Publié le Mardi 2 octobre 2012 à 13:00:00 par Laurent Benoit

 

Copie privée : Impuissance des consommateurs face à une forte hausse des prix

Droit de propriété et droit de savoir

Les ayant-droits français (terme regroupant généralement les sociétés d'édition et de gestion des oeuvres auxquelles s'appliquent des droits d'auteurs) ont récemment exigé une hausse de la redevance sur la copie privée. L’argument ? L’expansion du marché des appareils de lecture numérique, qui leur feraient ainsi préjudice. Cette hausse est évidemment espérée avant Noël, histoire de surfer sur le pic de consommation des fêtes de fin d'année.

Les ayant-droits ont ainsi proposé de nouveaux barèmes : 51,20 euros prélevés pour une tablette de 64 go (12 euros actuellement), 24 euros sur un smartphone 32 go (10 actuellement), 25 euros pour un autoradio de +20 go (contre 5 actuellement) ou encore 9 euros pour une carte mémoire de 64 go (3,80 actuellement). Bien sûr, le prix de vente des appareils s’en verrait directement affecté.

Un constat qui atterre l’UFC-Que Choisir, que nos confrères de 01Net ont joint après la diffusion d'un communiqué de presse plutôt cinglant puiqu'il met directement en cause les ayants-droits en les accusant indirectement de racket organisé au lieu de défense de la propriété intellectuelle.

« Les tarifs de la redevance actuelle sont déjà très élevés, surtout au regard du préjudice réel subi. Comment justifier l'évaluation d’un préjudice lié à un usage – la copie – qui n’existe pas du tout dans la proportion clamée par les ayants droit, surtout depuis la mise en place des DRM ? De toute manière, dès qu'un appareil contient de la mémoire et plus il en contient, plus il est taxé.

Compte tenu de la composition de la commission et de ses processus internes de décision, les ayants droit obtiennent toujours gain de cause. Même si les hausses prévues seront sans doute atténuées après négociations pour certains produits, l'augmentation devrait être entérinée dans son principe. »

L’UFC-Que Choisir a mis en place un site web appelé Chère copie privée pour parler du problème. On y apprend notamment que les professionnels, techniquement exonérés de cet impôt, n’ont toujours pas été remboursés :

« Les professionnels ne sont toujours pas remboursés de la copie privée greffée sur les supports achetés pour les besoins de leur activité. Les demandes des associations, administrations et autres entreprises arrivent mais sont au point mort chez Copie France. »

Chez les fabricants, on tire aussi la grimace. Avec ce barème, la redevance passerait, selon le Syndicat de l’industrie des technologies de l’information (SFIB, un organisme regroupant des fournisseurs comme Acer, Dell, HP ou IBM), de 184 millions d’euros (chiffre 2009) à plus de 600 millions. « C’est 10% des prix TTC et c’est beaucoup trop », résume Maxence Demerlé, la déléguée générale adjointe du groupe, rappelant que la France se trouve déjà en haut du panier européen en termes de redevances de ce genre.
Elle cite notamment une étude de 2010 de l’organisme néerlandais Stichting de Thuiskopie, qui affirme que les redevances françaises sont les plus hautes d’Europe, et qu’en hexagone, le DVD-R est par exemple taxé 4,5 fois plus en moyenne que dans le reste de l’Europe.

Les fabricants craignent que les consommateurs abandonnent la distribution française pour aller se fournir à l’étranger, principalement par le biais des achats sur le net, qui ne sont encore que peu assujettis à cette redevance.

Un phénomène en pleine expansion, que Maxence Demerlé qualifie de « marché gris ». Selon elle, le principal argument d’opposition est que ce préjudice, revendiqué par les ayants droits, est surévalué, et n’a jamais été calculé comme il le fallait. Selon le SFIB, le calcul est extrapolé depuis une étude d’usage des appareils réalisée par le CSA fin 2011.

La raison pour laquelle ils ne sont pas entendus est simple : la hausse du barème est décidée ou non par la Commission sur la Rémunération pour la Copie Privée, un organisme au sein duquel les ayants droits disposent de 12 sièges, contre 6 pour les industriels et les consommateurs.

Forcément, ils n’arrivent jamais à se faire entendre, allant jusqu’à affirmer que le président de la commission, nommé par le ministère de la Culture, tranche toujours en faveur des ayant-droits.

En tout cas, si le barème est réévalué, il pourrait faire mal, et chez les consommateurs aussi. Une source de 01Net « proche du dossier » cite un exemple simple : avec la redevance et la TVA, une tablette de 64 go de mémoire pourrait en moyenne atteindre 1000 euros pour les fêtes de fin d’année.

Sans parler du fait que la plupart de ces appareils fonctionnent généralement en synergie avec ces mêmes distributeurs d’œuvres copyrightées, et qui fournissent des services bien évidemment-payants. En d'autres termes, si vous achetez de la musique sur iTunes Store, il vous faudra repayer une taxe quand vous achetez un CD pour la graver afin de l'écouter dans votre voiture, ou quand vous acheterez un baladeur MP3 ou un disque dur pour la stocker.

De manière plus générale, aucune concertation n’a bien sûr été faite avec les services de musique et/ou vidéo à la demande, qui continueront d’exiger des abonnements payants aux consommateurs pour profiter de leurs catalogues. La décision finale devrait être connue d'ici décembre.

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