Publié le Dimanche 16 octobre 2016 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Un peu de violence dans ce monde de douceur, bordel

Avant, on pouvait boire dans le crâne de ses ennemis. Ça avait quand même son charme.

Aujourd’hui, dans cette société de ramollis, même coller une simple petite mandale et déchausser quelques dents à coups de docs coquées, c’est assez mal vu.
L’humanité s’est affaiblie.
Avant, on se promenait les couilles à l’air, le visage peinturluré en bleu, à gambader au milieu des moutons dans les Highlands. Aujourd’hui, faut bien mettre sa petite écharpe pour pas attraper un gros rhume.
Y’a pas à dire, on a vachement perdu, quand même.

C’est ce que j’expliquais à ma femme, la dernière fois, tandis qu’elle m’intimait l’ordre de poser ma batte de baseball que je venais de saisir pour aller discuter avec la prof de techno de ma fille. Mais discuter amicalement, hein. Parce que je suis certain que c’était amical, aussi, le zéro collé sur un exercice, sous prétexte que ma gamine a entouré les réponses en jaune et que « le jaune, ça se voit mal, et qu’elle ne veut pas s’user les yeux ». Moi, amicalement, je voulais juste lui montrer qu’y a d’autres moyens de s’user les yeux. Par exemple, quand on tape bien, juste là, à cet endroit, c’est amusant, y’a les yeux qui sortent de leur orbite. Et ça a son intérêt, on peut se regarder à la fois le nez et l’oreille, du coup.

Mais non. Ça ne se fait pas.

Pourtant, Dieu sait si y’a des baffes qui se perdent. Il suffit de prendre sa voiture et de rouler 10 minutes pour avoir envie de tuer l’humanité entière et d’appeler de ses vœux une bonne grosse pandémie pour nettoyer tout ça.

Tenez, rien que cette semaine, une vieille conne en scooter qui me double par la droite, au moment où je me rabats sur la file, avec mon clignotant, moi. Et quand j’ose la klaxonner, elle m’injurie et me traite de fou sous prétexte que j’ai failli la tuer.  Encore une fois, ma chère et tendre épouse m’a ordonné de reposer ce cric avec lequel je comptais, de manière très amicale là aussi, réexpliquer deux ou trois notions de code de la route à cette charmante dame, et plus particulièrement lui rappeler cette histoire d’angle mort dans une voiture et d’interdiction de dépassement par la droite, les deux éléments étant très certainement intimement liés. Rien de tel qu’un cric pour bien se faire comprendre. Je vous assure. Et bien non. Pas le droit. Il paraît qu’on risque des problèmes.

De toute manière, de nos jours, on n’a plus le droit de rien faire. On est dans le « bien-pensant » à outrance.

Moi j’aimerais encore pouvoir me trimbaler en kilt et gueuler « Freedom » avant de déchausser les incisives du mec qui vous crache sa clope dans le visage en terrasse d’un resto et qui vous rétorque un « mais j’ai l’droit, j’suis dehors » quand vous le demandez juste de faire attention, vu qu’en plus vous avez des enfants avec vous. Aller péter les phalanges du livreur qui vous bloque la route en vous lançant un « ouais ben moi j’bosse » comme justificatif ultime à son incivilité. Aller briser les genoux du mec qui se gare sur la place handicapé « mais juste pour deux minutes » pour lui donner de bonnes raisons de l’utiliser dans le futur. Egorger à mains nues la personne qui fait chier son clébard juste devant ma porte d’entrée sans ramasser.

Et finir par me jeter une cervoise dans le troquet du coin. Servie dans le crâne de mes ennemis, donc. Servie par une plantureuse matrone, si possible. Pas le serveur parisien de base, généralement aussi agréable qu’une vasectomie au ciseau sans anesthésie.

Nan. On vit une époque de merde, je vous dis.