Publié le Dimanche 27 juillet 2014 à 12:00:00 par Walid Hamadi

 

L'Edito du dimanche

En manque de reconnaissance

Nous vous l’avons déjà assez répété ces derniers jours, la maison de Cedric Gasperini est en ce moment inoccupée pour cause de vacances dans les îles. Pendant que le patron se transforme en merguez trop cuite, les squatteurs peuvent donc en profiter, sachant que j’ai déjà bien sûr pris le soin de récupérer tout ce qui avait de la valeur. Du coup, c’est mon tour de dire ce que je veux, comme je le veux en ce dimanche ensoleillé. Et pour tout vous dire, j’ai longtemps hésité devant cette liberté totale qui s’étalait devant moi.

Si j’avais suivi mon instinct, je vous aurais sans doute parlé de mes passions que sont les jeux (bien entendu), le foot, les séries, le porno hardcore, mes amis, les composés chimiques explosifs ou encore l’actualité. Pour ce dernier point, nous aurons l’occasion d’y revenir en débattant avec vous dans les 10 prochains jours alors on zappe aujourd’hui. Pour le reste, j’ai trouvé que ça aurait été trop sectaire et assez peu intéressant étant donné que c’est la première fois que je me dévoile à vous. Alors je vais vous parler d’une chose qui m’est arrivée très récemment et qui va me permettre de lancer un coup de gueule au sujet d’une plaie qui commence à prendre ses aises dans notre société.

Figurez-vous que je ne suis qu’à moitié arabe. En effet, je suis issu à 50% d’un élevage de normands pure souche du coté de ma mère. Et cette branche de ma famille est assez différente de l’autre à bien des égards, notamment sur le choix de carrière. Alors que du côté de mon paternel on se déplace exclusivement en avions détournés (ça évite de se taper les contrôles à l’aéroport et on arrive directement au bureau ou à domicile), de l’autre côté on bosse dans le ferroviaire. Et ma sœur, pour son job d’été a décidé de perpétuer cette tradition en jouant les contrôleuses à la SNCF (adressez-moi directement vos lettres d’insultes, je les lui transmettrai).

J’en viens donc à l’évènement qui motive cet édito : son rapport avec les usagers. Oui c’est encore comme cela qu’on appelle les cochons de payants à la SNCF. Philosophiquement parlant, ça donne plus le sentiment du devoir envers eux. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle n’est pas vraiment intéressée sur le nombre d’amendes qu’elle pourrait dresser, mais plus sur la vente des billets dans les trains. Un petit conseil donc, si vous n’en avez pas, adressez-vous au contrôleur dès son premier passage pour acheter un billet plein tarif, ce sera moins cher que l’amende pour vous, moins long pour lui, et plus intéressant pour les bonus. Tout ça pour dire que non, les contrôleurs ne sont pas particulièrement à l’affut des contrevenants, pour eux, plus vite ça va, mieux c’est. Donc les critiques, les râleurs, les hurleurs, ça ma sœur y est habituée. C’est humain après tout, on se défoule sur le seul type dans le train qui ne sait généralement pas vraiment pourquoi ce connard de mécano roule à 15 km/h et arrive à la gare avec 20 minutes de retard.

Par contre, là où c’est moins cool, c’est quand elle se fait prendre à partie pendant 5 minutes par un décérébré qui ne comprend rien à la vie du haut de ses 55 ans dans une voiture pourtant remplie et où personne n’intervient en plus. Imaginez la scène : un homme d’âge mûr se lève soudainement de manière menaçante pour engueuler une jeune fille à 5cm de son visage, les noms d’oiseau fusent à 90 décibels tout à coup dans la torpeur d’un bel après-midi d’été ensoleillé, sans que cela ne choque personne. Et tout cela pourquoi ? Parce qu’elle a osé prévenir l’usager qu’il fallait valider sa carte d’abonnement la prochaine fois, sous peine d’une amende de 10 €. Inutile de vous dire que cette agression a quelque peu secoué ma sœur qui a été déposer plainte avec l’aide et l’insistance de ses supérieurs.

Bon le moral de ma sœur on s’en fout, elle avait qu’à gueuler encore plus fort et la lui coller l’amende à ce crétin. En plus, elle risque de le saigner à blanc au tribunal pour préjudice moral etc. Je pense qu’à sa place j’aurai vraiment joué au gros con à tous les niveaux en prenant la voiture comme témoin et l’humiliant comme il le faut. Mais ce que me choque, c’est que le bougre de simplet n’ait pas percuté qu’on lui faisait une fleur en lui expliquant gentiment comment rester en règle pour pas un rond !

ET LA RECONAISSANCE BORDEL ? ELLE EST OÙ ? Je veux dire, tout le monde fait des erreurs qu’elles soient volontaires ou non. Et ça, les contrôleurs l’acceptent. Ils font juste un rappel au règlement et laissent couler. Donc quand on vous fait pas chier, FAITES PAS CHIER ! C’est si compliqué ? C’est un truc de base dans ces foutues règles de savoir-vivre, non ? Dans quel monde vit-on si on commence à ne même plus dire « merci » ou « excusez-moi » quand on est en tort ? C’est un truc qui me fera toujours halluciner. Si un flic vous arrête pour feu de croisement défaillant et, pour je ne sais quel raison, vous laisse repartir après une petite leçon sur la sécurité, vous lui dites que c’est un con qui vous fait perdre votre temps pour des broutilles et gueulez pour lui dire que son boulot c’est de la merde ? Non, vous êtes reconnaissant que la personne d’en face reste un humain qui n’applique pas la loi à la lettre et vous fasse cracher le maximum pour la moindre broutille.

Le 14 juillet dernier, j’ai moi-même bénéficié de cette clémence : m’étant garé comme un connard sur l’un des ponts les plus empruntés de Toulouse un peu plus longtemps que la durée des feux d’artifice, je m’attendais au moins à une amende, si ce n’était la fourrière. Alors que des policiers municipaux veillaient au calme après la fête sur ce même pont et que j’étais la dernière voiture garée sur le trottoir… ben rien. Sur le retour je m’imaginais déjà payer les 150 € et plus pour récupérer ma voiture et les problèmes que ça allait m’occasionner, et finalement rien. Heureux et soulagé, je me suis donc arrêté près des flics qui avaient forcément vu mon infraction pour les remercier de leur laxisme en ce soir de fête.

Tout ça pour dire que même à mon âge modeste de 25 ans, je trouve que les bonnes valeurs se perdent. Toute ma vie j’ai cherché à être conciliant, à faire le moins de vagues possibles et à reconnaître mes torts quand on me mettait le nez dedans. Parfois ça n’avait pas porté ses fruits, mais au moins, ma conscience me lâche un peu la bride. Quand quelqu’un me fait un petit plaisir, pourquoi ne pas au moins l’en remercier ? Un RH d’une grande entreprise me confiait l’autre jour que les jeunes candidats à un poste dans sa boîte négociaient d’abord des congés en plus et des tâches en moins, PENDANT L’ENTRETIEN D’EMBAUCHE ! Il n’y a que moi que ça choque ? Bien sûr qu’un gars qui se pointe avec un Bac +5 dans une entreprise sérieuse aura des acquis qui vont avec, mais est-ce la peine de montrer au recruteur que c’est la première chose qui le préoccupe ? Montrer de la gratitude de t’offrir une chance de travailler dans des conditions plus que confortables dans un contexte économique qu’on sait pas tip top cool en ce moment serait-ce passer pour un extra-terrestre ?

Malheureusement j’en ai bien l’impression et mes amis à peine plus âgés que moi font le même constat. Et pour l’une des premières fois dans ma vie je me sens vieux, moi l’inexpérimenté encore, moi qui ne suis pas censé être sage, moi qui suis censé prendre tout avec insouciance et légèreté, je me sens vieux quand je me dis « Mais qu’est-ce qu’ils sont cons … »