Publié le Dimanche 9 décembre 2012 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Arrêté par la Police

Jeudi 7 décembre, banlieue parisienne.
Je suis dans ma petite voiture, tranquille. Dehors, il gèle à pierre fendre. J'ai mes gants sur les mains, et mon bonnet enfoncé sur la tête, ce qui me donne l'air au choix soit d’un docker, soit d'un tueur de l'Europe de l’Est. Et pour info, y’a pas d’port dans le coin.
Mais en tout cas, il me tient chaud, mon p’tit bonnet noir. Tant pis si avec je fais pleurer les petites filles juste en croisant leur regard, et si les femmes seules et les grands-mères changent de trottoir en me voyant arriver dans la rue.
Alors que je conduis prudemment, comme toujours, une voiture de police vient se poster à ma hauteur sur l'autoroute. J'aperçois du coin de l'œil le passager qui me regarde fixement. Je redouble de prudence au volant et veille bien à respecter scrupuleusement le code de la route.
Finalement, par le jeu de la circulation et des embouteillages, j'en viens à les dépasser. Je prends alors la bretelle de sortie pour me rendre au centre commercial Velizy 2 où je dois acheter un album photo, des chaussettes, du pain, du sucre, des préservatifs, du gel douche, des cotons-tiges, des œufs, des escalopes de dindes, des céréales Miel Pops, Spécial K et Golden Graham, du Coca zéro, des Pom’Potes, de la moutarde, du beurre, du gruyère râpé, des lardons, du Danao, des cornichons, du Tsasti… du Tzatzi… enfin du machin grec, là, dans lequel on trempe des trucs et qui a nom imprononçable, et plein d'autres choses mais de toute manière ça ne vous regarde pas, je fais ce que je veux, j'achète ce que je veux, je suis un homme libre. Ou à peu près… En fait non, puisque je suis soumis au diktat de la liste de courses promulguée par ma tyrannique épouse, mais laissez-moi croire que je suis un homme libre quand même et puis c’est tout.

Bref.
Je m’engage tranquillement sur le parking… Quand tout à coup… j'aperçois dans mon rétroviseur la voiture de police qui se lance à ma poursuite, gyrophare à fond et qui me fait des appels de phares pour que je me range sur le côté.
Forcément, dans ces moments-là, tout le dernier mois écoulé, voire plus, vous revient en mémoire. Qu'ai-je fait ? Qui ai-je tué ? Ont-ils retrouvé quelqu'un que j'avais mal enterré ? Du sang coule-t-il de mon coffre ? Ai-je écrasé une vieille ou un bébé sur le parking que je n'aurais pas remarqué, moi qui suis si attentif à ce qui croustille sous mes pneus ?
Quoi qu'il en soit, je décide de ne pas de partir dans une course poursuite effrénée. Non pas que l’idée de mettre la vie des passants en danger m’inquiète, ça je m'en fous, mais ça me ferait rater mes courses et je ne vous dis pas l’avoinée – voire les coups – que je recevrais en rentrant. Donc, je décide de me ranger sur le bas-côté et d'obtempérer.
Je garde les deux mains sur le volant et m'apprête à crier que « c'est une erreur judiciaire que c'est une bavure policière que je n'ai rien fait que ce n'est pas moi que je n'étais pas là que de toute manière j'ai un alibi en béton et qu'ils n'ont pas de dossier solide contre moi et d'abord que ce n'est pas mon ADN ».
Un jeune policier, la trentaine frappe au carreau.
Je baisse la vitre, et lance un grand « Bonjour ! » tout sourire.
« - Bonjour, police nationale. » me rétorque l'homme en uniforme.
Là, du coup, j’hésite à lui sortir un « oui ben j’ai vu, je ne me suis pas arrêté sur le côté pour une fourgonnette de plomberie, et avec les gyrophares, je me doute que vous n’êtes pas le cirque Pinder venu m’offrir une place gratuite pour votre représentation de dressage de poulets ». Dans le doute, pourtant, parce qu’il a quand même un pistolet à la ceinture alors que moi, il est dans la boite à gants, je me contente d’un « Que puis-je faire pour vous monsieur l’agent ? »
« - Papiers d'identité s'il vous plaît. »

Je plonge alors – très très doucement pour ne pas que ce geste soit mal interprété - la main dans ma veste, en ressort le portefeuille et lui présente dans un premier temps, la carte grise du véhicule.
« - Non non, me dit-il. Ce sont vos papiers d'identité que je veux voir. »
Pour le coup, je me dis que c’est mort, que c’est bel et bien moi qu’ils recherchaient, que ma femme a dû m’balancer pour tous les cadavres qu’il y a dans mon jardin voire pire, que les gamins dans ma cave se sont échappés.
Pour autant, je lui présente quand même ma carte d’identité, persuadé que ma dernière heure d’homme libre arrive à son terme.

C’est alors qu’il se retourne vers son collègue et lance un « Stéphane ! J’t’avais bien dit ! C’est lui ! J’l’ai r’connu ! »
…
Puis il me lance : « Cedric ! On adore ce que vous faites ! On lit GamAlive tous les jours ! C’est super ! Votre site est génial ! Ça change des sites pourris qui écrivent comme des catalogues ou des communiqués de presse. Franchement, c’est génial. Et puis votre édito ! On lit toujours votre édito ! Quand on est de garde le dimanche, on attend le midi avec impatience pour le lire et on se marre ! Et des fois, ça nous amène à débattre de ce que vous dites, des sujets que vous abordez ! On n’en rate pas un seul ! Et le nouveau design du site est top ! »

Tout abasourdi et limite tremblant, j’ai murmuré un « merci » et ai expliqué que moi aussi, j’aimais bien GamAlive, que c’était un site génial et que je trouvais mes éditos merveilleux également.
Le « Mais vous êtes cons ou quoi, vous m’avez collé une frousse de tous les diables à m’arrêter avec votre gyrophare ! » n’a pas franchi mes lèvres mais j’avoue l’avoir, sur le coup, pensé très fort…
Quoi qu’il en soit, nous avons discuté de jeux vidéo, du métier de journaliste, de celui de policier, des derniers hits, de la Wii U, de ZombiU…
Une petite discussion de dix minutes, sympa – mais dans le froid – et la désormais certitude que GamAlive touche vraiment tout le monde, n’importe quand, n’importe où.
Du coup, j’hésite à ne pas changer la « tag line » du site pour « GamAlive, le site partenaire officiel de la Police Nationale ». Ça aurait de la gueule, quand même, non ? S’associer aux expulsions de Roms, aux contrôles musclés de jeunes de la cité, aux tirs de flashballs dans les gencives… j’avoue que ça laisse rêveur et envieux… c’est totalement dans l’esprit de GamAlive, ça, la Police Nationale.

En tout cas, j’avoue que si sur le coup, j’ai quand même été clairement surpris, a posteriori, ça me fait beaucoup rire, cette histoire.

Sur ce, je vais manger du poulet – véridique – et vous donne rendez-vous la semaine prochaine, pour le tout dernier édito. En effet, ce sera le « der des der ». Il n’y en aura plus après.

Ben oui…

Ce sera le « Dernier édito avant la fin du monde »…