Publié le Dimanche 19 janvier 2014 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
Very very good trip 3
Ce n'est pas prendre les billets d'avion pour Las Vegas qui a été le plus problématique.
Ce n'est pas non plus prévenir nos épouses. Jean-Marc a laissé un mot sur le réfrigérateur « parti faire un golf ». Jacques n'a pas laissé de message : « De toute manière, même quand je la préviens d'un truc, elle me dit qu'elle n'était pas au courant et m'engueule. Au moins, là, elle aura une bonne raison ».Pour ma part, j'ai envoyé un mail « voyage presse urgent, je dois partir à Las Vegas pour quelques jours, désolé, je t'aime mon amour, pardonne mes excès, merci pour ta patience, embrasse les filles »... Oui, bon, ok, j'avoue, ce n’est pas crédible. Le mail était plutôt du style « me casse pour le taff plusieurs jours, gère les filles, ciao ». Et vous noterez que j’étais dans un bon jour : j’ai écrit « ciao » à la fin.
Ce n'est pas non plus se rendre à l'aéroport et laisser la voiture en travers sur deux places handicapé qui a posé problème. De toute manière, nous avons laissé les clefs sur le contact pour pouvoir la bouger.
Ce n'est pas non plus le vol durant lequel nous avons braqué un chariot de repas et d'alcool la première heure et dormi les 12 heures suivantes, ne nous rendant pas même compte que nous avions eu une escale.
Ce n’est pas non plus passer la douane quand bien même les douaniers américains ont cette particularité de vous faire douter vous-même d’être un terroriste international recherché par Interpol d’un simple regard.
- « Are you here for work or for vancancy ?
- Euh… We are here for fucking Las Vegaaaas ! Yeeaaaah !
- Well… Mr Gasperini ?
- Yes. It’s moi.
- Mr. Gasperini Cedric ?
- Yes, it’s toujours moi.
- Could you tell me why you have a pony tatoo on the chest ? »
Ce n'est pas non plus avoir loué une petite chambre dans un motel miteux en bordure de Vegas, et pris le bus pour aller dans le premier casino venu. Ok, c’est moins glamour qu’une chambre luxueuse et un déplacement en limousine, mais nos finances étaient, malgré tout, relativement restreintes. D’autant plus que j’avais oublié ma carte bleue. Et Jacques aussi. Et Jean-Marc n’avait que celle de son épouse qui venait tout juste de faire les soldes. Bref… le plafond de 10 000 € était presque atteint avant même d’embarquer pour Vegas.
Tout ça s’est déroulé relativement facilement et simplement. Avec « fluidité », serait-on tenté de dire.
Non, ce qui a posé le problème, c’est le lendemain matin. Ou midi. Ou après-midi. Enfin, le lendemain, quoi. La tête en vrac, sans aucune notion de l’heure. Je me suis réveillé le nez dans un pancake, un string sur la tête et… en slip. Juste avec mon slip sur moi.
La première pensée que j’ai eue est de savoir si j’avais un nouveau tatouage incompréhensible sur moi. Ouf. Non. Le poney était toujours là, chevauchant crinière au vent, mais il était le seul.
J’ai regardé autour de moi. Nous étions dans une suite de luxe. Ravagée. Jacques était en caleçon et avec une seule chaussette, étalé les pieds sur le canapé et la tête par terre, les mains attachées au lustre qui avait dû céder sous son poids. Jean-Marc, lui, était affalé sur le bar et ne portait qu’une nuisette Princesse Disney à bretelles.
Partout autour de nous, des bouteilles de champagne. Des cotillons. Des huîtres dont une plantée dans une boîte de caviar. Un koala vivant. Des fringues éparpillées, les nôtres et d’autres encore, plus féminines celles-là. Des guirlandes de papier toilette pendant des luminaires… bref, une pièce complètement dévastée. Euh… attendez…un koala vivant ?
Je me suis dirigé vers les toilettes. J’en suis ressorti. J’ai pris le koala. Je suis retourné dans les toilettes. J’en suis ressorti sans le koala. Je me suis assis sur le canapé et me suis allumé une cigarette. Je me suis rendu compte que j’avais arrêté de fumer depuis plusieurs années. J’ai jeté la cigarette dans le cendrier qui contenait tout sauf des mégots. J’ai réveillé Jacques. Jean-Marc émergeait petit à petit. Ils m’ont rejoint, hagards, sur le canapé. Nous avons embrassé la scène du regard.
« Mais qu’est-ce qu’on a foutu hier, bon sang ? »
« Avant-hier » a répondu Jean-Marc.
« Hein ? »
« Oui, selon ma montre, ça fait deux jours qu’on est arrivé à Vegas ».
« Hein ? »
« Bon, moi je vais aux toilettes » a dit Jacques.
« Evite » lui ai-je conseillé.
« Ah ? Pourquoi ? » m’a-t-il demandé.
« Y’a un tigre dans la salle de bain. Un vrai tigre ».
« Euh… un vrai tigre ? Comme dans le film, là ? »
« Oui, comme dans le film. Donc évite les toilettes. »
« Bon… »
« En plus, y’a plus de koala ».
« Hein ? »
« Ben je me suis levé pour aller aux toilettes et j’ai vu le tigre » lui ai-je expliqué. « Du coup, je lui ai jeté le koala pour l’occuper pendant que je me soulageais ».
« Oui, normal » m’a répondu Jacques.
« On avait un koala ? » a demandé Jean-Marc.
« Oui, il s’appelait Bilbo ».
« Comment tu sais ? ».
« Il avait une gourmette ».
Jean-Marc s’est levé. Il a jeté un œil à droite et à gauche.
« T’as trouvé quelque chose ? » lui ai-je demandé.
« Des billets d’entrée pour une boîte de strip-tease, des factures pour un tour en hélicoptère, pour… euh… l’achat d’un tigre… on dirait qu’il est à ton nom, Cedric, et pour info, il s’appelle Minou. Une autre facture pour l’achat d’une limousine. Une autre pour un aspirateur. Encore une pour 60 litres de caviar. Et une dernière pour 2500 bouteilles de champagne Armand de Brignac Brut Rosé à… euh… 1000 € la bouteille… Y’a l’air d’en avoir d’autres, mais elles ont été imbibées et on n’arrive pas à lire »
« Merde alors… pourquoi diable a-t-on acheté un aspirateur ? »
« C’est pas le pire »
« Ah ? C’est quoi le pire ? »
« Y’a trois nanas dans la chambre, en train de dormir. Nues. »
« Merde… Jolies au moins ? »
« Sais pas, elles dormaient sur le ventre. Et puis j’ai eu peur, j’ai vite refermé la porte ».
« On a déconné les mecs » nous a dit Jacques. « Grave. Je ne sais pas ce que l’on a fait, mais on a déconné. »
« Heureusement, nos femmes ne seront jamais au courant » lui ai-je répondu. « Ce qui se passe à Vegas, reste à Vegas ».
Ding Dong !
La sonnette de la porte a retenti. Nous nous sommes regardés. Nous avons regardé la pièce.
Ding Dong !
« Euh… on fait quoi ? On ouvre ? »
Ding Dong !
Je me suis couvert avec un morceau de nappe et je suis allé ouvrir.
« Hello les guys ! What a fucking trip in Vegaaaas ! »
« Purée… t’es qui toi ? Et je te préviens, si tu t’arrêtes pas tout de suite de crier, je te jette au tigre ».
« Heeeey ! Cedric ! C’est moi ! Peter Jackson ! »
« Cedric, c’est qui ? » a demandé Jean-Marc.
« Peter Jackson » je lui ai répondu.
« Le frère de Michael ? » il m’a demandé.
« Non, le papa de Bilbo » je lui ai répondu.
« Merde… tu l’as jeté au tigre »
« Non, euh, pas le même Bilbo. Bilbo le hobbit. Enfin laisse-tomber ». ai-je dit à Jean-Marc. Puis me retournant vers Peter « Tu veux quoi ? »
« Je viens vous livrer le film ! » m’a-t-il expliqué.
« Le film ? »
« Oui, le film de votre trip à Vegas ! J’en reviens pas que vous ayez oublié ! Vous étiez vraiment déchirés les mecs ! Vous m’avez engagé pour filmer votre séjour ! Et j’en ai fait un film ! Comme convenu, je vous ai fait une copie à chacun ! »
« Ah. Donne… »
« Euh non, j’ai fait comme vous m’aviez dit, je les ai envoyées chez vous en France… »
« … »
« … »
« … »
« Et merde »
« J’en ai une copie avec moi, si vous voulez ! »
Nous avons donc remis la télé debout. Essayé de faire diversion sur le tigre pour récupérer le lecteur Blu-ray qui était dans la salle de bain. Puis nous avons mis le film pour savoir, enfin, ce qui avait bien pu se passer.
« Le début, c’est vous qui l’avez filmé avec votre portable alors forcément, la qualité est pourrie même si je l’ai retravaillée » nous a expliqué Peter.
Scène 1 :
Jacques : « Allez les mecs, on met la dernière pièce tous les trois dans la machine à sous. Notre dernière pièce. Et puis on rentre. Notre virée à Vegas aura été de courte durée… Plumés en moins de trois heures, c’est la honte. »
Les lumières qui s’allument. L’alarme qui retentit. Le casino en ébullition… et le chèque de 5 millions de dollars que nous venons de gagner.
Scène 4 :
Cedric : « C’est toi Peter Jackson ? Ouais ! Je te kiffe trop mon Peter ! Allez, tiens, tu fais un reportage sur nous et on te file… allez, 1 million de dollars ! Tiens, v’la un chèque ! »
Scène 7 :
Jean-Marc : « Comment ça vous n’avez plus de limousine en location ? Ok. Ben on va en acheter une alors. »
Scène 12 :
Jacques : « Hé, Jean-Marc ! Gare la limo ! Le club, là, il a l’air bien ! J’suis sûr qu’y a des nanas à poil ! »
Scène 15, dans le club de strip-tease :
« And now, for the first time in the United States, welcome our three French Beauties. Our Sexy Ladies from Paris ! »
Scène 16 :
Dans la pénombre, on distingue une danseuse exotique dansant de façon experte à son poteau de Pole Dance, frottant ses seins et ses fesses avec puissance et dextérité, et avec un sex-appeal incroyable.
Dans le fond, les ombres de deux danseuses qui se versent du Champagne sur le corps, dansant dans une baignoire transparente.
Tout à coup, un rai de lumière les éclaire un peu plus.
Scène 17 :
Cedric : « Merde… Jean-Marc… sur le poteau, là… c’est… c’est ta Carole ! C’est Carole H ! »
Jean-Marc, bouche bée…
Jacques : « Et les deux bombasses, au fond… C’est ta femme, Cedric. Et la mienne… »
Cedric : « ma femme et ta Carole C ? »
Jacques : « Ouaip ».
Scène 19 :
Jean-Marc : « Carole ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? En sous-vêtement en cuir clouté ? Et avec ce fouet ? »
Carole H : « Je ne suis pas Carole ! Je suis… MAITRESSE CAROLE ! »
CLAC !
Scène 27 :
Jacques : « Sais plus où on a garé la limo. Pas grave. On va rentrer en hélico et se poser sur le toit du Caesar Palace. On va louer une suite pour la fin de la soirée. Ok les filles ? »
Scène 32 :
L’hôtesse du Caesar Palace : « La suite 69 sera libre dans quelques minutes. Je vous suggère si vous le désirez, d’aller voir notre exposition d’animaux vivants du cirque, à l’étage, pour patienter, si vous le désirez ».
Cedric : « Y’a un jacuzzi dans la suite ? »
L’hôtesse : « Oui monsieur »
Cedric : « J’veux qu’il soit remplit avec le meilleur champagne du monde. Rosé pour que ce soit marrant. »
L’hôtesse : « Bien monsieur »
Scène 38 :
Cedric : « Yes, My wife is allergique to the cats. Donc I want to buy a tiger to know if elle est allergique aussi aux tigers. One million dollars. And you livre the tiger dans the suite 69 please ».
Scène 42 :
Jean-Marc : « Qu’est-ce que tu fous avec ce koala ? »
Jacques : « Je l’ai volé à un riche Cheick arabe qui le promenait en laisse. Avec Carole C, on va l’adopter. Je vais le protéger. Ce sera notre troisième enfant… »
Carole C. : « Quatrième. On en a déjà trois »
Jacques : « Si tu veux. Notre quatrième aussi. Je vais le chérir. Il aura une belle vie. J’vais l’appeler Hobbit parce qu’il a les pieds poilus. Et on sera heureux tous les cinq »
Carole C. : « Six »
Jacques : « Si tu veux. On sera heureux tous les six aussi ».
Scène 64 :
Cedric : « C’est marrant quand même à poil dans un jacuzzi au champagne. Ça mousse. »
Jean-Marc : « Hé ! J’ai bu la tasse ! »
Cedric : « Tu devrais pas »
Jacques : « Pourquoi ? »
Cedric : « Ah ben moi, quand je rentre dans une piscine, j’ai envie de faire pipi, c’est direct »
…
Nous avons arrêté le film peu après, lorsque des scènes incroyables de débauche se succédaient les unes aux autres. Jacques fouetté par Carole H… pardon, Maîtresse Carole, attaché au lustre. Jean-Marc sur le balcon en train de chanter « Le petit bonhomme en mousse » uniquement habillé d'une nuisette Princesses Disney… du 12 ans à vue d’œil. Et moi… non, rien… il est des secrets qui ne doivent pas être révélés.
« Peter, jure-moi que tu détruits toutes les bandes… »
« Ok Cedric. A la seule condition que tu me dises… pourquoi tu as un poney tatoué sur le torse ».
« Ok. Approche-toi. Je vais te le dire dans l’oreille. Alors voilà. C’était au réveillon du premier de l’an et… chuchote chuchote chuchote chuchote chuchote chuchote »
Entre les réparations de la chambre, le don du tigre à un zoo et les différentes factures, les cinq millions de dollars se sont évaporés comme par enchantement. Nous sommes rentrés en France et nous sommes jurés de ne plus nous voir avant un bon moment…
Jusqu’à ce que…
« Allo Cedric ? »
« C’est Jean-Marc. J’ai besoin de toi ! »