Publié le Dimanche 4 décembre 2016 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Peuple, réveille-toi !

On vit quand même une époque extraordinaire. Cela dit, je me demande si en 1933, les intellectuels allemands se disaient la même chose. Est-ce qu’entre deux verres de schnaps, ils se frappaient sur la panse en déclarant « Oh lala Gunthër, on n’est pas dans la merde dis-donc, faudrait voir à faire quelque chose, vas-y, ressers-moi un verre » avant d’aller se perdre le nez dans la poitrine opulente d’une gretchen noyée dans de la mauvaise bière et d’oublier leurs velléités de justice sociale ?

Oh, je vous rassure, je ne parle pas de moi. Je me considère autant intellectuel que je considère Maître Gims comme un élément primordial pour l’Histoire de la musique. C’est dire. En plus, je déteste le schnaps. Et si je dois me perdre le nez dans la poitrine opulente de ma gretchen à moi, je l’aurai noyée avec de la bonne bière d’Abbaye et non pas l’immonde pisse que l’on se force à boire Outre-Rhin.

La question n’est pas là.

Je m’étonne simplement que personne ne s’insurge devant le virage dangereux que prend non seulement notre pays, mais le monde entier. Personne pour taper du poing sur la table et balancer un « maintenant, ça suffit les conneries ». Décimés par le temps et la maladie, les intellectuels des années 80 ou 90 ont laissé la place à une génération de pisse-froids et de mortes couilles qui vous déclarent un « non mais moi je ne fais pas de politique, je suis un artiste ». L’absence de prise de position par peur de perdre quelques-uns de leurs fans est un aveu de pauvreté intellectuelle et d’imbécilité crasse, à la hauteur de leurs textes pathétiques et creux.

Bordel. Personne pour venir face caméra balancer ses quatre vérités à un peuple qui déconne dangereusement, allant se perdre dans des pensées et comportements délirants ? Personne pour vous dire d’arrêter d’être stupide cinq minutes ? De frapper du poing à en casser la table ? De réexpliquer comme on ressasse éternellement à un enfant débile qu’on ne lutte pas contre un extrémisme religieux avec un autre, ni en s’adonnant à un extrémisme politique ?

Parce que là, j’ai juste l’impression que tout fout le camp. Que tout part en couilles sévère. A tout mélanger, on laisse agir les cons. Qui du coup se sentent pousser des ailes.

Et c’est parti pour un retour en arrière et un sabordage total de la liberté d’être, de penser et de disposer de son corps.

Allez voter, gentils moutons écervelés, avant d’être sacrifiés sur le méchoui des puissants. Allez manger l’hostie en latin et vous agenouiller devant l’autel de la pensée unique.

Et bientôt, vous défilerez vous aussi pour cautionner l’interdiction de l’IVG, brandissant vos banderoles qualifiant de meurtrières celles qui voulaient simplement disposer librement de leur corps. Et bientôt vous scanderez des slogans liberticides envers ces dégénérés d’homosexuels. Jusqu’à prôner le retour de la femme au foyer, des valeurs traditionnelles « Famille, travail, patrie ». Jusqu’à parer l’Elysée de nappes Vichy ?

Faites-moi juste ce plaisir, moi qui serai sans doute l’un des tous premiers à être brûlé en place publique pour hérésie : défilez au pas de l’oie dans de jolies chemises noires ou brunes. Ça me rappellera ces grandes années que vous semblez regretter tant.

Je suis consterné de voir quelle direction prend notre société. L’homme, désespéré de sa situation précaire, en remet son destin aux mains d’idées radicales. Au lieu de tout simplement de se remuer le croupion pour s’en sortir les doigts.

Où sont les derniers punks pour venir avec moi foutre le feu à un quartier en gueulant « No Future » sous les coups de boutoir électriques des pistolets du sexe ? Où sont les derniers anars pour mettre deux baffes aux bigots et aux traditionnalistes ? Où sont les derniers penseurs pour remettre en cause les courants nauséabonds dans lesquels quelques chancres de l’intolérance veulent nous conduire ?