Publié le Dimanche 13 mars 2016 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Partir un jour...

Et si je changeais complètement de vie ? Et si je partais à l’autre bout du monde, pour tout recommencer à zéro ?

Quasiment tout le monde, à un moment ou un autre, s’est posé la question dans son existence. Mais personne, ou presque, ne le fait vraiment. Et d’ailleurs vous vous dites que bon, c’est un nouveau délire, que je suis parti dans une dissertation fumiste sur les bienfaits du changement d’air, sur les joies de l’élevage de moutons et la fabrication du fromage de chèvre.
D’une part, si j’adore le fromage de chèvre, racines berrichonnes obligent, je déteste les moutons. D’autre part, même si à cœur vaillant rien d’impossible, et si j’ai des ressources insoupçonnées, je pense que j’aurai quand même du mal à faire du fromage de chèvre avec des moutons. Mais qui sait, hein ? On nous fait bien des lasagnes au bœuf avec du cheval.

Toujours est-il que mes deux premières interrogations de ce début d’édito seront donc très certainement qualifiées de « fumisteries romanesques » et de « divagations littéraires » par la plupart d’entre vous.
Soit.
Sauf que ma femme a demandé sa mutation à l’étranger.

HA HA HA ! ON FAIT MOINS LES MALINS, MAINTENANT, HEIN ?

Alors certes. Ce n’est pas encore accepté. Pas encore validé. La destination, avant tout, reste encore à être définie. Et au final, rien ne dit que ça se fera. Et puis si ça se fait, il faudra que je choisisse entre suivre ma femme ou rester avec mes maîtresses. Et là aussi, le dilemme sera compliqué.
Mais ça peut au contraire aller très vite. Et dans 6 mois, si ça se trouve, je serai dans un vol vers l’autre bout de la planète. Pour peu qu’une planète ronde puisse avoir un bout.

Bon. D’un autre côté, l’autre bout du monde peut aussi s’avérer être à un coup d’aile de moineau.
Londres, par exemple. Je me vois bien à Londres. Ecumer les pubs. J’ouvrirai un site de test de pubs et de bière. Je me ferai des potes de comptoirs.
Séville, sinon. Je me vois bien à Séville. Je prendrai des cours de Flamenco et j’écumerai les planches sévillanes, je débuterai également un petit élevage de taureaux pour les ferias et les corridas, tout en vendant mes chorizos et autres pâtés fabriqués à partir des bêtes vaincues.
Mais ça peut-être bien plus loin, aussi.
Le Canada. Je me vois bien au Canada. Je partirai des semaines entières avec mon attelage de chiens de traineau chasser l'orignal pour fabriquer des bottes et des manteaux. J’ouvrirai une petite exploitation de sirop d’érable et je ferai tout pour choper moi aussi un accent à la con. Attention, hein, ne faites pas dire ce que je n’ai pas dit : j’adore l’accent québécois. Puisque je vous dis que je veux le choper moi aussi.
La Guinée Equatoriale. Je me vois bien en Guinée Equatoriale. J’irai à la rencontre des peuples indigènes pour leur porter la bonne parole. Ils me montreront comme chasser le crocodile à la sagaie. Je leur montrerai comment chasser le poisson à la grenade. Ils me feront observer les éléphants et les gorilles. Je leur apprendrai le commerce de l’ivoire et comment assaisonner correctement la viande de brousse. Parce qu’un gorille bourguignon, ça peut être aussi bon, voire meilleur qu’un bœuf.
Le Qatar. Je vois bien au Qatar. Déjà, je pourrai choisir – ou non – un mari pour mes filles. Et même ma femme, tiens, je pourrai la molester juste pour déconner, sans qu’elle ait droit de dire quoi que ce soit. Et puis je leur apprendrai à jouer au futsal, aux autochtones. Dans deux ans, je dirigerai la fédération qatarie de futsal et j’aurai à ma disposition 25 milliards de dollars par an pour recruter des joueurs.
Honk-Kong. Je ne me vois pas à Honk-Kong, par contre. Je sais que ça fait rêver les gens. Mais personnellement, quitte à changer de pays, autant ne pas me retrouver dans une mégalopole puante et saturée de pollution
La Thaïlande. Je me vois bien en Thaïlande. Sillonner la baie de Phang Nga. Courir nu dans les rizières et parcourir la jungle à la recherche de mes amis les orangs-outans. Manger des scorpions et des mygales grillées.
La Mongolie. Je me vois bien en Mongolie. Traverser la steppe à dos de poney dont je tailladerai les flancs à coups de talons (j’aime pas les poneys), dormir dans une yourte nature 0%, boire du lait de yack fermenté, et pourquoi pas m’offrir quelques parcelles de terres où j’élèverai des chèvres du Cachemire.
Ou Cuba. Il y a Cuba, aussi. Je m’offrirai une distillerie de rhum, et j’irai, cigare en bouche, signer des contrats d’exportation vers mon pays d’origine. Si un jour le Rhum Gizmo débarque chez vous, avec ma gueule sur l’étiquette, faites-vous un Mojito ou une Piña Colada à ma santé.

Voilà grosso modo, à un ou deux pays près, les destinations où l’entreprise de ma femme a des intérêts et où, donc, nous pourrions échouer le cas échéant.

J’avoue que personnellement, le Canada et Cuba sont les deux pays qui me tentent le plus. Mais j’ai des envies de liberté, en ce moment, qui ne ferment aucune autre porte. Ah, la liberté. Un mot galvaudé qui n’a plus aucun sens. Un mot mis à mal par les carcans et les jugements, par les on-dit et les condamnations sociales, par les normes et les obligations.
Liberté.
Vivre libre, mourir confit dans le rhum un cigare à la bouche, ou embaumé au sirop d’érable dans une peau de caribou.

Bientôt, peut-être !