Publié le Dimanche 6 novembre 2016 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Rencontre intergénérationnelle

Rhaaaaaaaa. Ça fait au moins 10 fois que je recommence cet édito. Je ne sais pas par quel bout commencer, ni par quel angle l’aborder.
J’ai à la fois dix milles choses à vous dire, et si peu qui finalement sont fondamentales. Cela dit, doit-on réellement s’attarder sur les choses fondamentales et écarter le superficiel ? Est-ce que toutes ces petites superficialités ne sont pas, au final… fondamentales ?

Je ne sais réellement pas par quoi commencer, ni comment le faire. Je voulais vous parler d’une discussion que j’ai eue il y a peu avec un jeune confrère, qui me rend quelques 20 ans, et à qui j’avais l’impression de lui rendre autant d’un point de vue jeunesse d’esprit.
« Je ne pourrais pas faire comme toi, à ton âge » m’expliquait-il.
Un troisième confrère, qui me connait bien, pouffait alors sur le « à ton âge », sachant que je m’attarderais sur la formule indélicate et ferais sans doute ravaler son arrogance à ce jeune puceau aux cheveux longs et gras.
« Moi, à quarante ans passés, faire de la trottinette, s’habiller comme un jeune, avec des t-shirts de jeux vidéo, ça me parait pas normal. Je trouverais un autre métier, dans un bureau, je pense. Parce que ça fait un peu immature, en fait » continuait-il.
Oh, à la base, voyant sa bonne grosse bouille de gros gland, je me doutais qu’il était indélicat – et légèrement con sur les bords – sans le vouloir. C’était juste de la maladresse doublée d’un manque d’éducation.

J’évitais donc de m’épancher sur les carcans imbéciles que la société veut imposer. J’évitais de rentrer dans un débat qu’il n’aurait sans doute pas les moyens de comprendre, afin d’évoquer qu’il ne s’agit peut-être plus de crise identitaire générationnelle ou d’adulescence. Que ces notions sont dépassées et que, finalement, vouloir tout coller dans des cases est peut-être simplement un moyen de rassurer les bienpensants et ceux qui manquent d’imagination. Que la notion qu’il faut voir derrière le genre de comportement que je peux avoir, c’est simplement la liberté.
Je lisais d’ailleurs un excellent article, il y a peu, sur le sujet. Dont la conclusion se résumait, grosso modo, à ce que la société et les psys voulaient enfermer dans des définitions ce qui se résume simplement à une notion de liberté d’être. Qu’un quarantenaire ou un cinquantenaire qui joue aux jeux vidéo est à tort montré comme une personne immature, alors qu’elle a grandi avec ces médias et qu’elle est finalement tout simplement fidèle à ce qu’elle a toujours aimé. Que les notions d’âges et de comportement sont chamboulés par l’explosion hi-tech et culturelle de ces deux dernières décennies, à laquelle se rajoute une vie plus épanouie, plus longtemps, liée à l’allongement de la durée de vie et des progrès de la santé. Et certains cinquantenaires vous mettraient une race dans certains sports alors que vous avez 30 ans de moins.

Certains jeunes sont déjà vieux dans l’âme et veulent sans doute se rattacher à une société bien cadrée, avec chaque génération bien placée dans des petites cases bien définies.
J’avoue personnellement que je préfère le chaos et faire voler en éclat toutes ces certitudes. Je suis un gros con de branleur immature si vous le voulez. Mais ça me plait bien. Et je vis sans doute bien mieux que tous ceux que l’originalité dérange, effraie, voire terrorise, et qu’ils tentent de faire interdire par tous les moyens.

Bref, je n’essayais pas de convaincre mon jeune interlocuteur. Je ne lui crachais même pas un petit four dans la tronche ni ne lui refaisais la dentition à coups de verre pilé.
Au lieu de ça, j’allais nous chercher un verre pour « trinquer au mélange générationnel ».

Bon, ok, j’ai quand même pris le soin de verser une demi-bouteille de tabasco dans son coca. Mais j’veux dire… j’suis peut-être quelqu’un de cool, ouvert et détaché… mais faut peut-être pas déconner quand même, non ?