Publié le Mardi 23 août 2011 à 13:00:00 par Alexandre Combralier
Mais où sont les neiges d'antan ?
Au commencement était Age of Empires. Une série que
l'on ne présente plus,
tant le succès aussi bien critique que commercial qu’elle a rencontré est notoire.
Puis Microsoft ferma Ensemble Studios. Dès lors, l’avenir de la série, après un troisième épisode beaucoup moins culte que ses grands frères, semblait obscur.
Plongée dans le coma, la franchise allait renaître sous l’impulsion de Microsoft qui décida de lancer le développement d'un épisode « Online » de la série. Le projet atterrit dans les mains de Gas Powered Games (Supreme Commander). Et Age of Empires Online fut.
Par rapport à ses aînés, la plus grosse innovation de ce nouvel AOE est, comme le titre l’indique, sa dimension « online », connectée, persistante. Ou plutôt : « devrait être ». Tapons d’emblée le poing sur la table : Age of Empires Online est tout sauf un MMORTS. Ce n’est pas même un MMO. C’est un RTS classique teinté de fonctionnalités online, tout au plus. Vous êtes choqués. Il est vrai que j'ai frappé trop fort. Alors expliquons-nous.
La dimension prétendument « Online » réside en l’apparition d’une Capitale. Point nodal de l’organisation du joueur, celle-ci se veut persistante, évoluant même quand le joueur n’est pas connecté (à son compte, hélas, Games for Windows Live, bien trop intrusif). Cette Capitale regroupe tous les bâtiments nécessaires à l’amélioration de la civilisation du joueur : le Palais, pour accéder à l’arbre des technologies (on pourra débloquer les technologies pour les quêtes en amassant de l’expérience ; arbre qui peut d'ailleurs, hélas, être réinitialisé à partir de zéro) ; mais aussi, des magasins pour acheter des objets avec de la monnaie amassée dans ces quêtes, des écoles spécialisées dans l’infanterie ou la cavalerie pour obtenir certains boosts pour les unités, des magasins de production de matières premières pour obtenir ces mêmes boosts, et les entrepôts pour stocker tout ce bazar. D’autres joueurs pourront venir visiter votre capitale pour vous acheter directement des objets (mais votre Capitale ne pourra jamais être attaquée). Et c’est à peu près tout. En réalité, les « Capitales » d’Age of Empires Online ne sont rien d’autre que des « Métropoles » d’Age of Empires III auxquelles on aurait rajouté quelques fonctionnalités online loin d’être indispensables.
De notre Capitale, ou de celles des autres, on peut accéder à des « quêtes », à savoir des parties « normales » d’Age of Empires, avec une petite base de départ qu’on s’occupera de développer judicieusement avant (ou même pendant) d’aller occire l’ennemi. On retrouve dans ces phases le gameplay traditionnel, topique, des Age of Empires : les villageois collectent les ressources (nourriture, bois, or, pierre), construisent des bâtiments avec lesquels on produit des soldats qu’on dirige au combat (on gagne de l’expérience en finissant chaque bâtiment, unité ou quête). La formule est vue et revue. De l’audace, nulle part de l’audace, jamais de l’audace. Sur ce point-là, la série est en totale stagnation (peut-être même en régression, vu que le « Deck » de cartes booster qu’on affinait avant chaque partie d’AOE III n’est plus de la partie). Il s’agit, pour résumer, d’un jeu de stratégie en temps réel somme toute assez basique, surtout que les quêtes, absence de sauvegarde oblige, ne durent jamais plus d’une demi-heure. La formule reste accrocheuse un moment, mais elle manque de profondeur (sans compter que l'on pourra aisément sauter dans les failles de l'I.A., incapable souvent de résister à un assaut rapide de garnisons prés du camp ennemi). Il suffit trop souvent de masser une armée et de l'envoyer sans se préoccuper d'une micro-gestion étant donné la difficulté du jeu. Vous avez dit stratégie ?
Le gameplay ne variera pas de beaucoup tout le long du jeu : et c’est ainsi que la lassitude s’installe vite.
Bien sûr, les développeurs, conscients de cette tare, ont tenté de distiller quelque variété. On trouvera des quêtes classiques du type « détruire un camp », ou bien d’autres de survie, de défense, ou faisant appel à votre capacité de rationalisation (construire tel nombre de bâtiments en un nombre limité de minutes). Mais on aura vite le sentiment de tourner en rond. D’autant plus que si la difficulté des quêtes est progressive, elle reste tout de même trop basse. La casualisation règne de partout.
Age of Empires Online n’est donc pas fait pour les trentenaires aguerris (ni même nostalgiques) : il s’agit pour la série de s’offrir à la blonde jeunesse. De ce fait, le design général du titre est clairement adapté : exit le réalisme des derniers épisodes, place au look cartoon. Cela n’a en soi rien d’affreux. Au début, on trouve cela même joli. Mais nos yeux s’éveillent et font place à l’amère vérité : le jeu est techniquement daté. Les textures ont des années de retard, l’eau est immonde, les détails graphiques sont aux abonnés absents, etc. Mention spéciale aux pieds des esclaves-villageois, particulièrement anguleux. On pourra cependant noter que certaines animations ne sont pas à jeter. Surtout, le jeu tournera sur n’importe quelle machine datant (justement) de plusieurs années, ce qui était sûrement l’objectif du cahier des charges. A ce titre on peut presque dire que AOE Online limite la casse. Presque.
Seulement, pourrait dire le fan outré, Age of Empires Online est un Free-to-Play. Les défauts pointés ne seraient donc pas une offense grave envoyée à l’attention du joueur. Oui mais non. On tient en réalité là LE plus gros point noir d’AOE Online : son modèle économique. D’accord, on peut télécharger le jeu gratuitement. Mais on a alors l’impression de jouer à une sorte de démo étendue : le jeu gratuit est bridé. Dans les quêtes, on acquiert des objets, on est content. Sauf que pour les utiliser, et accélérer en général le développement de sa Capitale, il faudra mettre la main à la poche pour obtenir (contre 20 €) la version « Premium » de sa civilisation (au choix pour le moment, Grecque ou Egyptienne). Ainsi on se retrouve avec un tas d'objet inutilisables dans notre inventaire. 20 € contre une civilisation seulement ? En effet. Les différences entre les deux civilisations disponibles pour le moment ne justifient d’ailleurs pas leur vente séparée. Et si l’on change de civilisation, il faudra tout reprendre à zéro.
On tient là le nœud du problème : pour exister en PvP (accessible dès le niveau 6, avec seulement 4 joueurs au maximum pour chaque partie, les « non-premiums ne pouvant pas créer de salons), il faudra passer à la caisse. Plutôt qu’un Free-to-Play, AOE Online est un « Pay-to-Win » : vous pourrez être battu non pas par quelqu’un de plus fort que vous mais de plus riche. Le joueur non-premium, tout aussi adroit puisse-t-il être, sera impuissant face à un premium pourtant moins doué. Quant à l'égalité entre membres premiums, on en doute encore quand l'on sait que certains "Booster Pack" de quêtes seront accompagnées d'objets plus puissants encore...
On en rajoute une couche ? L’ancien mode « Carte aléatoire » (qui permet de choisir les équipes et la carte, notamment) est absent, même en cas d’achat d’une civilisation premium. Il sera en réalité disponible bientôt sous un DLC coûtant 10 € nommé « Hall des Escarmouches ». Encore ? Dans sa cupidité, Microsoft a enlevé l’éditeur de niveaux de sa version, puisque des DLC « quêtes » seront vendus. J’en ai encore un peu, là, regardez : un « passe-saison » est vendu pour la modique somme de 100 € et ne donne pas même accès à la totalité du contenu. Et on finira par parler des « Pack Décos », vendus 5 €, qui ne servent à rien à part à embellir votre Capitale. Si l’on voulait un aveu de la part de Microsoft, le voilà.
Allez, on pourra concéder à AOE Online une bande-son vraiment agréable. Ce qui est certain, c’est que pour vouloir se frotter à d’autres joueurs, il faudra dépenser 20 €. A ce prix, AOE Online vaut à la limite le coup d’œil (surtout pour le total néophyte), les quêtes étant suffisamment nombreuses pour vous occuper un moment. Avant de se lasser, donc. Et de passer à quelque chose de plus sérieux, de plus intéressant. Pour le coup, une chose est sûre : c'était mieux avant.
Vous l'aurez compris, Age of Empires Online, jeu en kit par quintessence, n’a pas grand-chose pour lui. Sans caricaturer, on peut dire qu'il tient autant du RTS basique que de l’arnaque commerciale. On voit que la série se repose sur ses lauriers, espérant attirer dans son piège l’innocent (fils de) possesseur de carte bleue. Ce ne peut pas être aussi facile. Adressons donc un carton rouge à Microsoft, un vrai, un du genre qui ne donne pas la moyenne au jeu. Ils l'ont cherché.