Publié le Samedi 26 novembre 2016 à 12:00:00 par Paf!
La chronique cinéma de Paf ! : Art et décès du cinéma
Mademoiselle Max
« MAD MAX – FURY ROAD »
« MADEMOISELLE »
Georges Miller m’étonnera toujours !
Après un départ sanglant sur des chapeaux de roues vengeresses, il précipite son Road warrior dans un western post-apocalyptique aux inventions visuelles extraordinaires. Un Chef d’œuvre visionnaire qui inspirera cinéastes, stylistes, costumiers, concepteurs de jeux vidéos, rockers… jusqu’à Johnny Hallyday. C’est tout dire de l’influence de Mad Max 2 sur l’esthétisme occidental !
On attend alors du Cinéaste des grands espaces un troisième tome encore plus sombre et maitrisé (ce sera « Fury road » 30 ans plus tard…) et c’est le génial huis-clos du film à sketch « la quatrième dimension » : « Cauchemar à 20.000 pieds ».
Il enchaîne alors avec le foutraque « Dôme du Tonnerre » où il péroxyde Tina Turner et mythologise son Max en Saint-Jean Baptiste, idolâtré par une marmaille nue ! Perdant volontairement ce faisant nombreux de ses fans du monde entier qui croyaient qu’il faisait des films bourrins…
Viendront alors de la part du génial cinéaste australien une comédie d’horreur extrêmement sensuelle où Jack Nicholson retrouve dans le cabotinage sa grande forme de « Shining », un conte animalier narrant l’amitié d’un fermier bougon et d’un bébé cochon, un mélodrame parental sur la maladie d’un enfant, une comédie musicale écologiste et animée avec le grand Robin Williams en gourou,… On l’attend avec une novation, il nous sort une suite aussi originale, voire meilleure que l’original (Road Warrior, Babe 2, Fury road) ; on l’attend dans l’ultraviolence fantastique, il nous sort une bluette pastorale…
Bref, que du truc ou du chose qui nous surprend au plus haut point.
Et que du bon, voire du meilleur quel que soit le fond traité ou la forme empruntée.
Et puis voilà 2015 : « Fury road », le chef d’œuvre absolu de l’année. Et pour moi comme une évidence sans comparaison : le chef d’œuvre cinématographique de la décennie en cours.
Et puis voilà 2016 : présidence du jury du plus grand festival de cinéma du monde (dixit les français) et Palme d’or décernée sous sa présidence à « Moi, Daniel Blake » de Ken Loach !
Quarante ans qu’il terrasse les dragons du conformisme ambiant en traçant sa propre route et c’est un énième mélodrame social anticapitaliste du grand Ken qu’il récompense de la plus prestigieuse récompense du monde cinématographique !
C’est David Cronenberg puis Emir Kusturica qui avaient donné la Palme aux frères Dardenne.
Et c’est maintenant Georges Miller qui, suivant Wong-Kar-Wai, l’accorde à Ken Loach.
Qu’est-ce qu’ils ont donc les géniaux enfants de Méliès et Fellini à vouloir absolument récompenser ceux des frères Lumière et de Rossellini ? Une envie cachée de vouloir faire du naturalisme pompier et peindre le réel plutôt que le dépeindre et faire imploser le cadre du tableau ? Un besoin de changement par rapport à leur propre travail, de conformisme par rapport à une certaine intelligentsia de la critique cinématographique, la volonté d’afficher leurs opinions politiques… ?
Entendons-nous bien, ce n’est pas le cinéma de Ken Loach ou des Dardenne que j’attaque ici, mais le fait que des cinéastes de la magie puissent encenser des cinéastes du réel, qui parfois battent et rebattent les mêmes sujets misérabilistes tout en bénéficiant par avance des faveurs de la critique cinématographique. Il se produit chaque année dans le monde plusieurs dizaines d’excellents drames sociaux à la « Moi, Daniel Blake » alors qu’il n’est qu’un seul « Mad Max - Fury road », qu’un seul « Underground », qu’un seul « The revenant »,… et pour cette cuvée cannoise 2016 :
Qu’un seul « Mad Loutte » de Bruno Dumont et qu’une seule « Mad Moiselle » de Park Chan-Wook !
C’eut été de jolies Palmes pour encenser un art collectif se définissant théoriquement comme un art du mouvement. Sauf qu’il est aujourd’hui de plus en plus entenaillé entre les gesticulations infantiles et numériques des blockbusters hollywoodiens et le conformisme intelligent de films art et essai n’ayant jamais dépassé ni digéré le formalisme bressonien et la modernité godardienne.
Ce qui me gêne en l’occurrence, c’est que les fils de Méliès font un travail original et moderne de cinéaste d’équipe (photographie, montage, caméra, décors, costumes, interprétation, musique, inventions visuelles et scénaristiques, usage du numérique,…) alors que ceux des Lumière ne font souvent qu’un travail conventionnel de metteur en scène, voire de scénariste-dialoguiste des débuts du parlant. Offrons dès lors à ceux-ci des prix à la mesure de leur talent avéré quoi que restreint (prix du Naturalisme, prix Cul-de-poule, prix Onanisme, prix du Misérabilisme, prix du Bavardage dans une cuisine, prix Merci-les-copains-de-gauche,…). Le cinéma est un art, et par ailleurs une industrie, mais encore une distraction.
Alors je vous en prie, Georges, Emir, David, Wong,… quand on vous laisse la présidence d’un jury, laissez aussi de temps en temps les Palmes aux génies novateurs du cinéma et les prix du meilleur réalisateur à de vrais cinéastes, se servant de leurs yeux non pour observer la société, mais pour la restituer transfigurée ou ré-imaginée sur nos écrans grâce aux derniers moyens mis à leur disposition par la modernité technique : les Cuaron, del Toro, Jackson, Miller, Besson, Beineix, Jeunet, Cronenberg, Lynch, Verhoeven,… ou Park Chan-Wook.
S’il s’agit de juger de la qualité d’un film, pourquoi jugerait-on « Le cinquième élément » et « La cité des enfants perdus » comme nuls sur la base de leur maladresse scénaristique quand on ignore dans le même temps la médiocrité visuelle et dramaturgique de nombre de films dits d’art et essai, quand on encense par ailleurs dans les mêmes magazines d’ineptes blockbusters du type « Le réveil de la force » ?
Art et décès du cinéma ?
Vous en voulez du chef d’œuvre gorgé de vitalité et d’intelligence, en voici :
En sélection officielle à Cannes, le nouvel opus du forcené de Séoul avait pourtant tout pour plaire à Georges : splendeur visuelle, ultraviolence modérée et érotisme exacerbé, scénario machiavélique réinterprétant « Rashomon » et baladant le spectateur de switch en switch, interprétation remarquable, extraordinaire utilisation des décors et costumes au service du propos et de l’intrigue, intelligence de l’analyse des rapports entre les frères ennemis coréens et japonais,… tout cela magnifiquement dissimulé sous l’apparence d’un thriller d’escroquerie, de manipulation, de domination, de folie, de perversion.
Ah, les femmes…
Je ne saurais trop vous encourager à vous précipiter voir « Mademoiselle », l’un des chefs d’œuvre de cinéma de cette année 2016, d’autant que sa durée (2h20) n’est pour une fois pas rédhibitoire et qu’on ne voit pas le temps passer. J’avoue en effet que depuis « Sympathy for Mr Vengeance » (2002) et « Oldboy » (2003), Park Chan-Wook m’apparaît souvent délayer son sujet dans l’esthétisme insignifiant et mériterait qu’un montage plus court et plus sec de ses films décuple leur puissance. Il en résulte souvent, comme pour « Thirst – ceci est mon sang » (2009) tout notamment, des films très intéressants, remplis de fulgurances et d’idées magnifiques, mais laissant au final comme une amertume d’ennui. Peut-être que son bref passage à Hollywood pour sa super série B d’angoisse - « Stocker » (2013) - lui aura été bénéfique pour se concentrer sur l’essentiel.
A quand un chef d’œuvre absolu de Park Chan-Wook d’1h40, la durée d’un Ken Loach ?
Quant à l’autre surprise qui nous est réservée par Georges Miller en 2016, elle est de taille pour tous les fans de Max. Le succès de « Fury road » aura finalement payé auprès de la Warner qui a permis à Miller de réaliser son rêve – et le mien : sortir une version noir et blanc de son chef d’œuvre. Intitulée « Black and chrome », cette nouvelle version de Fury Road est tout simplement extraordinaire ; on a le sentiment de voir un autre film, encore plus brutal et apocalyptique parce que le noir et blanc le rend paradoxalement à la fois plus réaliste et plus fantastique.
Seul petit problème, elle est incluse en France dans le coffret Blu-ray/dvd « High Octane » à 120€ avec une petite voiture. Le même coffret Blu-Ray en Allemagne sans les dvd et le modèle réduit coûtera 50 € le 6 décembre prochain ; ça fait cher le jouet et les 4 dvd dont on a cure, en plus du fait qu’on possède déjà les 4 Mad Max en Blu-Ray.
Mais vous avez toujours la possibilité de l’acheter en téléchargement pour 10 € sur ITunes. Espérons cependant que le film sortira bientôt chez nous sur quelques écrans comme cela vient d’être le cas aux Etats-Unis.
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