Publié le Mercredi 11 juillet 2012 à 12:00:00 par Alexandre Combralier
Test de Crusader Kings II : Sword of Islam (PC)
Allah guerre comme Allah guerre
Si, en février dernier, nous avions acclamé Crusader Kings II, le dernier-né des Suédois de Paradox Interactive prenant place au Moyen-Âge, c’était, bien sûr, d’abord pour la richesse de son gameplay. Il n’empêche : la durée de vie de ce brillant wargame était aussi phénoménale, tant l’expérience pouvait varier, que l’on incarne le comte de Foix avec pour but, de s’offrir les trois patelins voisins, ou bien que l’on choisisse le roi de France désireux de dominer l’Europe entière. Alors, au moment d’accueillir une extension à Crusader Kings II, deux questions se posent légitimement : est-il vraiment besoin de prolonger la durée de vie d’un titre qui n’en a aucunement besoin à la base ? et peut-on vraiment arriver à apporter plus de diversité à un jeu proposant tant de déroulements possibles ? On est donc très loin d’être dans le cas d’un éditeur sans scrupules qui, après avoir livré un jeu d’une durée de vie scandaleuse, proposerait à ses aimables clients une heure de gameplay supplémentaire contre une dizaine d’euros. De surcroît, Paradox Interactive a une fois de plus honoré sa réputation sur le suivi de ses jeux : depuis sa sortie, Crusader Kings II a bénéficié de très nombreuses corrections – avec même des ajouts de gameplay ; un gros patch est d’ailleurs sorti en même temps que Sword of Islam, prolongeant gratuitement la carte du jeu jusqu’au Mali. Puisque la bonté, ça doit aussi rapporter, on nous permettra donc d’aborder ce test avec bienveillance.Pour la modique somme de 9,99 €, Crusader Kings II : Sword of Islam rend donc les personnages musulmans jouables. On peut enfin retourner le point de vue du jeu original et faire des Chrétiens les affreux de la partie. On s’ouvre de nouvelles opportunités, de nouveaux objectifs de partie (prendre Constantinople et Jérusalem ! régner sur le Sultanat d'Irlande et l'Émirat de Bourgogne !) : ce qui offre, déjà, encore plus de diversité au départ. Or, certains mods débloquaient déjà les personnages musulmans. Mais Paradox ne s’est pas limité à cela, et a implémenté de nouveaux mécanismes de jeu à même de justifier le prix d’achat. Disons-le tout de suite, on ne reviendra pas sur les « bases » de Crusader Kings II : pour cela, il y a le test de février dernier. Étant donc entendu que vous êtes (très) coutumier de Crusader Kings II, vous êtes le public visé par Paradox et pourrez apprécier les nouveautés apportées.
Et à tout seigneur tout honneur, commençons par l’ajout le plus notable : le système de Décadence. La Décadence de votre dynastie augmente si vous possédez plus de propriétés que ce que les caractéristiques de votre personnage le permettent, en fonction d’événements aléatoires, et, surtout, selon la propre Décadence des autres membres de votre dynastie : si ce sont vos cousins qui sont décadents, vous pourrez encore les mettre au cachot (très vite, vous verrez que vous pourriez organiser des réunions de famille aux oubliettes) ; mais si ce sont vos fils, les mettre au cachot vous coûterait cher en termes de relations avec vos vassaux (système qui, au passage, demeure à l’identique) : il faudra alors donner des terres à votre progéniture. Problème (il y en aura bien d’autres), vu que la polygamie est de rigueur (au risque d’écoper d’un malus de Prestige !), les enfants grouilleront de partout et hanteront vos nuits. La dynastie devient donc une réelle source de complications : un haut niveau de Décadence infligera un sévère malus au moral des armées et diminuera les impôts prélevés ; à l’inverse, un faible niveau de Décadence apportera des bonus sur ces mêmes critères décisifs de la réussite de toute partie. Gérer tout ce beau monde devient alors, réellement, un jeu dans le jeu, ou plutôt, un casse-tête supplémentaire.
Heureusement, les cinq piliers de l’Islam pourront vous aider. Enfin, au moins deux d’entre eux : le Ramadan et le Hajj (le pèlerinage à la Mecque) : à l’occasion d’événéments calés sur le calendrier, il vous sera ainsi possible d’en profiter pour baisser votre niveau de Décadence et augmenter votre Piété. Nouveau problème là encore : à la fin du Ramadan, la coutume est de délivrer tous vos prisonniers ; mais puisque ce sont pour leur majorité des membres décadents de votre dynastie, ce serait augmenter le niveau de Décadence alors que vous vouliez le baisser ! Et c’est sans compter sur le fait que, plus votre territoire sera grand, plus vite la Décadence augmentera. Bref, on l’aura compris, Paradox a réussi à créer un complexe système de Shi Fou Mi avec lequel il va bien falloir composer. C’est donc là la principale nouveauté de cette extension : vous faire détester plus encore votre dynastie, vous donner plus encore l’envie de tous les envoyer dans de sombres geôles.
Qu’apportent de plus les souverains musulmans ? Des conquêtes plus faciles. Du moins en apparence. Contre tous les territoires chrétiens, vous aurez sans tarder des casus belli « Guerre sainte » pour des territoires entiers (là où, dans le jeu original, il était souvent bien plus difficile de trouver des motifs valables) ; mais du coup, vous aurez raison de craindre la fureur de tous les autres souverains chrétiens, qui n’hésiteront pas à défendre leur foi en courant au secours du bon chrétien attaqué par le chien musulman. Sans compter les très puissants Templiers et Hospitaliers qui s'inviteront aussi à la beuverie générale. Un autre motif de casus belli est alors disponible : l’option « conquête du titre », qui permet, contre 50 points de Piété, de conquérir tout territoire frontalier à vos possessions. Forcément, l'expansion si elle est plus facile, devient aussi plus longue et fastidieuse.
C’est tout l’esprit de cette extension : rendre les choses apparemment plus faciles, mais les compliquer au bout du compte. La Décadence peut donner un sérieux avantage, mais aussi un incroyable malus. La polygamie c’est cool, mais trop d’enfants, c’est pas bon pour la Décadence. Les casus belli sont plus faciles à obtenir, mais les guerres qui en découleront plus hasardeuses. Et, certes, pour les Sunnites, il n’y a plus de relations à gérer avec le chef religieux, mais l’on aura remarqué que les hérésies y naissent et y croissent plus facilement.
L’approche de chaque partie devient donc différente. Oh, elle ne change pas du tout au tout : pour 9,99 €, Paradox ne va offrir un Crusader Kings III. Mais clairement, Sword of Islam tient plus de la véritable extension que du simple DLC cosmétique. Les ajouts ne sont pas si nombreux qu’on aurait peut-être pu l’escompter, mais ils sont rudement bien soignés. Histoire d'apporter encore plus de diversité, de nombreux nouveaux événements aléatoires, apportant leur lot d'anecdotes, souvent cruelles, viendront vous distraire un temps de la gestion de votre dynastie. Pour en profiter pleinement, on aurait quand même aimé que certains problèmes de traduction aient été réglés dès leur sortie (un patch tout récent a heureusement rectifié le tir). On aurait aussi vraiment apprécié de nouvelles musiques pour coller mieux à l’ambiance, tant celles du jeu original étaient réussies (il faudra payer en plus pour les avoir ! Là, on retombe dans la catégorie des DLC’s cosmétiques, disons-le).
Paradox n’en veut pas à votre argent, mais à votre temps. Crusader Kings II : Sword of Islam est bien une extension fan-service. Elle ne convertira absolument pas les réfractaires (au mauvais goût) qui n’auraient pas aimé le jeu original. Elle contentera, ou même ravira, les grands amateurs du meilleur wargame de Paradox (tout à fait subjectivement). On ne va pas la qualifier d’indispensable, vu la richesse du jeu original ; mais si vous l’avez aimé, l’extension est une très bonne occasion de reprendre du service, le dépaysement en plus. Inch'Allah, bien sûr.
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Crusader Kings II : Sword of Islam (PC)
Plateformes : PC
Editeur : Paradox Interactive
Développeur : Paradox Interactive
PEGI : 12+
Prix : 9,99 €
Images du jeu Crusader Kings II : Sword of Islam (PC) :
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