La chronique cinéma de Paf ! : Where to Invade next

 

Publié le Samedi 17 septembre 2016 à 12:00:00 par Paf!

 

La chronique cinéma de Paf ! : Where to Invade next

Paf! contre-attaque

Where to invade next

Michael Moore

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L’élection du Michael Moore de droite à la Présidence des Etats-Unis pas même encore effectuée, voilà que le Pentagone foleille déjà :  prenant acte de ce qu’il n’a pas gagné une guerre depuis 1945*, l’Etat-Major au grand complet charge le Donald Trump de gauche d’envahir le monde en quête d’idées pour redorer le blason de la première puissance mondiale ! Le voici donc embarqué sur un porte-avion à destination de l’Europe, armé d’un drapeau Stars and stripes et de ses baskets, jeans, T-shirt et casquette habituels.

Et vous aurez remarqué que le titre du nouveau docu-fiction de Michael Moore est une affirmation : « Où envahir la prochaine fois », sans point d’interrogation final.

« Préparez-vous à être libérés », dit le sous-titre.
J’ajouterais à destination de mes lecteurs français, voire européens : et à rire et réfléchir sur nous-mêmes.


Les premières minutes du nouvel opus de Michael Moore sont effectivement absolument hilarantes et il est dommageable que le film ne continue pas dans cette veine satirique tout du long. Peu à peu, l’humour potache cède le pas à un moralisme simpliste étayé par une démagogie de bas étage abusant de procédés journalistiques à la déontologie douteuse.

Comme c’est souvent – toujours ? – le cas dans les ‘documenteurs’ de Michael Moore.

Vous allez me dire que je suis un peu dur mais je vous avoue que ce qu’il a osé faire à Charlton Heston en 2002 dans les dernières minutes de « Bowling for Columbine » est resté en travers de la gorge du cinéphile Paf!. Attaquer un magnat de l’industrie automobile pour ses mensonges et délits d’initiés, un Président en exercice pour ses malhonnêteté et médiocrité, le racisme ethnique et social du système américain de santé ou encore la National Riffle Association pour ses activités de lobbying dans une Amérique gangrénée par le chômage, le militarisme, le déclassement et les armes à feu est une chose.

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S’en prendre à un vieillard de 80 ans luttant contre Alzheimer en est une autre.

J’eusse aimé pour ma part que le ‘gauchiste’ Michael Moore se souvienne qu’avant de devenir un dinosaure de l’Ancien Testament et de l’Amérique des pionniers (reaganisme, anti-avortement, défense du port d’arme,…), Charlton Heston fut aussi un fervent militant du mouvement des droits civiques aux côtés de Martin Luther King et un combattant cinématographique antinucléaire, écologiste avant l’heure et anti-raciste (Sa trilogie apocalyptique : Planet of the Apes, Soylent Green, The Omega man). C’est dans ce dernier film qu’on le voyait ainsi faire l’amour avec une actrice noire et pleurer à la projection de « Woodstock » puisqu’aussi bien il était le dernier homme digne de ce nom sur terre : « Le survivant ».

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Comment dès lors - selon un procédé très Michael Moore - ne pas user d’une chronique consacrée à celui-ci pour vous inciter à (re)voir certains chefs d’œuvres interprétés par ce très grand acteur skakespearien qu’était Charlton Heston, sans qui d’ailleurs ni Orson Welles, ni Sam Peckinpah - excusez du peu - n’auraient pu terminer « Touch of Evil » et « Major Dundee » :


Cette basse attaque contre un vieillard diminué n’étant plus que l’ombre de lui-même me parait assez représentative de ce que l’on peut reprocher au cinéaste-essayiste Michael Moore (ou à son homologue français Romain Goupil, faisant également depuis 40 ans une carrière de documenteur de gauche) : un manichéisme outrancier et des mensonges visuels ou narratifs qui sont ceux-là mêmes qu’il reproche à ses adversaires politiques d’user. Se poser en moraliste de la société américaine exigerait ce me semble qu’il soit lui-même, sinon un chevalier blanc de l’objectivité, à tout le moins qu’il élargisse les points de vue exprimés et n’use pas lui-même de la caricature et du mensonge. Ou alors qu’il demeure satiriste à l’instar d’un Swift ou d’un Montesquieu et ne se mêle pas en apparence de tirer lui-même la morale de ce qu’il décrit. Dans chacun de ses films excellemment commencés, Moore perd peu à peu de son humour pour enfoncer des petits clous à la masse. Tout se passe comme s’il s’adressait d’abord à un public intelligent et doué d’humour, puis à un public red-neck bas du front à qui il faut mettre les poings sur les I.

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« Where to invade next » ne fait pas exception à la règle mais reste à mon sens, avec « Fahrenheit 9/11 », son meilleur film à ce jour. C’est également celui qui devrait être vu, à défaut des américains, par tous les européens, à commencer par ces ronchons de français. Il est en effet de bon ton depuis toujours sur le vieux continent de critiquer l’Europe et ici même en France, de pessimister en Diable à tout bout de champ et sur tout sujet (de grève…).

Or c’est là que le dernier opus de cet adipeux Gulliver est phénoménal : montrer aux européens que les sociétés humaines qu’ils ont bâties ne se résument pas, loin de là, aux crises qu’elles traversent et aux problèmes qu’elles rencontrent. Il y existe un quotidien de sécurité, de confort, de santé publique, de respect de la personne humaine dans toutes ses diversités, que peu de pays au monde possèdent et que beaucoup nous envierait, à commencer par ces Etats-Unis nous ayant dépêché Moore.

Ce faisant cependant, il exagère comme à l’habitude : il nous montre ici et là en Europe ou en Tunisie des personnes et institutions toutes plus idéales les unes que les autres : Ah ! … les cantines scolaires françaises au menu 4 étoiles, les entreprises italiennes et allemandes aux managers humains, les universités slovènes gratuites, les islamistes tunisiens démocrates, le système judiciaire islandais ayant réussi à faire condamner au pénal les banquiers responsables de la crise financière,... Ce n’est plus Gulliver, Usbek & Rica qui nous parlent, c’est Leibnitz et Pangloss qui nous décrivent « le meilleur des mondes possibles ».

S’il y a beaucoup de démagogie à présenter ces réalités surgrossies à la loupe comme représentatives des pays qu’il traverse, il reste que ce sont des réalités ponctuelles et que celles-ci ne sont pas courantes en dehors de l’Europe, ou de Tunisie s’agissant du monde arabe. Moore se défend d’ailleurs de son entreprise caricaturale avec une très jolie formule : « Si vous voulez savoir pourquoi je n’ai pas parlé du fort taux de chômage en Italie, ma réponse est que j’y suis allé pour cueillir les fleurs et pas les orties ». « Where to invade next » vaut à cet égard d’être vu par chez nous, ne serait-ce que pour nous dessiller quelque peu les yeux sur la beauté de nos jardins, tout en passant un agréable moment parfois très drôle.

Ce film de deux heures aurait gagné cependant à s’amaigrir d’une demi-heure, surtout vers la fin avec les séquences islandaises et berlinoise, beaucoup trop longues à mon goût. J’imagine cependant qu’elles devaient sembler essentielles au patriote démocrate Michael Moore:
_ la première énonce avec force qu’il n’y a pas mieux pour un pays que d’élire une femme à sa tête ;
_ la seconde que toutes les idées qu’il est venu voler en Europe sont nées aux Etats-Unis d’Amérique… Sacré Michaël ! Allez, en avant la zizique :


« Oh, say can you see
By the dawns early light
What so proudly we hailed
At the twilights last gleaming? »

Ce qui nous ramène au vrai cinéma américain et au chef d’œuvre méconnu du génial moraliste Robert Aldrich sur l’Amérique post-Vietnam et les victimes du rêve américain et de la réalité nixo-busho-Trumpienne de ce monde.

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* Ce qui revient à oublier l’invasion de Grenade en 1983 et « Heartbreak Ridge / Le maître de guerre » (1986) de Clint Eastwood quand même !

 

 
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Commentaires

Ecrit par Tyr le 17/09/2016 à 14:38

 

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Inscrit le 19/04/2012

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Patriote, Michael Moore... quel déconneur, ce Paf.

1112 Commentaires de news

Ecrit par Sliden le 18/09/2016 à 15:52

 

2

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Inscrit le 26/05/2016

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Merci, Paf!, pour cette chronique extrêmement documentée, et donc toutes ces leçons (ou révisions) de culture générale pour moi. C'est un plaisir.
Je suis paré pour parler demain de ce film devant la machine à café. Juste que tu ne me dis pas clairement si j'ai aimé ce film ou non smiley 50

5 Commentaires de news

Ecrit par dieudivin le 18/09/2016 à 20:37

 

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Inscrit le 18/03/2011

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Bon Paf!
Je n'ai pas (encore?) vu ce film, mais il y a quelque chose qui me dérange.
OK, on râle souvent sur notre société. A tord ou a raison, je ne me prononcerai pas là dessus.
Mais ce n'est pas une raison pour ne pas râler et ne pas continuer à améliorer notre système :-p

4347 Commentaires de news

Ecrit par Paf le 19/09/2016 à 10:21

 

4

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Inscrit le 01/01/2016

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Salut Tyr, longtemps qu'on ne s'est vu!

Pour te répondre en même temps qu'à Sliden & Dieudivin: oui, Moore est à mon sens un patriote, aimant son pays tout autant qu'il critique ce qui, à ses yeux, ne correspond pas à l'idée qu'il s'en fait. "Les hommes du Président" et les journalistes de "Spotlight" étaient à mon sens plus patriotes que les plombiers cubains du Watergate et certains membres des autorités bostoniennes. Ce que je reproche à Moore, c'est sa roublardise et le fait de reprocher à Bush de mentir alors qu'il ne s'en prive pas lui-même dans ses documenteurs. Le considérant comme un satiriste intéressant mais non comme un documentariste majeur, je ne comprends pas d'ailleurs l'engouement qu'il suscite chez les cinéphiles européens et à Cannes, même s'il est vrai que la Palme d'or de copinage industriel lui a été décerné par un autre équipier de Miramar: Quentin Tarantine, grand roublard et plagieur lui-même.

Maintenant, fan de Bloy, Bernanos, Brassens, Desproges, Barré,... et des éditos de Cédric, force m'est d'avouer que j'aime les ronchonneurs comme Moore mais encore faut-il qu'ils aient un certain talent pour s'exprimer, ou à tout le moins pour ce qui est de nous, citoyens de la machine à café, que la critique soit constructive et basée sur des valeurs énoncées en terme de devoirs et de droits. Les français tout notamment me paraissent les champions du fait de se battre pour des droits prétendument acquis, en oubliant qu'ils sont associés à des devoirs. J'aimerais que l'individualisme forcené des sociétés occidentales modernes passe aussi par une reconnaissance que le bien-être acquis et les conquêtes sociales n'est pas un état, mais un devenir dépendant quotidiennement de chaque citoyen. Dialogue, concertation, négociation,... me paraissent plus "démocratique" ou "républicain" que le fait pour le pouvoir politique ou économique de passer en force, que le fait pour les citoyens de répondre avec force grève. Il est de jolies choses en France et en Europe, qui méritent qu'on se batte pour elles, ce qui passe d'abord par la reconnaissance d'icelles: "Glücklich wie Gott im Frankreich" dit un proverbe allemand: heureux comme Dieu en France!

A propos, vous avez vu pourquoi Thor n'a pas participé à la Civil War, c'est fou non?!

101 Commentaires de news

Ecrit par dieudivin le 19/09/2016 à 10:54

 

5

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Inscrit le 18/03/2011

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Ecrit par Paf

... se battre pour des droits prétendument acquis, en oubliant qu'ils sont associés à des devoirs ...
Tout à fait d'accord là dessus smiley 9

Ecrit par Paf

A propos, vous avez vu pourquoi Thor n'a pas participé à la Civil War, c'est fou non?!
Non. Je ne veux plus entendre parler de Marvel & consorts au cinéma smiley 16

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