La chronique cinéma de Paf ! : Des hommes et des poulets

 

Publié le Samedi 28 mai 2016 à 12:00:00 par Paf!

 

La chronique cinéma de Paf ! : Des hommes et des poulets

La recette du cinéma en cocotte

« Men & chicken »
Stutter Island

« Il y a quelque chose de pouli au loyaume du Danemalk »
Shakefucius


Acré nom de Dieu de petits veinards !!!
Contrairement à moi, vous avez vraisemblablement le privilège de ne pas encore avoir vu le film le plus barré de l’année :

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Vous avez ri à « Deadpool » car vous aimez l’humour noir et trash, vous avez tremblé à « Festen » parce vous partagez avec André Gide un amour immodéré pour la famille, vous avez pleuré à « Elephant man » parce que vous êtes de grands sensibles,… « Men & chicken » est pour vous, promesse de Paf !.

Une île, des fous, un professeur soupçonné d’expériences inavouables.
Un chef d’œuvre de noirceur.
Ca vous rappelle quelque chose ?

Eh bien oubliez, ça n’a rien à voir ! Mais vraiment rien !!!  A la trappe le beau di Caprio, ses affres et son chapeau mou et pensez plutôt becs de lièvre, bêtes de concours et bègues de compèt’.

On ne choisit pas sa fa-fa-famille…

« Men & chicken » est un « stutter Island » horrifique et hilarant, nous renvoyant directement à un grand classique d’H. G. Wells et à des films tardifs et malheureusement ratés de Burt Lancaster et Marlon Brando. Moi, vous me connaissez, je préfère vous faire deviner la direction du film que de vous répéter un pitch que Cedric vous avait déjà donné ici en mars. Mais bon, en gros, sachez que ça parle de poules et que c’est à se pisser dessus si vous me passez cette expression aussi vulgaire qu’infantile, et donc proprement men&chickénienne. En voici la preuve par 5 :



Et oui, « Men & chicken » parle de poules mais ça parle aussi de tout un tas d’autres types de bêtes, toutes aussi génétiquement foireuses les unes que les autres, à commencer bien sûr par des hommes. Pas bien beaux, j’aime autant vous prévenir, au cas où vous souhaiteriez emmener des âmes sensibles et/ou éprises d’érotisme masculin voir ce film. Oh certes, la photographie du film et sa bande originale sont magnifiques, mais côté interprétation, on est plutôt chez Todd Browning et Sam Peckinpah que dans un concours de mannequinat masculin. Meet some men without chicken :

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Au départ, le film devait d’ailleurs s’appeler « Freaks » ou « The wild bunch » mais ces titres étaient déjà pris alors Anders Thomas Jensen (en barbu sur la photo) s’est rabattu sur « Men and chicken ». Si vous ne connaissez pas ce nom, je vous invite à le retenir car c’est l’un des scénaristes (et réalisateurs) les plus acides et retors du XXIe siècle. Et c’est en outre un excellent directeur d’acteur. Mention spéciale ici au pauvre David Dencik jouant très subtilement le frère non-attardé d’une fratrie que n’aurait pas renié Tobe Hopper. Bien que tête d’affiche pour des raisons publicitaires, le formidable Mads Mikelsen est pour une fois en retrait, si je puis m’exprimer ainsi*.

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Voici quelques années, Jensen avait déjà commis avec son compère Mads un extraordinaire « Adam’s apple » (2005) aussi féroce et acide sur le néo-nazisme que « Les bouchers verts » (2003) l’étaient auparavant sur la gastronomie cannibale et que peut l’être aujourd’hui « Men & chicken » sur la masturbation intellectuelle, manuelle et scientifique.

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Mais on doit aussi notamment à Jensen la co-écriture de l’abominable « Antichrist » du génial Lars van Trier. Alors, Be aware comme dit JCVD : « Men & chicken » est une comédie d’une rare noirceur et les dernières minutes du film d’une poésie aussi admirable qu’effrayante. Ames sensibles s’abstenir !

A propos d’« Antichrist », ca me fait penser que Pâques s’en est allé et avec elle, l’interrogation majeure de la philosophie occidentale. Par là, je n’entends pas bien sûr la banale question du « Qui fait les œufs de Pâques ? » ou en l’occurrence, « Pourquoi tous les personnages de ce film ont-ils des becs de lièvre ? ». Cette réponse est assez facile à trouver sur internet ou à deviner dans le film :
 
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Non, je pense bien entendu à cette interrogation existentielle du « Qui de l’œuf ou de la poule précéda l’autre? Et dans quel ordre ? »

Pour Aristote, la réponse ne fait aucun doute : "le domaine du devenir s'oppose à celui de l'essence, car ce qui est postérieur dans l'ordre de la génération est antérieur par nature, et ce qui est premier par nature est dernier dans l'ordre de la génération." (Parties des animaux, livre II ch.1 (646a24))

En vérité, je vous le dis, parcourir Aristote aujourd’hui au détour d’Internet ou aller voir « Men & chicken » est aussi rafraichissant pour l’esprit du péquin moyen qu’une carrosserie de Porsche pour le corps d’une jeune californienne. L’important n’est pas tant le contact avec le sujet que le spectacle ébahissant de son ébattement arrosé. Plutôt que d’attendre un an pour vous reposer la question de l’œuf ou de la poule et de retomber sur les mêmes pages Internet vous renvoyant toujours à Aristote, courrez voir ce grand thriller métaphysique à la Umberto Eco qu’est « Men & chicken » et solutionnez-là définitivement. Car non seulement, ce film est un grand drame, une grande comédie mais également un excellent thriller : la fin du film, et par conséquent son début, sont proprement impossibles à deviner. Et tout simplement abominables quand on y repense par après. Thanatos et Eros…


Attention cependant : entre les sorties cannoises et l’arrivée des blockbusters de l’été à commencer par « Alice… » la semaine prochaine, il n’est pas certains que les films de qualité restent longtemps à l’affiche en cette fin mai. Précipitez-vous de fait immédiatement sur « M. Holmes » avant l’arrivée des guêpes estivales et sur « Men & chicken » avant que les poules aient des dents.

*******

* SPOILER : Le grand Mads Mikkelsen joue le rôle très émouvant d’un masturbateur obsessionnel et se promène le film durant, un rouleau de papier hygiénique sous le bras, en quête de l’ « âme sœur ». Ridicule et effrayant, génial et touchant, à l’image du film dans son ensemble et de ces cinq petits garçons perdus dans des corps d’hommes de 30,40 et 50 ans. Ceux qui ont vu le film et ont adoré l’interprétation que cette folle fratrie fait de la Bible, souriront peut-être à cet autre extrait des « Parties des animaux Livre II, ch. 1 (646a27) » d’Aristote le farceur: « En effet, tout ce qui s'engendre naît de quelque chose et en vue de quelque chose; la génération se poursuit d'un principe à un principe, du premier qui donne le branle et a déjà une nature propre, jusqu'à une forme ou à quelqu'autre fin semblable. ».
Les autres ont 4 heures pour me rendre leur copie.


 

 
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Commentaires

Ecrit par dieudivin le 29/05/2016 à 14:05

 

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Inscrit le 18/03/2011

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Tu m'as donné envie d'en savoir plus Paf! smiley 20
Je pense que si je retombe dessus en DVD/BR je me laisserai tenter volontiers smiley 9

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