 dans les sacoches réfrigérées (on a beau être un routard, ça n’empêche pas le confort, et les bonnes manières, hein), j’irai voir où la route nous porte.

Je m’f’rai bien un trip d’Anchorage jusqu’à Ushuaia. Ouais parce que je précise pour les jeunes merdeux. Ushuaia, c’est pas qu’un gel douche. C’est aussi une ville à la pointe sud de l’Amérique. J’traverserai les States et toute la côte Ouest de l’Amérique Latine. Je m’f’rai la mythique Route 66. J’irai fumer l’calumet de la paix avec les derniers peaux-rouges qui n’ont pas été exterminés à grands coups d’alcool. J’irai mater des spectacles de danseuses à poil dans les bars de bikers de Chihuahua. J’me taill’rai un futal en peau de lama avec les indiens du Pérou. J’irai même me r’cueillir sur la tombe de Pablo Neruda. Ok, c’est p’têt pas très biker, mais être biker, ça n’empêche pas la culture. Et pour les jeunes qui nous lisent, Pablo Neruda, c’est… non, laissez tombez. Z’avez qu’à vous dire que c’est l’co-auteur d’Enrique Iglesias ou une marque de soda espagnol. Après tout, j’m’en cogne. Vous ne méritez ni Pablo, ni Simone, ni Albert, ni les roses écloses au matin de l’ami Pierrot.

Bref. J’la sens bien, moi, ma retraite.

J’aurai même ma Winch sur le flanc de ma Harley, pour shooter les ours bruns un peu trop curieux ou pour tirer un ou deux gibiers pour l’barbecue. Mais j’aurai surtout ma fidèle Marilyn, bien rangée dans son étui, prête à être dégainée au moindre pépin, au moindre trou du cul qui veut m’faire une queue de poisson, ou surtout au moindre fils de pute qui veut m’sout’nir que David Guetta, c’est mieux qu’Steppenwolf ou ZZ Top. Marilyn. Ma batte de baseball. Et ouais, son p’tit nom, elle ne la doit pas à je ne sais quelle poufiasse de télé-réalité. Juste à l’une des icônes féminines qui encore aujourd’hui fait trembler les sens. Ah ça, elle jouait peut-être comme une savate. Ce dont on peut aussi qualifier la jeune génération des Kristen Stewart et Jennifer Lawrence cela dit. Et encore, Marilyn, c’était sans doute moins pire. Mais elle avait tellement plus de classe, de chien, de magnificence. Bref. Ma batte s’appelle Marilyn. Parce que quand vous la voyez, ça vous fait un choc.

Un jour j’s’rai vieux. Et j’s’rai un biker.
Si ça vous tente, y’a d’la place dans ma bande.