Publié le Vendredi 26 avril 2013 à 14:00:00 par Alexandre Combralier
Un jeu pour les mélanger tous
Larian Studios ne chôme pas. En parallèle du développement de Divinity : Original Sin, un RPG, la spécialité de la firme, le studio belge peaufine un jeu ambitieux : Dragon Commander. Tout en conservant toute l’expérience acquise avec ses jeux de rôle en matière d’écriture de quêtes, Larian Studios se lance aussi dans l’inconnu : le wargame, le STR et le jeu d’action. Voilà donc pourquoi Dragon Commander est ambitieux : il mêle à la fois les dialogues d’un point’n click, la stratégie d’un wargame, la réactivité du STR et même la frénésie du jeu d’action. Mais tout cela, Dragon Commander ne le fait évidemment pas en même temps. Le jeu se divise ainsi en trois phases distinctes.
La phase la plus tranquille du jeu, la plus reposante, mais peut-être aussi la moins ambitieuse, est celle qui fait la part belle aux dialogues. Cette phase, qui n’inclut donc aucune action, est l’occasion pour le joueur de faire évoluer la législation de son Empire et de répondre aux demandes de toutes ses factions. L’Empire, soit dit en passant, c’est celui de Rivellon, en pleine crise de succession, qu’il faut maintenant pacifier et unifier, chose à laquelle on va s’atteler au cours d’une campagne solo au déroulement non-linéaire. Pendant cette première phase, on discute avec ses généraux et ses ministres, son épouse aussi, et surtout on fait évoluer la jurisprudence de son royaume. Les problèmes présentés semblent à première vue très variés : l’égalité hommes/femmes, les limites de la légitime défense et même le mariage homosexuel. Le joueur y répond selon ses choix… mais pas que.
Car en effet, cette phase est cruciale car c’est à travers elle que l’on fera évoluer l’opinion de chacune des cinq races de l’Empire (les morts-vivants, les elfes, les nains, les hommes-lézards et les diablotins). Chacune a bien entendu ses propres opinions, reflétant plus ou moins des lignes politiques bien réelles (les nains sont ainsi le type de l’industriel capitaliste sans scrupules, tandis que les elfes sont plutôt libertaires…). A vous d’essayer de rechercher un maximum de compromis ou, au contraire, de jouer à fond la carte mort-vivant, par exemple, pour avoir un vrai allié sur la carte. Finalement, sur cet aspect, Dragon Commander est loin d’être simplement un jeu de fantasy. Pas de quoi évidemment crier au « Geopolitical simulator », mais reste à voir si cette touche de rappel à la réalité et à l’actualité sera du goût de tous. Heureusement, la qualité d’écriture et l’humour sont au rendez-vous.
Mais tout cela n’est encore qu’un moyen. Au centre sinon du plaisir du jeu, du moins de la progression du joueur, se trouve l’aspect wargame de Dragon Commander. Le jeu propose ainsi, pour toute la durée de la campagne ou pour l’espace d’une partie multijoueur, des cartes du monde (générées aléatoirement), divisées en provinces (dans la veine d’un Risk par exemple). Le but est bien sûr de conquérir le maximum de provinces ennemies. Pour cela, Larian a offert toute la boîte à outils du parfait petit wargamer : la construction de bâtiments, la recherche de technologies, le déplacement des troupes pour le prochain tour, mais aussi, plus original, la gestion de cartes aux bonus appréciables.
On est loin cependant de toute la complexité d’un jeu Paradox (Crusader Kings, Hearts of Iron…), très loin même, par les mécanismes du jeu (les unités sont toutes les mêmes pour toutes les factions), par le nombre de provinces finalement assez réduit. Ce n’est certes pas le lieu ni le jeu pour : on peut penser sans trop se tromper que l’aspect wargame a pour mission, plutôt que d’embrouiller les esprits et d’écarter un public important du jeu, d’inscrire les batailles en temps réel dans le long terme et dans un cadre plus vaste. Car une fois que deux armées ennemies se rencontrent sur la carte du monde, on bascule (comme dans un Total War, oui) en phase STR.
Cette phase STR de Dragon Commander est sûrement la plus plaisante de toutes à jouer. Les parties sont tenues par le nombre de renforts disponibles, communs à tous les joueurs, qui diminue progressivement et ne remontera plus jamais une fois à zéro. Sur de grandes cartes (20x20km) où la molette nous permet de zoomer d’un extrême à l’autre, le joueur, pour exterminer le camp d’en face, doit capturer un maximum de bâtiments (impossible d’en construire). Ils se divisent entre ceux qui augmenteront la disponibilité des recrues (la ressource principale du jeu), ceux qui produiront simplement (et très vite) des unités, et les tourelles de défense. Les parties sont donc intensives ; il ne faut pas rester sagement dans son camp et être toujours d’attaque. Là encore, on ne peut que regretter l’uniformisation de toutes les unités, et aussi leur classicisme, non pas dans leur design mais dans leurs fonctions propres (artillerie, soutien, anti-aérienne)…
A ce côté STR, Larian Studios a décidé d’y ajouter encore un versant action. A tout moment il est possible de changer entre contrôle d’un STR classique à la souris, et contrôle du dragon du joueur. Le dragon est le « héros » d’un STR classique, bien qu’il s’agisse ici plutôt d’un super-héros : le dragon se rend très vite d’un bout à l’autre de la carte, tape très fort et en plus de cela, peut protéger ou soigner les unités. Ce côté action renforce en réalité le côté stratégie du jeu : il s’agira de délaisser au meilleur moment la gestion de ses unités pour prendre le contrôle du dragon, et du bon mélange dépendra sûrement la réussite de la partie.
On l’aura compris, Dragon Commander est un véritable concentré de plusieurs types de jeux vidéos : point’n click (pour le versant dialogues), wargame, stratégie et même action. L’accusation classique qu’on adresse à un jeu mélangeant les genres est d’en simplifier chaque aspect. Et, reconnaissons-le, une accusation de ce genre ne serait pas totalement injustifiée dans ce cas précis, en particulier sur le côté wargame, mais même sur le côté STR. Dragon Commander pourra certainement séduire par son œcuménisme, même si, sans être un fourre-tout imprécis, il laisse l’impression qu’il ne sait pas trop à quel saint se vouer. Réponse définitive dans le courant du premier semestre, sur PC uniquement.