Publié le Dimanche 15 septembre 2013 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Je suis un être merveilleux

En fait, je suis quelqu’un d’assez facile à vivre. J’aide à la maison. Je fais le ménage dans toute la maison, pendant que ma femme part faire les courses. Parfois, c’est moi qui vais au supermarché, notez bien. La plupart du temps, aussi, c’est moi qui prépare le dîner. Voire le déjeuner le week-end. Je vais chercher mes filles à l’école, le soir. Je fais les devoirs avec elles. Je joue ensuite avec elles quelques minutes. Puis je leur prépare à manger pendant qu’elles prennent le bain avec leur mère. Je jette bien mes affaires sales dans le bac à linge sale.
Alors certes, j’ai quelques défauts. Mon bureau est bordélique à souhait. Il y en a partout. Même si j’essaie de le ranger régulièrement, il ne faut pas une semaine avant qu’il ne se retransforme en capharnaüm où une mère éléphant ne retrouverait pas ses petits. Je fais parfois quelques réflexions indélicates – volontairement ou non. Je suis un père parfois trop permissif, parfois trop sévère. Je n’ai pas tout à fait réussi à trouver un juste milieu. Ça dépend des choses, en fait. Et des fois.
Mais globalement, je suis quelqu’un d’assez facile à vivre. Ne cherchant pas le conflit et faisant constamment des efforts pour améliorer le quotidien.

Je suis également quelqu’un d’aimable et de dévoué en amitié. Je suis prêt à me plier en quatre pour mes amis. Prêt à aller au bout du monde pour leur rendre service ou pour leur être agréable. Ce n’est pas une question de vouloir se faire bien voir à tout prix. C’est juste quelque chose de naturel pour moi. La générosité fait partie de l’amitié. Parce que rendre service me procure une certaine satisfaction, un certain bonheur. En amitié comme en amour, le bonheur de l’autre est source de bonheur. Tout simplement. Ça peut paraître un peu gnangnan, mais je suis comme ça, c’est tout.

Je suis souvent d’humeur joyeuse. J’écoute énormément de musique et du coup, je passe mon temps à chanter et à danser. Ça me met de bonne humeur. Ça me pousse dans ma journée.
D’ailleurs je travaille essentiellement en musique.

Venons-en au travail, justement. Plus qu’un simple journaliste dans les jeux vidéo, activité que j’occupe depuis plus de 15 ans, je suis un véritable artiste.
Cette longévité, rare dans le métier, est preuve d’un certain talent. Aujourd’hui, tenant à bout de bras GamAlive, je fédère quelques 250 000 visiteurs chaque mois. C’est énorme. Il faut dire que Gamalive a un ton, une ambiance, une vision des choses, propre à lui-même et que vous ne retrouverez nulle part ailleurs. Loin du copinage putassier de certains sites avec les éditeurs pour mieux pouvoir leur mendier de la publicité.
Mais j’ai d’autres cordes à mon arc. D’autres talents. Je suis un artiste, vous disais-je. J’ai écrit des poèmes, des scenarii de BD, des chansons, des nouvelles, même une comédie musicale dans ma prime jeunesse. J’ai joué au théâtre, j’ai fait des photos de nus artistiques, un peu de dessin (sans grand succès malgré tout, il faut être réaliste), j’ai créé des magazines, j’ai aidé à la refonte d’autres…

Je suis un génie dans ce que je fais. Je ne dis pas que je n’ai pas de défauts, que je n’ai pas du mal à aller au bout de mes projets (le cimetière de mes idées abandonnées encombre une bonne partie du disque dur de mon ordinateur), que je n’ai pas parfois fait de la merde.
Mais même les génies ont leurs ratés, leurs cicatrices. Quel célèbre peintre n’a jamais jeté ou brûlé une de ses toiles ?
J’ai un talent exceptionnel. Sous-exploité parfois. Mal exploité, d’autres fois. Mais dont la magnificence jaillit parfois et m’entraîne dans des hauteurs que nous sommes bien peu à espérer un jour atteindre.

Et le temps ne change rien à l’affaire. On dit qu’avec les années, on perd ou l’on se bonifie. Personnellement, je sais qu’année après année, je reste au top. Plus haut que n’importe qui.

Que dire d’autre ? Je suis doué de mes mains. Oui, non, je ne pensais pas à ça, bande d’obsédés. Mais puisque vous soulevez la question, oui, aussi. Ma femme est comblée. J’ai eu d’innombrables maîtresses à qui j’ai également laissé des souvenirs forts.
Non, je parlais d’être doué de ses mains pour tout autre chose : je bricole beaucoup. Parfois du bricolage « lourd », pas du petit bricolage à poser une tringle à rideaux ou un tableau. Et ce que je fais est réussi. Beau. Bien fait.

Je peux aussi dire que je suis… hein ? Que je m’arrête ? J’en fais trop ? Non, je n’ai pas l’impression. Si ? Ah, bon, peut-être. C’est vrai, je suis peut-être allé un peu loin, là… Un peu tartiné le portrait…

Quoi ? Non, je vous rassure, je n’ai pas pété un câble. Je n’ai pas décidé de montrer au monde une nature cachée de péteux imbu de sa personne ou de détestable prétentieux.

Déjà parce que tout ce que j’ai raconté ici est vrai.

…

Oui, non, ok, j’arrête et je m’explique…

Je vais, le mois prochain, fêter mes 40 ans. Le 13 octobre, pour être précis. Et pour marquer le coup, ma femme et une amie, Stéphanie (je vous ai déjà parlé d’elle ?) ont décidé de préparer un édito spécial. Ce sont elles qui vont l’écrire. Et je n’aurais aucunement le droit d’y jeter un coup d’œil avant l’heure fatidique de sa parution. Pas de censure, pas d’objection, rien.
Autrement dit, ce sera peut-être mon anniversaire, mais ça sera surtout ma fête. Je vais très certainement en prendre plein, mais alors plein la gueule.
Je m’attends au pire. A ce qu’elles décrivent de moi un portrait peu flatteur. Le genre de type à qui vous jetez des cailloux quand vous le croisez dans la rue. Enfin, à qui vous aimeriez jeter des cailloux, mais vous ne le ferez pas de peur qu’il vous dévisse la tête par la suite. Et je vous assure qu’on peut dévisser une tête.
Bref, un monstre impossible à vivre qu’il faudrait enfermer.

Du coup, j’ai décidé de prendre les devants. Et de faire un édito dans lequel je dirais tout le bien qu’il faut penser de moi. Que je suis un être exceptionnel. Que je suis une sorte de Dieu vivant, en quelque sorte. Vu ce que je risque de prendre dans la tête par ces deux-là, ça permettra de contrebalancer un brin avec leur vindicte féminine de mauvaise foi.

Alors voilà. Je suis un génie. Un mari parfait. Le mec idéal. Restez là-dessus. En attendant d’en lire tout son contraire…