Publié le Dimanche 22 janvier 2017 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Cuistot en série

Allez. Je viens de finir de préparer les tomates et courgettes farcies (base de farce à légumes revisitée par mes soins), il est 10h35 et je dois partir à 11h30 faire le marché. Parce qu’une petite fricassée de champignons s’accorderait parfaitement avec mon plat.
Du coup, si vous calculez bien, j’ai 55 minutes pour écrire mon édito. Enfin, trouver une idée, écrire, effacer parce que c’est nul, chercher une autre idée, écrire à nouveau, effacer encore une fois, aller vider la poubelle parce qu’elle est pleine et merde j’aurais quand même pu m’en rendre compte en cuisinant ce serait bien plus agréable pour les suivants alors bouge-toi le cul sale con j’aurais dû écouter ma sœur quand elle me disait que t’étais un gros naze et que je ne devrais pas me marier avec toi tu vas voir un jour j’en aurais assez ça ne suffira plus que tu sois un bon coup au lit et je m’en irais avec les filles et j’irais trouver quelqu’un (Ndr : ma femme m’adore), chercher une autre idée, me dire que de toute manière je n’ai plus le temps d’en trouver une autre, écrire l’édito, le relire pour corriger quelques fautes et tournures de phrases, chercher des illustrations à la con et le mettre en page. Ouf.

Bref, question planning, il y a peu de chance que je parte au marché avant 12h.

Je cuisine beaucoup. Et j’aime ça. Je n’ai pas forcément toujours le temps de jouer les chefs trois étoiles, mais j’aime cuisiner. Ma femme me qualifiait de cordon bleu, la dernière fois. Ce à quoi ma fille cadette a quand même demandé pourquoi elle me traitait de tranche de dinde pané avec du fromage et du bacon dedans. Il a juste fallu lui expliquer que l’immonde cordon bleu qu’elle mange à la cantine – et que nous lui faisons de temps en temps quand le temps nous manque de préparer à dîner – n’a rien à voir avec l’expression. Et que si un cordon bleu, c’est dégueu, être un cordon bleu, c’est classe. D’ailleurs, l’un et l’autre n’ont rien à voir. L’expression « être un cordon bleu » vient de l’ordre du Saint-Esprit, créé par Henri III en 1758. Très prestigieux ordre réservé aux nobles expérimentés (ils devaient avoir plus de 35 ans), elle s’affichait grâce à une croix de malte accrochée à un ruban bleu. L’expression a perduré, notamment grâce à Marthe Distel, journaliste qui a publié à la fin du XIXème siècle, un livre de cuisine à succès baptisé « La Cuisinière cordon bleu ». La distinction a, elle, été remplacée sous Bonaparte par la Légion d’Honneur, aujourd’hui galvaudée et dont l’honneur n’en a plus que le nom.

C’était le petit passage chiant et culturel de l’édito.

Bref. J’aime bien cuisiner. Ça permet aussi de me vider la tête. De décompresser. Et quand on passe ses journées sur Internet, on a vraiment, vraiment, vraiment besoin de décompresser. Et des « vraiment », je pourrais en rajouter des dizaines à la suite qu’on serait encore loin du compte.
Je suis plusieurs fois par jour les infos sur Internet. Et je lis pas mal de dossiers divers. De tout ordre. Historique, culturel, médical, reportages et j’en passe et j’en oublie. Et parfois, je tombe sur les commentaires laissés par les visiteurs.
J’avoue que ça fait souvent très peur. Et j’en sors en me demandant si le monde est définitivement complètement peuplé de gros débiles ou si seulement les personnes les plus connes de la société laissent des commentaires, tandis que les autres n’en prennent pas le temps.
Le pire qui puisse exister, dans tout ça, sont sans doute les commentaires sur Yahoo Actualités. Cela dit, au passage, je ne comprends pas que le site ne fasse rien. Et je ne comprends pas pourquoi non plus il n’est pas légalement sommé de faire quelque chose. Voire, à ce niveau-là, condamné. Il mériterait.
Les appels à la haine, les insultes, les diarrhées idéologiques qui se déversent dans les commentaires sont affligeantes et font réellement s’interroger sur l’état de la société française, voire francophone. Racisme, sexisme, intégrisme… on a droit à tout.

Au final, parfois, j’ai juste envie de baisser les bras. Et de partir à la pêche. Avec mes gamines. Juste pour leur apprendre le calme et la patience, la beauté de la nature, le bonheur d’entendre le clapotis de l’eau, reposant et berçant.
« Et les poissons, papa, on les mangera ? »
« Ben oui. On se fait chier à les pêcher. Alors autant les manger. »
« Et s’ils sont trop petits ? »
« On les mangera quand même. »
« Et s’il sont trop gros ? »
« On les mangera aussi. Mais en plusieurs fois. »
« Et si y’en n’a pas, de poisson ? »
« Y’en a toujours. »
« Et si on arrive pas à les attraper ? »
« Regarde dans le sac. J’ai apporté des grenades. Avec ça, au moins, t’es sûr de tous les niquer. Petits, moyens, grands. »
Le calme et la patience. La beauté de la nature, j’vous dis. Des valeurs importantes à inculquer à ses enfants.