Publié le Vendredi 29 novembre 2013 à 12:00:00 par Alexandre Combralier
Test de Crusader Kings II : Sons of Abraham (PC)
Dieu a dit aux Juifs : Vous êtes le peuple élu. A mon avis, il y a ballottage. (W.Allen)
Alors qu’il s’apprête bientôt à fêter sa deuxième année, Crusader Kings II reste toujours une référence parmi les wargames de Paradox. Le studio suédois a rendu encore et toujours plus profond et plus passionnant son petit bébé en le dotant de nombre d’extensions, dont les deux plus importantes permettaient de jouer des souverains musulmans (ça, c’est Sword of Islam) ou païens (et ça, c’est l’excellent The Old Gods). Avec Sons of Abraham, Paradox opère néanmoins un retour aux sources : comme le titre l’indique, on délaisse Thor et Odin pour se porter vers les religions abrahamiques, monothéistes, celles avec un Père tout puissant, qu’il s’appelle Yahvé, Dieu, Allah ou Zlatan.Comme d’habitude, la question est de savoir si les nouveautés apportées par l’extension sont suffisamment importantes pour justifier son prix de vente (étant entendu qu’il faudra être un inconditionnel du jeu de base pour pouvoir apprécier à fond ses extensions). Et tout de suite, un point est à noter : alors que The Old Gods coûtait 14,99 € (prix justifié par l’envergure de la chose), le prix de Sons of Abraham s’élève à 9,99 €, soit le même montant que pour Sword of Islam. Mais autant le dire tout de suite, le contenu apporté par Sons of Abraham est plutôt de l’envergure d’un DLC moins important comme Legacy of Rome, qui n’était vendu que 4,99 €.
Expliquons-nous. Sons of Abraham apporte pour résumer plusieurs nouveautés qui concerneront surtout la religion catholique, même si la religion musulmane n’est pas non plus laissée de côté (il faudra donc d’ailleurs posséder déjà Sword of Islam pour tirer profit de tous ces ajouts). Paradox a également axé sa communication sur l’apparition de la religion juive, dont il nous reste à apprécier la véritable originalité. Enfin, une myriade de nouveaux événements et une gestion plus réaliste et dynamique des guerres religieuses viennent se rajouter au tout.
Commençons donc par les nouveautés apportées quand l’on jouera un souverain catholique. L’ajout le plus visible est l’apparition du Collège des Cardinaux. Ici, le joueur d’Europa Universalis ne sera pas dépaysé, puisque Sons of Abraham reprend la possibilité pour le joueur d’influer sur la composition de ce fameux collège. Comment ? En proposant des bourses aux grands ecclésiastiques. Des bourses pleines d’argent, bien sûr. Le souverain aura donc de quoi peser dans l’élection du futur pape. Et si le pape nouvellement élu par la grâce de Saint-Pierre et de vos bourses est né dans votre pays (ou même mieux, de votre dynastie), vous récolterez tout plein d’avantages : bonus diplomatiques, immunité face à l’excommunication, bonus de prestige et de piété…
Sans être un gage d’omnipotence, ces faveurs – néanmoins difficiles à obtenir - ne sont pas négligeables. Notons d’ailleurs la possibilité d’installer des antipapes pour contrer un pape qui vous serait défavorable, ce qui donnera plus de réalisme historique au jeu en introduisant notamment la problématique du gallicanisme. Mais pourquoi ne pas avoir poussé la recette un peu plus loin ? On aurait aimé pouvoir jouer les théocraties, et avant tout le pape dans sa Ville Éternelle – la gestion des dynasties aurait pu se faire avantageusement remplacer par la nomination et le contrôle des ecclésiastiques dans tous les pays.
Le Collège des Cardinaux mis à part, Crusader Kings II dispose de nombre d’autres nouveautés pour les souverains chrétiens et musulmans. L’optique reste la même : toujours plus d’immersion et de réalisme. Les ordres religieux sont beaucoup plus présents que par le passé, que ce soit du côté chrétien ou musulman (mais toujours difficilement en début de partie, face à la puissance des souverains païens). Des événements relatifs à la religion font aussi leur apparition. Comme d’habitude, de vraies petites histoires vous sont contées, avec à la clé des améliorations possibles pour les caractéristiques de votre personnage. Parmi ces événements, un se distingue : l’apparition dans votre royaume d’une « Jeanne d’Arc » locale (pas que pour le Royaume de France donc), une femme aux capacités militaires hors normes et qui pourrait changer véritablement le cours d’une guerre en prenant la tête de vos armées. Votre souverain pourra également partir en pèlerinage sur un lieu saint chrétien (comme pour les souverains musulmans), décider d’emprunter de l’argent aux marchands juifs, ou bien… expulser les juifs de son royaume (intéressant économiquement, beaucoup moins diplomatiquement).
Sujets plus graves : les guerres religieuses. Pour un jeu qui s’appelle « Crusader Kings », force est de constater que les croisades n’ont jamais été au centre du gameplay. Cela ne va en réalité guère changer avec les modifications apportées par cette nouvelle extension. Néanmoins, les croisades sont bien plus dynamiques (nous avons eu une première croisade dès le Xème siècle), les guerres religieuses plus violentes et fréquentes. On sent vraiment qu’il y a plus qu’une question de territoires : une question de vérités uniques et révélées. Ces guerres impliqueront aussi les souverains païens, surtout en début de partie. A tout cela s’ajoute une version revue des hérésies, plus réalistes, plus complexes, plus fortes et plus fréquentes également. D’abord locale, une hérésie peut s’étendre jusqu’à devenir la religion d’État.
Avec tous ces ajouts, Crusader Kings II devient encore plus réaliste et encore plus profond. Plein de nouveautés, certes, mais des petites ; pas de quoi changer vraiment l’approche d’une partie comme avaient très bien su le faire Sword of Islam et The Old Gods. Reste alors à voir si la religion juive, pour la première fois jouable, tiendra ce rôle d’atout-maître. Au prix de petits arrangements avec la vérité historique, Sons of Abraham débloque ainsi un souverain de religion juive, un Khazar près des montagnes du Caucase. Votre but sera d’étendre votre souveraineté jusqu’à Jérusalem et de reconstruire le Temple de Salomon. Mais avec des voisins musulmans, païens (surtout tengri) et orthodoxes (un certain Empire Byzantin) très puissants, la partie ne sera pas facile ; d’autant plus que vous êtes vraiment sans allié religieux.
Hélas, jouer un souverain juif ne diffère pas beaucoup du gameplay d’un souverain païen. Les événements disponibles rappellent franchement ceux des souverains nordiques (organiser des repas religieux, par exemple). La religion juive n’offre pas de nouveauté substantielle, comme la gestion de la Décadence dans la religion musulmane par exemple. Si l’habillage change forcément (le texte des événements, la charte graphique…), le cœur du jeu reste sensiblement le même. Et pis c’est tout. Finalement, au lieu de changer au moins en partie le gameplay, le souverain juif n’est qu’un défi diplomatique et stratégique de plus : un défi certes prenant, mais dont on attendait plus.
Comme on l’aura compris, Crusader Kings II : Sons of Abraham propose une petite collection de nouveautés qui rendent le jeu encore plus réaliste et plus immersif du côté de l’aspect religieux (Collège des Cardinaux, meilleure gestion des croisades, événements plus nombreux…). Mais si ces ajouts sont perceptibles, ils n’ont pas non plus l’envergure de ceux que proposaient Sword of Islam ou The Old Gods à leurs sorties. Pire, la religion juive est plus ou moins un gadget (marketing, pourrait penser le lecteur soupçonneux). D’un côté, en vendant Sons of Abraham 9,99 €, le studio suédois a exposé sa nouvelle extension à une comparaison peu avantageuse avec Sword of Islam. Mais d’un autre, Sons of Abraham satisfera forcément le fan du jeu de Paradox en proposant l’expérience la plus complète à ce jour. Tout dépendra de votre degré d’attachement envers Crusader Kings II et de votre degré de charité envers Paradox.
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Crusader Kings II : Sons of Abraham (PC)
Plateformes : PC
Editeur : Paradox Interactive
Développeur : Paradox Interactive
PEGI : 12+
Prix : 9,99 €
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