Publié le Dimanche 19 juin 2016 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Et si on les noyait tous ?

Essayez, vous, d’avoir l’air heureux et de vous promener le sourire aux lèvres par les temps qui courent. 

Enfin non. N’essayez pas, hein. C’est une figure de rhétorique déontique, voire une épiphrase,  destinée à illustrer le reste de mes propos. Mais n’essayez pas en vrai, vous passeriez au mieux pour un abruti, au pire pour un dangereux psychopathe. Non, dans la rue, dans les transports en commun, dans les supermarchés, dans les lieux publics en général, faire la gueule est de mise. Mieux vaut la suivre si l’on ne veut pas voir débarquer le GIGN entre le rayon surgelé et le rayon serviettes hygiéniques.

Si je lançais cette petite phrase « Essayez, vous, d’avoir l’air heureux et de vous promener le sourire aux lèvres par les temps qui courent », c’est surtout pour souligner le fait que nous vivons des moments difficiles, voire pour généraliser l’ambiance morose, que nous vivons une époque de merde. Bon. Déjà. Ce putain de temps. Forcément, se noyer depuis deux mois donne tout sauf envie de danser la gigue. « Après la pluie, le beau temps » s’est transformé en « Après la pluie, y’en a un peu plus, j’vous l’laisse ? » comme si la météo s’était transformée en charcutière qui essaie de vous faire croire qu’entre 300 et 500 grammes de steak haché, y’a pas tant que ça d’écart.

Bref, le temps participe à une morosité ambiante qui vous donne envie de sortir les paquets de mouchoirs aussi bien parce que vous avez chopé la crève, que pour pleurer.

Essayez de comprendre, vous, comment l’Euro, rendez-vous festif de personnes qui n’ont certes pas les mêmes couleurs mais partagent la même passion, peut se transformer en pugilat entre débiles profonds. Et ne faites pas une généralité sur le football. Faites-en plutôt une sur la nature humaine. Ce constat d’effarement et d’abattement face à l’abrutissement général ne concerne pas que le sport ou ses supporteurs. C’est un sentiment profond plus général, face à d’innombrables faits divers qui s’étalent chaque jour dans les journaux et sont autant de plaies dans l’estime même que l’on peut avoir en l’humanité.

Parce que personnellement, je m’interroge continuellement sur ce qui peut pousser un homme à en flinguer un autre, juste parce qu’il n’a ni les mêmes croyances, ni les mêmes préférences, ni les mêmes couleurs. Et sans aller jusqu’à le pendre haut et court, ne serait-ce que ce déferlement de haine qui peut naître des différences.
Cette haine aveugle, preuve irréfutable d’une débilité dangereuse, d’une connerie sans borne, que dis-je, d’un comportement de putain de gros connard.

Et la question à poser, dans tout ça, reste toujours la même :

« Mais qu’est-ce que ça peut vous foutre ? »

Doublé d’un :

« Mais en quoi ça vous gêne dans votre existence ? »

De Daesh à la Manif pour tous (qu’on applaudira très largement pour leurs condoléances suite à la tuerie d’Orlando, belle preuve d’hypocrisie nauséabonde), du club machin au groupe truc, du blanc au noir en passant par toutes les couleurs de peau, de l’arc-en-ciel ou du drapeau LGBT, les questions fonctionnent toujours pour souligner la stupidité mais n’auront, je le crains, jamais de réponse. Allez-y, vous verrez, ça marche à tous les coups.

« Mais qu’est-ce que ça peut vous foutre que deux hommes vivent ensemble ? »
« Mais en quoi ça vous gêne dans votre existence qu’une personne ait une couleur de peau différente ? »
« Mais qu’est-ce que ça peut vous foutre que Yahvé soit appelé Allah ? »
« Mais en quoi ça vous gêne dans votre existence que moi, je boive de l’alcool et bouffe du porc ? »

Personnellement, je continuerai d’être persuadé que le monde est composé majoritairement d’abrutis congénitaux. Et je continuerai jusqu’à mon dernier souffle à lutter contre l’intolérance et la bêtise, quelles qu’elles soient. Et je continuerai du coup à défendre la pluralité. Je continuerai à combattre l’homophobie. Quitte à recevoir, encore et toujours, insultes et menaces de la part de crétins décérébrés. Je continuerai toujours à dénoncer le racisme, la haine, la bêtise. Je continuerai toujours à lutter contre les tongs et les routiers. Quitte à ce que l’on me retrouve un jour dans la forêt, une semelle en plastoc enfoncée dans la gorge et pendu avec un élastique.