Publié le Dimanche 17 avril 2011 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

L'Edito du Dimanche

La parole à ma femme

- Ah zut, j'ai oublié mon écharpe.
- Bah, pas grave, on trouvera bien autre chose pour t'attacher au lit.
- Ha ha ha...
- Tu veux faire demi-tour ?
- Non, tant pis, on est partis, on continue.

C'est ainsi qu'a débuté ma journée du samedi. Dans la voiture. Ma femme au volant. Et moi à ses côtés, à la place d'une mort que je ne crains pas. Hop, une semaine de vacances à la montagne, à la recherche d'une neige que nous aurons sans doute du mal à trouver. Absolument, je vous abandonne sans vous avoir prévenus. Mais d'une part, je fais ce que je veux, même sans cheveux. D'autre part, si je devais vous envoyer un bristol à chacun, ça me coûterai la peau des fesses en timbres.

- Des lecteurs m'ont demandé si tu pouvais faire l'édito à ma place, une fois. C'est l'occasion, non ?
- Oh lala, qu'est-ce que tu veux que je raconte ?
- La vérité, rien que la vérité, et que tu le jures la main sur la bible.
- Tu en as apporté une ?
- Non, mais j'ai le dernier Pratchett, ça ira bien.
Alors, raconte, c'est merveilleux, hein, de vivre avec moi ? Enfin moi je me trouve assez merveilleux en tout cas.
- C'est dur.
- Oui, je sais, mais on ne va pas entrer dans notre intimité tout de suite...
- Non, mais je veux dire que c'est dur de vivre avec toi parfois.
- Mmmh...
- En fait, tu as un certain détachement sur des choses essentielles pour moi. Tu as tendance à aborder les problèmes au jour le jour, sans les anticiper et les résoudre avec ce même détachement. Ce n'est pas que cela ne te touche pas, mais tu as un flegme parfois agaçant, difficile à gérer pour moi. Et puis tu ne parles pas beaucoup.
- Non mais attends, on ne va pas commencer à faire la liste de mes défauts. C'est un édito, pas un roman en huit tomes.
- Mais tu as des qualités aussi. Tu bricoles, et ça c'est bien. Tu fais la cuisine et j'aime bien bricoler et faire la cuisine avec toi.
- Super. On aborde aussi le passage où je passe l'aspirateur à poil dans le salon ou on attend ?
- Ah oui, j'aime bien ça.
- Non mais c'est pas...
- En tout cas tu as des bonnes idées. Par contre tu ne te rases pas assez. Non, en fait, c'est facile de vivre avec toi et les enfants. Et ton Tiramisu de la semaine dernière était vraiment fabuleux...
- Bon. Tu te calmes. On va reprendre depuis le début. Laisse-moi poser les questions. Alors. Le jeu vidéo, c'est un problème dans notre couple ?
- A un moment, ça l'a sans doute été, mais plus maintenant. En fait, non , c'est plus s'habituer au fait que tu travailles à la maison qui a été dur. Mais pour le jeu vidéo, même si je ne suis pas une joueuse, ça ne m'a jamais vraiment dérangé. C'est vrai que j'aimerais que tu viennes faire plus de balades avec moi et les filles le week-end, plutôt que de bosser, mais globalement, j'ai su prendre sur moi et toi faire des efforts. Donc aujourd'hui ça va. Et puis tu as su me convertir à certains jeux.
- Lesquels ?
- Ben tu sais.
- Moi oui, mais pas les lecteurs.
- Ah. Professeur Layton, Tetris, un peu la Wii, Les lapins Crétins, et puis Kinect. C'est génial Kinect.
- Certains lecteurs se demandent si je suis un psychopathe dans la vraie vie..
- Oui.
- Ah ?.
- Mais je fais avec. On s'habitue, tu sais. Et de toute manière, tu es un père formidable, alors ça va. Bon, si je te dis qu'un petit jeune m'a fait du gringue au boulot, je me demande toujours si je vais le revoir le lendemain ou s'il finira enterré dans le jardin. Mais tant que mes rosiers sont beaux, je ferme les yeux.
- Tout ce que je raconte sur moi, sur nous, dans les éditos, c'est un problème ?
- Ben non, je ne les lis pas.
- Certains, si. Et puis je te raconte.
- Ça me fait rire. Et ça ne me perturbe pas. Et puis ce qui est amusant, c'est que tout le monde est sans doute persuadé que tu affabules ou que tu enjolives... alors que très souvent, c'est juste la vérité.
- Et sexuellement ?
- Rien à dire.
- Ce n'est pas très gratifiant, ça, comme réponse.
- Non mais tout va bien, donc je n'ai rien à te reprocher. Et pas envie de raconter ça à n'importe qui. C'est privé. Ce que l'on fait ensemble.
- Certes. Et... pour... tu sais...
- En ce qui concerne tes soirées ou rendez-vous, on a toujours été clairs tous les deux. Tant que tu rentres tous les soirs à la maison et que tu n'as pas de secrets pour moi, ça va. Je ne dis pas que parfois, ça me titille pas, que je ne suis pas jalouse, mais ça fait partie de la vie de couple que nous avons choisi.
- Aucun reproche sur mes abus, donc ?
- Non, tu es comme ça. Parfois excessif.
- Tu me trouves rigide dans la vie ?
- Moins que moi. Tu n'es pas rigide. Tu es quelqu'un de très ouvert, en témoignent notamment tes amis, de toutes religions, couleur, ou de tout bord. Simplement, tu as parfois des principes à la con. Avec les enfants, notamment.
- Comme ?
- Du genre ne pas vouloir donner des chewing-gums à ta fille alors que tu la bourres de bonbons. Et tu me stresses à ne pas vouloir la laisser faire les choses seule, du genre aller au toboggan toute seule, ce genre de chose.
- Certes. Mais ce sont des choses sur lesquelles je suis comme le traiteur, là, avec sa tête d'endive : parfaitement intraitable. Et ce n'est pas parce que tu en parles là, histoire de chercher un quelconque soutien parmi les lecteurs, que ça changera quelque chose.
- Eh bien ce n'est pas cool.
- Bon, sinon, autre chose à dire sur moi ? Sur ton adoration et ton admiration ?
- Après, c'est mon amour, que je ne dirai pas ici.
- Donc globalement, je suis un gros psychopathe, parfois complètement barré, avec ses défauts et ses écarts, mais tu m'aimes comme ça, et tu fais avec.
- Bah oui.
- Et tu ne m'échangerais pour rien au monde ?
- Non.
- Et tu veux faire un troisième enfant ?
- Oui.
- Ha ha ha. Eh bien non. Jamais de la vie.