Publié le Lundi 24 décembre 2012 à 09:30:00 par Laurent Benoit
Test de Miasmata (PC)
Dans la jungle, terrible jungle...
Dans Miasmata, toute la narration du jeu vient de sa synthèse : pas de scripts, pas de personnages vous indiquant qui vous êtes. Le jeu introduit votre personnage comme un scientifique, et surtout un pestiféré banni d’un lieu et d’une époque inconnue (pouvant autant se situer dans l’Angleterre Victorienne que dans les années 80 ou même dans un futur alternatif ?) sur une île où ses copains en blouses blanches et grosses lunettes se sont isolés pour trouver un remède. Pourquoi là-bas, comment, pourquoi un bannissement, pourquoi vous, etc… vous n’aurez aucune réponse.Vous débutez en effet le jeu vous réveillant sur la plage après que votre embarcation ait accosté pendant que visiblement, vous avez perdu connaissance en cours de route à cause de la maladie ou d’un kebab mal digéré avant le départ (ou les deux).
A partir de là, aucun HUD, aucune balise, aucun objectif. Vous mettrez un petit quart d’heure pour découvrir que non seulement le camp de base scientifique est vide, mais que ce qu’il en reste, ce sont des cadavres mystérieusement assassinés à coups d’armes blanches, ne laissant qu’un sang full 3D ressemblant à de la mélasse pour goudronner une route et des cadavres très très moches, qui s’ils étaient vivants, tiendraient plus de l’abomination génétique que de l’être humain.
Car il est temps de présenter la première rencontre avec le joueur : le moteur 3D du jeu. Jeu indépendant à petit budget oblige, le duo de développeurs a conçu leur propre moteur 3D à la force de leurs petits bras maigrelets sous-alimentés par les dures conditions de développement du jeu.
Il en résulte un moteur global pas vilain pour de l’indé, notamment dans une approche immersive relativement bien fichue et une impressionnante (quoique très perturbante) gestion d’un ciel nuageux à base de décalques de textures, de flous et de variations de lumières qui donnent une ambiance crépusculaire au jeu.
Outre l’absence d’êtres humains sur l’île, cette lumière tantôt rassurante, tantôt menaçante (et qui a légèrement tendance quand même à sous-exposer la luminosité du jeu), étalant ses lourds nuages emplis de pluie (qui ne tombera jamais) couplée à un paysage sonore ne laissant entendre qu’oiseaux au loin et bruit du vent laisse réellement le joueur abandonné de toute civilisation, perdu au milieu d’une île elle-même sans doute absente des cartes.
Avec une poignées d’oiseaux et de lapins qui gambadent, de mystérieuses statues de Pâques un peu partout, et des avant-postes scientifiques abandonnés parsemés de corps fraichement tués, vous voilà à la recherche d’un remède contre la peste, avec seules quelques notes disséminés par les scientifiques, et votre propre journal pour rendre compte de vos recherches.
Car point de flingues dans Miasmata. Il vous faudra surveiller votre santé (hydratation et médication contre la peste) tout en récoltant mousses et plantes locales pour les analyser et en tirer des possibilités de médicaments (augmentant votre endurance, votre perception ou votre force de manière temporaire) et trouver votre graal, un remède à la peste, nécessitant trois ingrédients à réaliser auparavant.
A vous les longues balades en forêt, les escalades de pentes glissantes et l’observation de la région depuis les hauts points de l’île. A ce titre, le body awareness est plutôt génial, car sans égaler celui d’un Crysis, d’un Riddick ou d’un Dishonored, les déplacements prennent en compte le poids du joueur et son inertie. Ainsi, courir comme un dératé vous projettera en avant dans les descentes, vous fera glisser et déraper quand vous changez brusquement de sens, etc… et au début du jeu, la première chute en roulades chaotiques le long d’une colline et le perso qui se relève complètement groggy avec l’écran flou laisse admiratif. On aimerait voir ce genre de comportement « réaliste » dans des jeux de la même trempe comme ArmA ou plus proche de nous, son mod survival zombie DayZ.
Aucune carte de jeu qui se révèle non plus. L’autre particularité du jeu sera de vous obliger à vous déplacer dans l’île en utilisant la technique de la triangularisation pour vous repérer et dresser une carte de l’île (sur laquelle vous-même n’apparaissez pas en temps réel). Une idée très intéressante mais un peu difficile à appréhender pour les grosses tanches de l’orientation comme moi. Ainsi, il faut sans cesse avoir en vision des objets déjà repérés et « dévoilés » pour continuer le boulot, impossible de démarrer une triangularisation « sauvage » depuis des repères choisis personnellement, et l’absence de pignon vous représentant sur la carte vous oblige à composer avec à la fois le repérage papier des environs et votre propre orientation par rapport aux objets, comme dans la vraie vie.
Ce système, même limité, reste l’autre élément le plus intéressant du jeu, vous obligeant à planifier vos déplacements (j’ai tourné en rond pendant deux heures au début du jeu pour avoir pris le système à la légère) et permet au jeu de vous empêcher de savoir où se trouve la Bête, occasionnant des rencontres surprises.
"Quoi ? Quelle bête ?" Bah oui… la nuit venue, vous vous rendrez vite compte (le jour aussi d’ailleurs) qu’une créature rôde sur l’île et vous cherche pour son quatre-heures qu’elle n’a pas dû avoir depuis des lustres et la mort du dernier scientifique. Une espèce de chat vert à cornes, plus grotesque qu’effrayant, mais qui se balade sur l’île et apparaît de manière aléatoire par décision du jeu. Invincible et ne pouvant être que distraite ou retardée, à vous de battre le record de 100 mètres sprinté ou de vous cacher pour l’éviter, et de reprendre votre aventure. Ne cherchez pas d’explication à sa présence, la bête est là pour constituer le défi du jeu qui se bornerait sinon à du puzzle. Pour éviter toute tentative de quicksave/quickload, le jeu vous oblige à passer par des checkpoints pour sauvegarder, via des torches et lampes situées dans les camps, à activer pour sauvegarder le jeu. La créature, contrairement à ce qui était affirmé, ne se ballade pas en permanence sur l’île de manière aléatoire, mais est chargée par le jeu près des points d’intérêt (plantes, camps…), elle n’est donc pas dépendante de votre comportement (bruit émis ou ballade la nuit), ce qui nuit en passant à sa crédibilité.
De même, le body awareness si plaisant n’apporte finalement qu’une gestion des chutes. Aucun combat, aucune manipulation des bras et des muscles du personnage, là où on aurait pu expérimenter beaucoup de choses, et améliorer l’idée déjà présente dans Jurassic Park : Trespasser.
En fait le problème de Miasmata, c’est que pour une douzaine d’euros, vous achetez un concept de jeu, mais pas un jeu à proprement parler. Même si les scientifiques laissent des notes sur les murs parlant d’un monstre vous épiant et d’un danger, on ne résout finalement aucune histoire, la recherche scientifique n’a aucun intérêt ; on aurait pu par exemple devoir jouer à des mini jeux selon les plantes et échantillons récoltés, alors qu’ici, on assiste à chaque fois à la même cut-scene d’analyse (heureusement on peut la zapper).
Le jeu se résume très vite à boire à intervalles réguliers une gorgée d’eau, triangulariser toute l’île (ce qui devient très vite gonflant), ramasser toutes les plantes que vous trouvez pour les analyser et au final trouver les trois échantillons nécessaires au remède, tout ça en évitant de temps en temps un monstre moche, idiot et pas très futé au final. Votre personnage étant une loque atteinte de la peste, vous pouvez à peine courir et certainement pas nager, et devez fabriquer régulièrement des antidotes pour les fièvres qui vous gagnent : l’écran se désature progressivement, vous tombez de plus en plus et vous finissez par mourir. Autant dire que ceux chez qui la malaria de Far Cry 2 a été l’élément pourri du panier vont être ravis.
Bref, avec un monstre increvable qui n’est là que pour pimenter l’aventure, une île grande mais vide, un gameplay répétitif à souhait, Miasmata ne conserve que deux atouts : son excellent ambiante de simulation de randonnée, et sa cartographie, accentuant son aspect survival aux yeux des puristes. Le body-awareness excellent couplé à une immersion sonore géniale (bruits de pas, halètements, souffle, bruits de la forêt, le travail sonore est remarquable malgré l’absence d’une vraie bande son musicale), et s’il se révèle trop mis en avant comme seul élément décisif de l’avancée du joueur, le système de cartographie par triangularisation pourrait inspirer d’autres développeurs pour renouveler un peu les cartes et repères dans les jeux à mondes ouverts.
Oui, dans Miasmata, ce qui compte le plus finalement, ce n’est pas l’arrivée mais le voyage. Le jeu prend son sens de survival dans le fait de devoir en permanence être aux aguets pour des missions à dimension humaine (on ne part pas dézinguer un croiseur spatial ou un roi magicien et son armée, mais récolter des fleurs et de l’eau) sous peine de se voir écrasé par la toute puissante Mère Nature ou la peste, ou la Bête. Mais a quoi sert un voyage initiatique et marquant si ce dernier n’a pas d’arrivée ? A quoi sert-t-il au joueur de guérir sa maladie ans aucune recherche ou différence dans les analyses scientifiques, et à quoi bon s’il est condamné à se mouvoir sur une île abandonnée toute sa vie pour échapper à un monstre increvable ? Est-ce vraiment une vie ? Son manque d’ambition scénaristique et de conclusion seront la raison qui poussera les plus impatients à abandonner le docteur à son sort. Dont votre serviteur, qui a jeté l’éponge au bout de 10 heures de jeu répétitives à souhait, bien que IonFX ait affirmé que les plus téméraires peuvent terminer le jeu en 12 à 14 heures.
Néanmoins, il faut maintenant voir ce que le duo de développeurs va faire de son jeu, notamment en terme de contenu de jeu, d’optimisation et de fignolage sur l’aspect esthétique quand même très vilain de près (sans parler des modèles 3D), mais l’idée est là. Reste qu’à son prix et avec son contenu, Miasmata n’intéressera que les mordus d’expériences sensorielles et de jeux à la patte ultra personnelle, prêts à sacrifier une progression, une histoire et une conclusion au jeu vidéo qu’ils ont entre leurs mains.
En terme de jeu, sans être l’escroquerie intellectuelle d’un The Graveyard ou d’un Dear Esther, il reste quand même beaucoup à faire pour proposer un vrai survival cohérent et solide. Peut-être avec d’énormes mises à jour futures, ou l’ouverture du kit de développement du jeu aux joueurs pour le modder ?
La balle est dans le camp des frangins Johnson.
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