Publié le Dimanche 7 mai 2017 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Je vous emmerde

Quand je vous dis qu’on y court tout droit, vers une génération de gros débiles et de têtes de cons dont le score de QI ne dépassera pas la température anale.

Et je ne parle, pour le coup, pas du fait qu’on retrouve régulièrement Lacrim, Jul et autres diarrhées musicales dans le top 5 des ventes d’albums et de singles. Ça, à la limite, même si je ne m’y ferai jamais, ça ne fait que saigner mes oreilles.

Je ne parle même pas du résultat de l’élection présidentielle qui ne manquera pas, ce soir, de me donner la gerbe quand je constaterai le score élevé, très élevé, très très élevé, trop élevé, bien trop élevé, vraiment trop élevé putain de bordel de merde vous avez de la merde dans le cerveau ou quoi, de l’extrême droite.
Du tout.

A la limite, je ne parle même pas du culte voué aux youtubeurs qui, désormais, ont parole d’évangile. Même si, il faut bien l’avouer, Saint Norman, Saint Cyprien, Saint Squeezie, Sainte Andy Raconte, Sainte EnjoyPheonix… je ne vous raconte pas la gueule de la religion. Je ne sais pas qui sera nommé prophète, mais je parie ma chemise qu’on regrettera amèrement  que la mort par crucifixion ne soit plus d’actualité. Y’en a un ou deux pour lesquels je me proposerais volontiers pour donner les derniers coups de marteau. Non, à la rigueur, le sacrifice ultime, on pourra toujours le faire par introduction d’olives noires dans le rectum jusqu’à ce que mort s’en suive. Je sais, dit comme ça, ça n’a rien d’extraordinaire et ça fait un peu ridicule. Mais imaginez les statues dans les futures églises de la religion Youtube. La mise à mort prend alors tout son sens et toute sa splendeur.

Je ne parle pas non plus de mode vestimentaire (putain, le froc sous les fesses, je n’arrive toujours pas à m’y faire) ni du fait que les ventes de tongs explosent depuis plusieurs années. Ça, je sais que c’est uniquement dû à votre malfaisance et votre stricte envie de me faire mal, de me torturer.

Je ne parle pas du fait qu’on trouve aujourd’hui tout à fait normal d’offrir un smartphone de 700 balles à un gamin ou une gamine de 12 ans. Pour les 18 ans, on hésite entre la jaguar et l’appart.

Non. Il y a un truc qui m’horripile. Vraiment. Et face auxquels je sens que je deviens très très méchant. Enfin plus que d’habitude. Ce sont ces messages qui pullulent sur les réseaux sociaux et qui s’érigent comme symboles de la vérité face à une société corrompue. Ils sont faciles à reconnaître. Ils se terminent par des phrases du type « Par pitié cessez de croire en ces médias qui ne cessent de nous manipuler et ne nous racontent que ce qu’ils veulent... » .
Ah purée ça me met les papillons, tiens, ce genre de messages à la con. Ça démange la main dans la gueule. Ça me donne envie d’astiquer ma batte de baseball et de mettre à l’épreuve mon swing. Et tu vas la sentir dans les gencives, ta balle courbe.

Cracher sur les médias est devenu un sport national, savamment entretenu par la classe politique désireuse de jeter le discrédit sur une profession qui ne cesse de leur mettre des bâtons dans les roues en révélant leur face sombre ou leurs petites (ou grosses) magouilles.
Et la populace stupide d’être de plus en plus persuadée que le boulot d’un journaliste est de cacher la vérité. C’est clair. Journaliste est un métier. Il nécessite des années d’étude. Mais HA HA HA on s’en branle ! Ce sont tous des vendus ! Alors que les youtubeurs ou le premier péquenot sur Facebook, lui, il détient la vérité ! Il ne ment pas ! Il ne manipule pas ! Les journalistes si !
Eriger un post Facebook ou une vidéo Youtube comme contre-pouvoir et ultime vérité. Nous en sommes là. Ça me renvoie aux discussions avec ma fille ou ma nièce, à leur expliquer que quand un youtubeur ou une youtubeuse dit du bien d’un produit, c’est qu’il ou elle a été payé(e) pour ça et m’entendre répliquer que ce n’est pas vrai, que je suis simplement jaloux, que c’est la vérité dans les vidéos, qu’ils sont sincères et vrais avec leurs fans, que…
Bon, j’ai réussi à convaincre ma fille. Mais pas ma nièce. Que voulez-vous, sa mère ne m’autorise pas à lui coller de grandes baffes dans sa gueule.

Rejeter en masse les médias et les journalistes pour aller croire la première photo sur Facebook, c’est un peu comme dénoncer les produits utilisés dans un préservatif et expliquer que la Bible vous protègera contre la chtouille : un aveuglement crasse et stupide dénué de tout sens critique et de toute capacité de jugement et d’analyse.

Parce qu’en cas de doute sur une source journalistique, rien n’empêche de regrouper plusieurs sources, qu’elles soient nationales ou internationales, de différents bords politiques avérés, et d’en tirer ses propres conclusions.

Quelle belle société que l’on nous prépare, tiens. Vous allez voir que dans quelques années, les gens seront devenus tellement cons qu’ils refuseront d’aller voter pour faire barrage à la haine, tiens.

Oui, non, ok, j’exagère.

J’exagère, hein ?

Dites-moi que j’exagère…

Par pitié, dites-le moi…