Publié le Lundi 9 novembre 2020 à 12:01:00 par Cedric Gasperini
Assassin’s Creed Valhalla (PC, PS4, Xbox One)
Grand aigle devient petit corbeau
Avant de se lancer dans le test à proprement parler de cet Assassin’s Creed Valhalla, permettez que je vous explique dans quel état d’esprit j’ai abordé ce nouvel opus.Fan de la première heure de la saga, et ce malgré un Assassin’s Creed Revelations poussif et que j’ai détesté, je me suis, ces dernières années, peu à peu détourné de la franchise. Malgré une qualité indéniable, je n’ai pas accroché plus que ça à l’épisode égyptien Origins, la faute notamment à un scénario bâclé et un personnage insipide. Si j’ai plus aimé Odyssey, son gigantisme a eu raison de moi, puisqu’il est arrivé à une période où je n’avais pas 125 heures à offrir à un jeu.
De la même manière, la série Vikings m’ayant, au fil des épisodes, lassé, j’avoue avoir accueilli cet Assassin’s Creed Valhalla avec circonspection et méfiance. Et avec un certain désintérêt aussi, il faut bien l’avouer. Moi, ce que j’aime, c’est courir sur les toits, grimper les cathédrales, et faire le ménage avec subtilité et discrétion dans les rangs ennemis. Une philosophie du mode de combat assassin assez incompatible avec celle des vikings qui avaient, il faut quand même le dire, tendance à foutre un coup de hache dans les gencives avant de vous laisser parler. Et parler avec une lame qui vous entre par le menton et vous ressort par les narines, c’est quand même un petit peu compliqué.
Sans oublier que la société viking reposait quand même en grande partie sur l’esclavage et que, pour le coup, je doutais que cet épisode d’Assassin’s Creed ose nous permettre de capturer des ennemis et les faire trimer pour nous. Ou même de découper quelques curetons et autres moines lors des mises à sac des édifices religieux, comme il était de coutume à l’époque.
Sur ce point, j’avais raison. Et c’est un des points négatifs, à mon humble avis, de cet Assassin’s Creed Valhalla. J’aime l’Histoire, j’aime les jeux vidéo, j’aime les jeux vidéo historiques. Mais à condition qu’ils la respectent et ne s’arrange pas avec, dans un souci de « ne froisser personne en cette période où tout est propice à s’offusquer ».
En tout cas, j’ai accueilli Assassin’s Creed Valhalla sans passion. Avec tout au plus une certaine curiosité.
Le jeu se déroule à la fin du IXème siècle, en Norvège. Il débute en vous faisant jouer un jeune viking, Eivor. Un petit gars dont le père, chef de clan, vient de prêter allégeance à un autre chef viking, plus haut gradé. Et cette introduction est assez saisissante, d’un point de vue ambiance et graphisme. C’est sublime, les jeux d’ombres et de lumières sont somptueux, on se retrouve dans la maison longue, cœur de la vie sociale viking, où chacun chante, joue, mange et surtout, picole de l’hydromel comme s’il s’agissait d’eau.
Tout à coup, le son de la corne retentit : un clan ennemi vous attaque. Violemment. A la viking. Et vos parents sont exécutés sommairement sous vos yeux… vous ne devez votre salut qu’à la fuite, en compagnie de Sigurd, votre frère adoptif…
C’est là que le jeu démarre vraiment. Et vous laisse choisir entre un viking ou une viking, voire… les deux en alternance. Quoi ? Hein ? Et bien si. Via une explication merdouilleuse à la « bug dans la matrice de l’animus et ADN ratatiné », voilà Ubisoft qui vous permet d’accommoder son histoire selon votre bon vouloir. Ça aussi ça m’a gonflé. A quand un vrai choix qui impactera le scénario, voire certaines missions puisque le comportement de votre interlocuteur pourrait tout à fait changer selon votre sexe, vous conférant tour à tour un bonus ou un malus. Mais non. Pas dans cet Assassin’s Creed Valhalla qui se contente finalement via un tour de passe-passe de vous permettre indifféremment d’incarner un homme ou une femme. C’est un détail, certes. Mais c’est aux détails que l’on reconnait les Grands jeux.
Moi j’ai choisi d’incarner une femme. Parce qu’une viking badass, ça me bottait bien.
Et on retrouve Eivor à l’aube de sa vingtaine, en quête de vengeance du meurtrier de ses parents. Son frère d’armes, Sigurd, est le fils du Jarl (boss de clan). Durant toute cette première partie, vous allez apprendre les rudiments de la vie de viking, puis peu à peu celle d’assassin. Car Sigurd, revenu d’un looooong voyage, est accompagné de deux assassins qui vont vous prendre sous leur aile et vous apprendre les rudiments du métier. Tout en gardant votre rugosité viking. Le mélange est amusant, cela dit, entre bourrinage et discrétion.
Cette première partie pose le scénario. Un scénario intéressant, plutôt malin… mais ô combien mal raconté. La faute à un manque évident de lien entre les missions principales. C’est bien simple, au bout de deux ou trois, on vous envoie à l’autre bout de la map pour clore le chapitre. En deux heures, c’est plié… alors que vous n’avez pas encore pu voir toutes les subtilités liées à l’environnement et à votre condition de viking. Un scénario mal amené, donc, et une nouvelle fois, on martèle haut et fort qu’Ubisoft devrait vraiment songer à embaucher de vrais scénaristes, dont c’est le métier, des gens qui savent raconter des histoires, et non pas d’obscurs incapables qui nous chient la narration comme des glands.
Bref, un conseil : même si vous pourrez toujours revenir plus tard dans ce coin reculé de la Norvège, on vous conseille de prendre très largement votre temps dans ce coin. Pour plusieurs raisons. Pour vous familiariser avec le gameplay, plus bourrin que d’habitude. Pour vous familiariser avec les nouveautés de cet opus, liées à la recherche de trésors et autres joyeusetés, qui vous feront également gagner des points de compétences (importants pour la suite). Et enfin (surtout) pour découvrir les montagnes enneigées scandinaves. C’est beau. C’est vraiment beau. Les pas lourds dans la neige qui laissent des traces profondes… les décors magnifiques… on en prend plein les yeux. Assassin’s Creed Valhalla est beau. Très beau. Ça pète à l’écran comme jamais et même les personnages, à part quelques regards vides, sont très réussis.
C’est une des premières fois où, juste pour le plaisir, je passe quelques dizaines de minutes à juste explorer les environs pour le plaisir de me promener dans la neige.
On vous passera les détails d’un scénario qui, je le répète, s’il est mal raconté, reste toutefois intéressant et donne envie d’aller plus loin. Après la Norvège, vous voilà sur les côtes anglaises, à établir une colonie. Assassin’s Creed Valhalla vous donne aussi la possibilité de la faire évoluer, en construisant de nouvelles maisons (musée romain, boutique de pêche, maison des assassins, forge, écuries, cale sèche et j’en passe). Pour avoir les matériaux nécessaires, il faudra piller les monastères. Etrangement très très défendus. Des monastères qui abritent plus de soldats que d’hommes d’Eglise. Sans meurtre de moines, donc (on vous explique que tuer des innocents peut vous faire perdre la partie), sans esclavage et sans viol. Bon, ok, le viol n’était pas spécialement un truc répandu chez les vikings. Mais un petit viol par-ci par-là aurait pu égayer les raids, non ?
Les raids se déroulent au choix à la bourrine (on sonne de la corne pour lancer l’assaut et avec ses potes on va buter tout le monde), soit à la méthode assassin, à faire le ménage d’abord et appeler les renforts ensuite, pour finaliser le raid. J’ai alterné les deux. Pour varier les plaisirs. Au milieu de tout ça, de très nombreuses missions annexes (objets à retrouver, cibles à éliminer, trésors à retrouver… voire même… poissons à pêcher…). La carte est une nouvelle fois immense et on la sillonne à pied, à cheval, à dos de loup géant (oui, bon, faut pas chercher, y’a aussi du folklore viking dans le jeu), soit en drakkar. Le drakkar n’étant pour le coup qu’un simple moyen de transport. Intérêt limité.
Les côtes anglaises sont tout aussi belles. Avec leurs couleurs chatoyantes d’automne. Même si on a l’impression que les développeurs ont voulu tout coller au même endroit (collines, forêts, villages, marécages…) et que ça manque cruellement d’unité, ça en jette quand même. C’est toujours aussi beau, toujours aussi saisissant. Et le scénario prend un peu plus le temps de se poser, pour le coup. On apprécie plus.
On va donc zigouiller, avec ou sans subtilité, chercher des trésors, trouver des reliques, le tout dans une ambiance viking finalement assez agréable, entre attitude bourrine et tentative de suivre le crédo des assassins. Un assassin borderline, qui n’en est pas vraiment un, au final. Et tant pis pour certaines ficelles un peu grosses, pour certains raccourcis scénaristiques. On suit. Avec plaisir.
Au niveau de l’évolution de personnage, un arbre très bordélique vous permet d’augmenter vos capacités. Très bordélique parce qu’il faut bien avouer que c’est loin d’être aussi clair que dans Odyssey, par exemple. Il y a certes plus de possibilités mais justement, ça part un peu dans tous les sens. Heureusement, vous pourrez à tout moment faire table rase et redistribuer de meilleure manière les points… Mais en gros, vous allez augmenter votre santé, votre attaque légère, votre attaque lourde, votre discrétion, voire votre équipement tout entier quand vous choisissez une voie particulière… bon. C’est un début de tentative de RPG signée Ubisoft. Y’a encore du boulot. Mais c’est un début.
Vous pourrez aussi améliorer votre équipement (hache, armure, bouclier…) et leur coller des runes de pouvoir.
Ce qui nous amène à parler des combats. Ça manque toujours de beauté et de subtilité, ce qui était la marque de fabrique des premiers Assassin’s Creed qui, au fil des changements, ne sont devenus que des jeux d’action comme les autres au niveau combat. On frappe, on pare, on esquive, on refrappe… Le côté viking apporte toutefois quelques subtilités : combattre avec deux haches, c’est quand même la classe, sans oublier plusieurs coups bien bourrins à placer de temps en temps, ou des « finish him » bien sanglants et percutants.
Au milieu de tout ça, donc, on va courir au développement de son village, aux missions à droite et à gauche, sans oublier les assassinats… à base, finalement, de colonisation viking des côtes anglaises. Le scénario se déroule petit à petit, avec quelques rebondissements, quelques surprises… bref, il y a beaucoup de choses à faire, beaucoup de terrain à parcourir…
On pourrait détailler pendant des plombes le jeu, parler de ses subtilités. Parler de ses bugs, aussi, parce que bon, comme d’hab, il y en a un paquet (pas trop gênants pour autant), de son IA inconstante (un coup le gars vous repère à 50 mètres, un coup il ne vous calcule pas quand il arrive à moins de 5 mètres…) mais dont on s’accommode, d’un petit manque, quand même, de courses sur les toits (ça reste extrêmement rural comme décor)… il y a mille choses à y découvrir. On passera aussi sur le côté « moderne » ou animus, si vous préférez, se déroulant à notre époque, avec une histoire de pseudo-scientifiques qui étudient la tombe d’un viking dans l’espoir de trouver un remède au bordel ambiant ou je ne-sais-trop-quoi, de toute manière, on s’en branle, ça a toujours été le côté historique qui nous plaisait. On passera aussi sur le corbeau qui remplace l'aigle (ça ne change rien).
Mais alors, réussite ou non cet Assassin’s Creed Valhalla ?
Comme je vous l’expliquais, moins captivé par les derniers Assassin’s Creed, pas forcément d’humeur viking, j’étais très sceptique. Pas très intéressé, au final, par cet opus que je n’aurais certainement pas acheté si Ubisoft ne nous avait fourni un code test du jeu. Sincèrement, je pense que pour une fois, j’aurais zappé. Quitte à revenir plus tard à la série. Pour une autre époque. Pour une autre ambiance.
Bref, je ne dirai pas non plus que c’est « contraint et forcé » que j’y ai joué. Mais pas loin, quoi.
Et au final, malgré ses imperfections, malgré ses ratés, malgré son scénario, je le redis une dernière fois, mal maîtrisé mais intéressant… et bien bizarrement, j’ai plutôt bien accroché à cet opus. Vraiment. Plus qu’Origins (alors que comme tout le monde, je kiffe l’Egypte ancienne). Plus qu’Odyssey (alors que comme les petits garçons, j’aime les films de gladiateurs). Je me suis vraiment bien amusé. J’ai vraiment pris du plaisir. Aussi parce que j’ai accepté de me perdre dans cette liberté offerte au joueur, sans suivre strictement le déroulé des missions, en en faisant parfois rien qu’à ma tête… Il faut donc s'y abandonner sans pression, sans prise de tête, et avec une belle prise de hache, pour le savourer pleinement et se plonger dans cette époque pas si inintéressante que ça. Même si, un petit viol ou un petit esclave, ça aurait pu égayer ma journée quand même, hein, faut dire ce qui est.
Contre toute attente, donc, je placerai en bonne estime cet Assassin’s Creed Valhalla. Ce n’est pas le meilleur de la série, ok. Mais il fait plutôt bien le job et s’inscrit, une nouvelle fois, comme une valeur sûre.
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