L'Edito du Dimanche

 

Publié le Dimanche 21 octobre 2012 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Ma vie au supermarché

imageS’il y a bien un endroit où il faut aller armé de patience, armé de calme, armé d’une profonde capacité à déstresser, armé de compréhension et de zen, bref, armé tout court à la limite pour être certain d’en ressortir vivant, c’est… le Supermarché.

A la base, aussi surprenant que cela puisse paraître, j’adore les supermarchés. Non, c’est vrai. J’adore l’idée d’aller acheter des trucs que j’aime, pour ma famille et moi, des trucs bons à manger, qui seront autant de moments de plaisir à partager.
En fait, le supermarché est pour moi le plus grand synonyme d’émancipation et de liberté. C’est vrai quoi, réfléchissez deux secondes. Lorsque vous habitez encore chez vos parents, vous n’avez aucun poids, aucune influence sur le menu du jour. Ne vous leurrez pas. Même les « qu’est-ce que tu veux manger ce soir mon poussin ? » ne sont en réalité que des pièges pour vous écraser et vous rappeler à quel point votre place dans la cellule familiale est insignifiante. Si vous répondez « pizza », vous aurez droit à un « ah non, pas le soir, c’est trop lourd, on va plutôt faire une petite salade ». Si vous répondez « pommes de terre sautées », vous aurez droit à « non, je suis certain qu’à l’école, tu ne manges pas assez de légumes, je vais te faire des choux de Bruxelles, c’est bon ça les choux de Bruxelles ».

Bref. A mon époque, et dans la cuisine de ma mère, les plats en vogue étaient la langue de bœuf, le foie de veau ou les endives braisées au jambon. Je déteste les endives braisées au jambon. J’ai toujours détesté les endives braisées au jambon. On en avait une fois par semaine au moins. J’ai donc vécu un véritable terrorisme culinaire durant mon enfance et mon adolescence.
Oh, non, n’allez pas me faire dire ce que je n’ai pas dit. Ma mère cuisine très bien. Excellemment bien, même (notez la manière habile de ne pas être rayé définitivement du testament). Elle a un talent bien au-dessus de la moyenne et sait préparer des plats sophistiqués qui enchantent vos papilles. Mais bon. Après, il y a toujours une différence entre faire un repas de famille ou avec des amis, et préparer la tambouille pour le quotidien. Difficile de préparer pour chaque jour de la semaine des bœufs bourguignons, velouté de pois cassés aux herbes fraîches, soufflé aux morilles et autres Perles d’escargots ou Chantilly de citron vert sur son carpaccio de saumon et de Saint-Jacques façon Jacques Lameloise.

imageTout cela pour dire, donc, que j’ai toujours aimé les supermarchés. Je virevolte avec mon caddie entre les rayons, le sourire aux lèvres, j’improvise des recettes dans ma tête au fil des produits, j’ai le pas léger et le regard alerte.
Seulement le supermarché, lui, ne m’aime pas.
Et il ne vous aime pas non plus d’ailleurs. Le supermarché n’aime personne. Surtout pas ses clients. La faute, malheureusement, à son fonctionnement, sa direction et la pression qu’elle met sur ses employés, et des employés, justement, trop souvent bas-de-plafond, qui détestent leur travail, et haineux envers les clients.
Rien qu’hier, tiens. J’aurais eu dix fois l’occasion de claquer la tête de chacun des employés rencontrés. Dix fois j’aurais eu l’occasion de me mettre à hurler que « c’est lamentable, moi je suis cadre chez Orange, je gagne 70k par an, j’en ai ras-le-bol, le peuple en ras-le-bol, bande de connasses ».
Bon, moi mon discours se serait sans doute terminé à base de meurtre à la carotte façon « Shoot’em up » (excellent film d’action au passage) ou d’introduction d’aubergine dans des orifices non prévus pour cet usage. Mais c’est ma petite touche personnelle, quoi.

imagePrenez pour commencer le type qui fait le réassort des fruits et légumes. C’est un petit supermarché – Intermarché pour ne pas le citer parce que, hein, on risquerait d’avoir des problèmes – de proximité. Du coup, il n’y va pas à la palette, mais avec un caddie rempli de caisses. Caddie qu’il laisse traîner en plein milieu du rayon, avec les cartons vides autour, pour être certain de vous bloquer le passage et vous obliger à faire le tour par un autre rayon. Idem pour le type qui va poser sa palette de bouteilles d’eau. Il va bien calculer son coup pour la mettre bien au milieu et empêcher tout passage d’un côté ou de l’autre. Il pourrait la décaler de 30 cm, ça ne changerait rien et ça laisserait le passage pour un caddie. Mais non. Et quand vous lui demandez gentiment de « décaler un peu s’il vous plait votre caddie pour que je puisse passer », soit il vous répond un « attendez que je finisse » sec et cinglant, soit il s’exécute avec mauvaise volonté. Dans les deux cas, vous avez le droit au soupir d’agacement et au regard noir.

Ensuite c’est le boucher. Je veux bien croire qu’il n’arrive pas à refourguer sa chair à saucisse… mais quand je lui demande de la farce pour 3 grosses tomates et que, qui plus est, je lui montre les tomates, essayer de m’en refourguer 800 grammes, n’est-ce pas un peu me prendre pour un con ? Quand je lui demande 500 g de steak haché et que la balance affiche 650 g, le « y’en a un peu plus, j’vous le mets quand même » représente quand même 25% de plus que le poids demandé… Sans oublier le regard noir et le « ça revient au même, elles sont au même prix » quand vous lui demandez de ne pas mélanger merguez et chipos dans le même papier, simplement parce que vous recevez des amis de confession judaïque pour un barbecue.

Le charcutier n’est pas mal non plus. Quand vous lui demandez des tranches de jambon « fines comme de la dentelle », et qu’elle vous pond des tranches d’un demi-centimètre d’épaisseur, vous avez juste envie de lui lancer un « je sais que vu ta gueule, la dentelle est exclue parce que ce serait comme essayer d’emballer un jambon dans du papier cadeau, mais fais un effort et sers-moi de la chiffonnade ou ce sont tes dents que je vais découper à la trancheuse ». D’ailleurs, essayez de refuser une tranche de jambon parce qu’elle est coupée trop épaisse. C’est un véritable bras de fer, une guerre des nerfs qui s’engage alors avec la charcutière.

imageEt puis on finira sur la caissière. Enfin c’est une image, hein. Même si j’avoue quelques aventures passées avec certaines de ces dames – des étudiantes dont c’était un job de week-end pour la plupart – et non des moindres. Mais « finir sur la caissière » évoquerait limite, ici, plus l’envie de se la jouer WWE avec un Hurricanrana (figure spectaculaire de catch).
Depuis qu’elles ne rangent plus les produits dans des sacs, depuis qu’elles ne touchent plus aux produits lourds pour soulager leur dos, elles se font un malin plaisir d’aller le plus vite possible pour que vos produits s’entassent les uns sur les autres au bout du tapis, le pot de moutarde écrasant le paquet de chips, la bouteille d’huile d’olive tombant sur le raisin et les deux packs de jus d’orange jouant l’étau sur vos tomates. Certaines vont même jusqu’à pousser des deux mains vos produits pour les entasser un peu plus encore et faire de la place pour la suite, qu’elles continuent de scanner avec le même rythme effréné. Vous êtes toujours à remplir votre premier sac et, au bas mot, trois supplémentaires seront nécessaires pour tout caser qu’elle vous lancer un « vous payez comment ? » destiné à vous coller un peu plus la pression. Et si vous avez le malheur de payer avant d’avoir terminé, elle enchaîne quand même le client suivant.
Je déteste les passages en caisse. Le vrai fléau du passage en caisse, ce n’est pas le petit vieux qui paye en petite monnaie et qui n’arrive pas faire la différence entre les pièces de 50, 20 et 10 centimes. Le vrai fléau du passage en caisse, c’est la caissière.

imageJe ne sais pas si elle a des objectifs de nombre de clients à passer en caisse. Et à vrai dire, je m’en fous.
Je hais qu’on me colle la pression juste pour ranger des courses dans un sac et dans un caddie.
La France est le seul pays où ça se passe comme ça. Et bien croyez-moi, à l’étranger, on a nettement moins l’impression d’être pris pour du bétail. La dernière fois que je suis allé dans un supermarché en Angleterre, par exemple, je me suis retourné vers ma femme pour lui dire à quel point c’était plaisant d’avoir le temps, de ne pas être stressé par la caissière…

Oui, bon, pas la peine de me sortir les poncifs « mais les clients ne sont pas forcément faciles non plus, c’est un métier difficile, blablabla ». Aujourd’hui, tous les métiers sont difficiles. Et avoir un métier difficile n’excuse pas d’agir en connard. Pas la peine de lancer un « faut pas faire une généralité » bateau et insipide. Je le sais. Je suis d’ailleurs un des rares clients à aller prévenir la hiérarchie que tel ou telle caissière est agréable, sympathique et souriante quand elle l’est (faites-le, c’est important pour leurs notations et leurs primes).
Je note simplement un état de fait, trop fréquent. Et aujourd’hui, je ne l’accepte plus.
Venez faire les courses avec moi la proche fois, vous verrez, c’est généralement sportif et ça se termine en prise de bec bien sentie. Parce que moi, je bosse chez Orange, je gagne 70k, je vais souvent en déplacement à Saint-Domingue et j’en ai ras-le-bol, le peuple en ras-le-bol, bande de connasses.

Allez, pour calmer tout le monde, demain, on fait péter un gros concours sur le site.

 
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Commentaires

Ecrit par Laurent B. le 22/10/2012 à 13:37

 

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Bon, moi mon discours se serait sans doute terminé à base de meurtre à la carotte façon « Shoot’em up » (excellent film d’action au passage)
Ouais, tout le monde a démonté ce film mais il est une ode au jeu vidéo en soit, bien meilleur et moins puant que le pauvre "Gamer" ("Ultimate Game" chez nous) dans lequel Gerard Butler s'est égaré (la comparaison étant là aussi car je confonds toujours Clive Owen et Butler).



Sinon les problèmes de supermarché, c'est variable chez moi. J'habite un chouette quartier lyonnais (malheureusement en proie à une transformation sociale désolante), et la vie est plutôt cool dans le coin. Les caissiers sont relativement sympas dans les petits commerces de proxi, mais y'a des boulets partout. Mais ici, bien plus chez la clientèle que chez les employés. Faut voir le nombre de connasses peroxydées, de mamies-vuitton et de bobos-rayban-coiffure-de-nazi-hipster qui se prennent pas pour de la merde. Eh, quartier friqué, grande ville, toussa toussa.



Ce qui est marrant, c'est que du coup les clients sont plus détestables que les employés, mais quand je rentre voir mes parents à la campagne, c'est le schéma inverse : ils ont un Intermarché qui a pignon sur rue dans un village de 4000 habitants, et la moitié des caissières sont des ex copines de lycée, tandis que l'autre moitié du personnel est un ramassis de connards, alors que les clients, j'ai pas eu d'accroche avec eux...



De toute façon, comme dit Malaria, les courses en ligne c'est ce que j'attendais depuis la démocratisation de l'ADSL. C'est moins cher, plus pratique, ça permet d'embaucher plus de gens avec la logistique en place, c'est relativement bien foutu chez certains (Auchan s'en tire pas mal), et on se pète plus le dos, on ne transpire plus comme un eskimo au Brésil à force de trimballer des sacs de 15 à 20 kgs sur le chemin du retour... Car en ville, faire ses courses sans un coffre de bagnole c'est quand même relativement casse-couille.



Aboutissement de la sédentarisation toxique de notre espèce, mais alors la vache, qu'est ce que ça soulage.

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