Publié le Samedi 3 décembre 2016 à 12:00:00 par Paf!
La chronique cinéma de Paf ! : Preacher
...et autres pépites télévisuelles
« Preacher »
et autres pépites télévisuelles
D’où naquit le Mogwai…
De temps à autre, il m’arrive de monter à la Capitale par la route et par conséquent, de traverser la banlieue rouge couvertes de paraboles où réside mon rédac-chef. Pour des raisons de politesse hiérarchique tout autant que par affection pour l’Ecosse liquide, il me vient ainsi parfois l’idée de m’arrêter sonner chez lui, au cas où il y aurait du monde à la maison : sa charmante femme ou ses adorables enfants. Ce jour-là cependant, pas de bol : le Gizmo était là. Seul.
Il me faut vous dire, si vous ne le connaissez qu’au travers de ses écrits, que sur le plan du physique comme sur celui de la sociabilité, le Mogwaï est nettement moins amène que la peluche dont il tire son nom ou les femmes à qui il a donné le sien. Il rebute tout notamment à partager avec moi sa formidable cave à Whisky, prétextant mon grand âge et celui de ses bouteilles, alors que sa femme et ses filles, à l’inverse, sont toujours des plus prodigues en verres à mon endroit. Si elles doivent sans nul doute songer ce faisant au foie pré-cyrrhosé de leur époux et père, elles obéissent aussi très certainement à des préceptes élémentaires de charité chrétienne transmis de mère en fille chez les Mogwaï. Cela m’est d’ailleurs un mystère que de les voir parvenir à faire perdurer cette tradition alors même qu’elles fréquentent quotidiennement un homme, plus prompt à énucléer à la petite cuillère un chauffeur routier innocent et borgne qu’à oboler la sébile d’un aveugle de gauche ne portant pas de tongs.
Toujours est-il qu’au détour d’un café instantané amicalement servi dans un mazagran logoïsé Star Wars, je lui fis part de mon état de santé vacillant ces dernières semaines, m’ayant cloué au lit et empêché d’écrire ces fameuses chroniques que « personne ne lit certes, mais ça fait quand même du texte pour le site. Merci à toi, Paf ! ». J’en étais donc à lui raconter que, lorsque je suis malade, je regarde des séries télévisées et que justement, je venais de voir…, qu’il partit soudain en courant vers son antre, me laissant seul dans la cuisine, le reste de ma phrase à la lippe, le cœur glacé d’effroi et la main tremblante. En moins de 10 secondes, j’avais ruiné mes mocassins avec du Nescafé tiède.
Il me faut vous dire, si vous ne le connaissez qu’au travers de ses écrits, que le Mogwaï est des plus généreux s’agissant de films direct-to-video, vraisemblablement achetés au petit matin d’une soirée de beuverie cannoise par des distributeurs français attardés mentaux. Ne parvenant même pas à les vendre à des chaînes privées, ils les confient par après et par kilos à des attachés de presse peu scrupuleux, tant sur le plan moral que cinéphilique, qui les envoient aussi sec chez Cédric sous forme de dvd et Blu-rays. Aaah, où est-il l’heureux temps jadis où celui-ci les renvoyait derechef à Sylvain qui, certes, passe l’intégralité de ses soirées aux projections presse des films Disney mais officie surtout durant la journée comme jardinier dans un couvent parisien, clochette aux pieds 24h/24 donc. Il trouvait de fait à ces détritus une utilité certaine en les accrochant aux arbres pour faire fuir les corbeaux. Malheureusement, depuis quelques années à Paris, la politique municipale est de chasser le bling-bling partout où il se trouve et la pendaison de dvd a été interdite, à l’exception bien entendu de ceux de Gus van Sant sur les chars de la Gay-Pride. C’est pourquoi ces dernières années, le Gizmo s’est rabattu sur moi, connaissant mon goût pour les séries B improbables qui n’ont pas eu le privilège d’obtenir une sortie en salles. Très vite cependant, je me suis rendu compte de l’escroquerie : il ne se défaisait que de la lie et gardait le nectar pour lui-même, prétextant le plus souvent n’avoir pas le temps de tout chroniquer ou d’avoir piscine ou dentiste, comme ce fut le cas récemment pour « Navy Seals vs Zombies ».
J’attendais de fait son retour de sa caverne avec appréhension et je n’avais pas tort : il en revint bientôt avec non pas un, mais trois Blu-ray, qu’il m’imposa d’accepter : « Si, si, ça me fait plaisir et ça ne dure que 9 heures, alors ? Toi qui apprécie les séries télévisées, J’te jure : tu vas A-DO-RER ! Bon perso, j’l’ai pas vu parce que j’ai mes cours à préparer et qu’y faut que j’m’occupe d’la machine à laver le linge qui perd de l’eau, mais ça peut être que formidable. Regarde, rien qu’le titre, « Preacher », toi qui très tôt dans le vice versa mais reste obsédé par la r’ligion. Ça fait envie, non ? ».
Je dois vous avouer que je l’ai quitté chagriné, en me jurant mais un peu tard, qu’on ne m’y prendrait plus : la prochaine fois, je téléphonerai d’abord afin d’être sûr qu’il n’est pas là quand je lui rends visite !
Dégoûté par la malignité du bonhomme, je rentrais chez moi directement sans me rendre à la rétrospective de l’ami Pierre Etaix récemment disparu. La fréquentation d’une entité maléfique, même pendant quelques minutes, empêche pour plusieurs jours celle d’une œuvre où l’humour nimbé de poésie le dispute à la gentillesse anarchiste.
Au revoir Pierre, et Merci !
Dans les années 80, ne parvenant plus à monter de projets ciné, Pierre Etaix travailla beaucoup à la télévision, tout notamment chez Arte où il présenta avec modestie et génie des Thémas consacrés à ses maîtres en slapstick : Keaton, Chaplin, Lewis,… Il fit également l’acteur dans de nombreux téléfilms et réalisa pour ARTE une magnifique version téléfilm de sa géniale pièce pirandellienne : « L’âge de Monsieur est avancé ». (cf. un compte-rendu de celle-ci dans ce site).
Il faut dire qu’à l’heureux temps de mes jeunesses, la télévision était de qualité : ça ne ronronnait pas « Joséphine ange gardien », « Lost 3 » ou « Jack Bauer 12 » : c’était « The Avengers », « Destination danger », « Le prisonnier », « Les sentinelles de l’air », « Vidocq », « Colombo », « Cosmos 1999 », « Les mystères de l’ouest », « Le mystérieux Docteur Cornelius », « Twin Peaks », « L’hôpital et ses fantômes », « Orgueil et préjugés » « Friends », « Ally mac Beal », « The killing », « Real humans », « Top of the lake », « Sherlock »,…
Ah ben non en fait, il y a toujours eu des (mini-)séries télévisées originales et de qualité !
Les gens qui disent à tout propos que c’était mieux hier m’épuisent l’intellect.
A la limite, je veux bien admettre que c’était moins pire avant, du fait de l’emprise grandissante de l’argent sur la création artistique nowadays, ou qu’il était peut-être plus facile hier pour un artiste cinématique de concrétiser ses rêves. Mais ce n’est même pas sûr : je crois plutôt qu’il y avait auparavant 5 à 10% d’œuvres originales et de qualité surnageant dans un torrent de médiocrité et qu’il en va de même aujourd’hui, dans des proportions identiques. La grande différence en matière audiovisuelle depuis trente et quinze ans est la progression exponentielle des moyens de diffusion : chaines télévisées dans un premier temps, canaux internet dans un second. Le Torrent s’est fait fleuve, et le fleuve, océan et la vie étant ce qu’elle est - la vie professionnelle, la vie de couple, la vie de famille, les amis les amours les grands-mères,… - on ne peut guère avoir que 2 à 3 heures par jour dans le meilleur des cas à consacrer à ses passions. Or il est 20 séries qui naissent chaque semaine et des centaines de films et de livres et de BD et de jeux vidéos chaque année. Même un rentier solitaire hermaphrodite…
Personnellement, je suis cinéphile et préfère revoir ou découvrir un Bergman, un Leone, un Kurosawa, un Dino Risi, un polar serbe, un film de zombie australien et une comédie romantique avec Hugh Grant ou Matthew McConnaughey que de regarder dans le même temps de ces 7 films, la première saison d’une série télévisée à la « Lost », « Walking dead » ou « Dowton Abbey » dont l’originalité s’épuise assez rapidement pour moi. J’en dépasse rarement la deuxième saison et si tel est le cas – « Deadwood » (2004-2006) à l’interprétation exceptionnelle -, les financiers nous laissent en plan et arrêtent la série avant la grande bataille finale ! A chaque fois, je me jure, mais un peu tard ou trop tôt, qu’on ne m’y prendra plus.
Aussi, si je ne suis pas vraiment fan de série hormis quand je suis malade, il n’empêche que certaines me font baver d’envie et que je n’attends qu’une fracture du col du fémur pour me plonger dans « The wire » ou « Game of thrones ». Heureusement, ma profession m’interdit les pauses café et je n’ai pas à écouter mes collègues racontant ce qu’ils ont vu la veille et dévoilant des pans entiers de l’histoire ou révélant les surprises concoctées par des scénaristes de génie et mises en scène ou produites par des Scorsese ou Soderbergh. Alors, un jour, un jour, j’irai courir sur les gaies prairies de George Martin ou dans les riantes banlieues de Baltimore.
En attendant ce jour, je m’ennuie quelquefois, alors je vais au bourg m’acheter des mini-séries en prévision de mes maladies futures. J’ai ainsi pu voir ces dernières semaines trois pépites de la production audiovisuelle française trouvées dans mes vides-greniers de l’été :
Ah, ça c’est sûr qu’on est loin de « Breaking bad » et d’« Iron Fist » mais si vous aimez l’Histoire avec une grande Hache, le feuilleton et le souffle de l’épopée romanesque à la XIXe siècle, les complots, les machinations, les duels, les scénarios bien ficelés (A.D.G. pour « Chéri-Bibi !!!) nourris par de bons dialogues dits par de bons acteurs, les B.O. de qualité, les fins pas forcément heureuses et, cerise sur le gâteau, des gueules tordues et des jolies femmes à la Alexandre Rignault, Marcel Peres, Hervé Sand ou Jean Lefebvre et Danielle Lebrun, ces 3 mini-séries sont pour vous (disponibles sur INA.fr ou en dvd chez Atlas). Ces passionnantes adaptations d’Alexandre Dumas et Gaston Leroux nous replongent en enFrance.
Aujourd’hui, l’intelligence, l’originalité, le suspense et la grande aventure semblent avoir déserté les chaines françaises* pour les pays nordiques ou anglo-saxons (ou le Japon, s’agissant de séries d’anime).
Me cognant il y a trois jours le gros orteil dans la pile de Blu-ray de « Preacher » qui servait à caler ma table de nuit, j’ai laissé entendre un juron qui a dû s’entendre jusqu’à Ratwater, Texas, sympathique bourgade d’environ 1480 âmes où officie depuis peu un certain révérend Jesse Custer. Pauvre Jesse…
Son Eglise est presque vide, sa Foi le quitte et son noir passé le rattrape, que ce soit cette vision récurrente des derniers instants de son père abattu sous ses yeux quand il était enfant, ou cette ancienne complice et maîtresse cherchant à l’entraîner dans un projet de vengeance.
Bénéficiant d’une très belle photographie, « Preacher » prolonge magistralement le thème des « communiants /Winter lights » (1963) d’Ingmar Bergman. Tel que l’énonce le site officiel du magicien des arts suédois, le résumé de l’un de mes films préférés pourrait être celui de « Preacher »:
« A country pastor whose congregation is in decline is beset with growing doubts. »
On ne saurait mieux résumer « Preacher » et c’est pourquoi je vous enjoins fortement à vous procurer le plus rapidement possible cette exceptionnelle série US. Il est rare en effet que ce Peuple nouveau s’intéresse à autre chose qu’à l’ancien Testament et nous procure des séries d’une aussi belle intelligence sur le doute existentiel. Cette chronique étant assez longue, je me permets ici mes bien chers frères un interlude musical issus des American Recordings que chacun devrait avoir chez lui :
Reprenons : au départ de « Preacher », j’avoue certes avoir été un peu étonné par ce qui se passait sur l’écran : une boule de lumière traverse notre galaxie et pénétrant notre atmosphère, semble s’écraser en Afrique près d’une Eglise où prêche un prêtre. Il s’effondre, puis se relève en s’exclamant « Je suis le prophète » avant d’imploser en millions de gouttelettes de sang sur les fidèles qui n’en demandaient pas tant et avaient pour leur part une toute autre vision du côté eucharistique de la chose. Se filant des pains l’un l’autre, ils fuient l’Eglise à toutes pompes funèbres et en hurlant très fort alors que s’inscrit sur l’écran le nom des producteurs de « Preacher », dont :
C’est là que le doute existentiel s’est emparé de moi, voyez-vous Docteur, d’autant que le révérend de scientologie Tom Cruise a implosé et que j’ai cru lire « Open your asses and holes to Jesus » sur le panneau extérieur de la petite Eglise de Ratwater, Texas, tandis qu’en fond sonore, Johnny Cash entamait « The beast in me ». Car j’ignorais complètement jusqu’alors qu’Alan Moore, Stephen King, Clint Eastwood et George A. Romero aient accepté de collaborer ensemble à une grande œuvre bergmanienne !
C’est là docteur que j’ai cru voir un vampire au détestable accent cockney tomber d’un avion après y avoir commis un massacre et avant d’avaler une vache ! J’ai cru réentendre Johnny Cash à plusieurs reprises et voir un cheval se faire assassiner, des agents gouvernementaux type Men in Black nous rejouer « Massacre à la tronçonneuse », Jacky Earle « Rorschach » Haley être touché par la grâce et devenir gentil, des corbeaux s’échapper par la cheminée d’un maison où gisaient encore les cadavres picorées de la famille d’un cow-boy comme échappé d’« El Topo » de Jodorowsky,… J’ai même cru voir un prêtre qui fumait et buvait autant que moi ! Alors, d’après vous Docteur, pensez-vous que ce soit contagieux et que je puisse par le biais d’une chronique transmettre mon immense affection pour le génial « Preacher » à mes lecteurs ?
Sincèrement : 20 € !!! A ce prix-là, c’est cadeau ! (Sony pictures).
En plus, la religion, le rouge sang, les arbres décorés de pendus scalpés, …, ça fait Noël, non ?
Bon, c’est pas tout ça, faut qu’j’vous quitte, j’ai décidé d’aller aider un ami à réparer sa machine à laver. A mon avis, c’est le carbu et si j’ai un peu de chance, i’sera pas chez lui ou aura une autre série formidable à me donner.
* Mais si vous avez des exemples de série française de qualité, je suis preneur. Je n’ai pas la télé alors je ne regarde pas les programmes. J’avais trouvé sympa la série des Petits meurtres d’Agatha Christie avec Duléry/Colucci, mais c’était inégal et plus une suite de téléfilms qu’une série à proprement parler.
Commentaires
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J'ai essayé les années précédentes les produits provenant de canal +, type "Braquo" ou dernièrement "Section Zéro", j'ai pas trouvé ça génial, même si ça se laisse regarder.
Et je ne dirai rien sur Marseille de netflix/tf1 où rien que la synchronisation labiale est à chier. (oui oui problème de lip sync sur une série française, dans la version française avec des acteurs français puisque la réalisation façon "usa" demande aux acteurs de réaliser leur propre doublage après avoir tourné les scènes).
Bref j'ai pas vraiment de suggestion de série française. Duléry était très bien en effet dans les petits meurtres d'Agatha Christie, beaucoup plus compliqué d'adhérer à leur nouvelle version avec Samuel Labarthe. Les personnages de Lampion et Larosière étaient beaucoup plus intéressants.
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Parlant de série, quelqu'un a t-il vu ce que le père Noël va peut-être m'apporter si je suis sage: "Ash vs Evil Dead"devant paraître mi-décembre?
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As-tu vu / avez-vous vu "Preacher et qu'en avez-vous pensé?
Quelqu'un a t-il vu "Ash vs Evild Dead"?
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Ecrit par Paf
As-tu vu "Preacher" et qu'en penses-tu? Qu'en pensez-vous, gam@livers???
Parlant de série, quelqu'un a t-il vu ce que le père Noël va peut-être m'apporter si je suis sage: "Ash vs Evil Dead"devant paraître mi-décembre?
Je n'ai pas vu ash vs evildead, j'ai vu la saison 1 de Preacher. J'ai bien aimé, les personnages sont drôles, c'est le point fort je dirais de cette première saison. D'un point de vue purement scénaristique la saison 1 est une grosse présentation du concept et c'est un peu lent.
Les plans sur le cowboy dont on comprend le rôle uniquement à la fin de la saison, ça fait au final très remplissage. Mais les rôles secondaires de ce village de tarés donne un bon divertissement.
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