Publié le Dimanche 18 octobre 2015 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Ma chérie, le Père-Noël n'existe pas

Cette année, ma fille cadette perd son innocence. Elle va avoir 7 ans dans moins d’un mois. Elle est en CE1 et… Hein ? Non, je vous vois venir, bande de gros dégueulasses. Quand je parle de « perdre son innocence », je n’ai pas prévu de vendre sa virginité dans un bouge sordide, lors d’une soirée spéciale pédophiles, contre trente pièces d’argent.
Mes filles, c’est propriété privée, attention chien méchant ayant la rage. Faut pas déconner. J’ai la batte de baseball à portée de main, je l’astique toutes les semaines, et je m’entraine sur les chats qui viennent chier dans mon jardin pour ne pas perdre la main. Bon. Au bout d’un moment, faut juste disséminer des croquettes un peu partout pour en attirer d’autres.
Vous pourrez disserter des heures sur ce comportement néandertalien des pères hyper-protecteurs, sur la liberté des femmes, sur la liberté de l’amour, et tout ce que vous voulez. J’m’en cogne. Le premier petit con qui voudra poser la main sur ma fille, il a intérêt à savoir prendre sur lui. Il a intérêt à avoir autre chose que 30 pièces d’argent en mains. D’autant plus, hein, qu’en 1982 ans, avec l’inflation, il a intérêt à être blindé le pépère. Et avoir suffisamment de patience et de gentillesse pour supporter un beau-père qui va lui pourrir la vie.

Non, quand je parle du fait que ma fille cadette va perdre son innocence, c’est qu’elle devrait découvrir, cette année, que le Père-Noël, en fait, c’est son papa. On en revient toujours à la même chose, notez bien : son héros, c’est papa. Ben le père-Noël aussi. Bon, un peu maman également, certes. Mais ce n’est pas pareil. Elle est à un âge où elle veut encore épouser son papa quand elle sera grande. Moi je trouve ça mignon, notez bien. Je lui dis juste que quand elle sera en âge d’épouser quelqu’un, je serai sans doute mort, que de toute manière, j’suis bientôt claqué vu mon état et qu’il va falloir qu’elle s’habitue à vivre sans moi et qu’elle soit bien sage avec sa maman. Ça la fait pleurer, c’est marrant. Ah ben oui, vous pensiez quoi ? Que j’étais un gros salaud pour de faux ?

Remarquez, hein, j’ai eu 42 ballets mardi dernier. Et à bien y réfléchir, quand on étudie les stats, j’ai depuis longtemps passé la moitié de l’espérance de vie moyenne d’un adulte français mâle. Autrement dit, j’ai déjà vécu plus de la moitié de ma vie. Et puis faut voir dans quel état j’aborde cette dernière ligne droite, hein. Une cheville de pétée la veille de mes 42 ans (une tentative de retourné acrobatique lors d’une partie de foot face à une équipe de jeunes qu’on a quand même atomisé grâce à mes 5 buts marqués, ha ha ha, bande de petits cons), et un mal de dos persistant qui m’arrache grognements et cris de douleurs à chaque mauvais mouvement.
Putain de déchéance.

Mais bon. Ça n’empêche. Je suis le héros de ma gamine. Son Père-Noël, donc. Cela dit, question Père-Noël, je m’impose là. Je suis quand même loin d’avoir la chevelure blanche, la barbe fournie couleur neige et le problème, c’est que quand je pousse un « Ho Ho Ho », ça fait peur aux gamins. Non, si j’étais le Père-Noël, voilà longtemps que j’aurais bouffé les reines en terrine, violé les lutins et que les gamins se seraient retrouvés avec au choix, une boutanche d’alcool vide ou un étron encore fumant dans leurs petits souliers sous le sapin avec le mot « fallait être sage, p’tit enculé ».
C’est vrai que j’ai plus la tronche du Père fouettard, en fait. Qui avait au moins une fille, selon la chanson. Du coup, ça colle, hein. A la différence près que je n’ai pas de fouet, mais une batte de baseball. A savoir si alors on doit non pas m’appeler le Père fouettard, mais le Père bâtard, c’est une autre Père de manches. Et ça dépend aussi si vous tenez à vos dents.

Allez, faut que j’aille expliquer tout ça à ma gamine. Que le gros bonhomme rouge qui descend par la cheminée, en fait, ce n’est rien que des conneries. Et que la dernière petite souris qui a débarqué à la maison, elle ne venait pas donner une petite pièce contre une molaire, mais que papa l’a éclatée. A la batte, toujours. Et qu’il a tapé un poil trop fort, du coup, la petite souris, y’a ses yeux qui ont été éjectées de leurs orbites. On voit encore une petite tache sur le mur du jardin. Juste à côté de celle du corbeau.

Mais sinon, hein, j’vous jure. Dans la vie, j’suis un mec sympa. Doux et tout.