Publié le Dimanche 19 février 2012 à 12:29:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

La panne

Quatrième édito. Parfaitement. C’est la première fois que cela m’arrive mais, pour le coup, je n’arrive vraiment pas à trouver un angle d’attaque et un sujet intéressant. Trois premiers éditos, quasiment terminés, sont finalement passés à la trappe parce que jugés inintéressants ou inadéquats après relecture.
Du coup, il est 12h et je n’ai toujours rien à proposer.

Après avoir abordé deux sujets insignifiants et pénibles à extirper de mon cerveau malade dans les deux premiers éditos écrits, j’avais, pour le troisième, décidé de me plier à une sorte d’exercice de « j’aime, j’aime pas » qui finalement accouchait d’une liste désorganisée, pas spécialement passionnante et, surtout, qui montrait un vrai déséquilibre entre les deux parties. Au détriment du « j’aime », bien entendu.
Oh, non pas que je sois quelqu’un de profondément mauvais et râleur, contrairement à ce que certains, notamment dans mon entourage proche, veulent bien laisser croire. C’est simplement qu’il est en fait bien plus facile de parler des sujets qui nous gênent, qui nous offusquent, et de dénoncer les choses que l’on n’apprécie pas, plutôt que de traiter des choses que l’on aime. La critique négative est bien plus aisée que la positive.
Et puis je dois avouer qu’écrire cette saloperie d’édito avec deux gamines odieuses qui ne cessent de hurler, de se chamailler, de pleurer et de faire des bêtises à côté de vous, ça relève de l’exploit. D’ailleurs, permettez, il faut que j’aille m’en occuper parce qu’elles sont en train de se battre.

Bien. Il est 12h10 maintenant, elles sont enfermées dans la cave, on va peut-être pouvoir s’y remettre, non ?

Revenons à notre « j’aime, j’aime pas », donc. On me prend souvent pour une tête de con, un ours, un type fort en gueule qui ne fait ni concession ni compromis. Une sorte de gros sauvage hirsute qui dévore des bébés et hurle sa haine du monde et leur incompétence à la face des gens. C’est pourtant totalement faux. Je ne hurle pas. Ou rarement. Je ne hais personne.

Il y a plein de choses que j’adore. J’adore la musique. Je ne peux pas vivre sans musique. Elle tourne quasiment toute la journée et accompagne tous mes déplacements. Même si je prends la voiture pour un trajet de 5 minutes seulement, je branche le lecteur mp3 sur l’autoradio. J’aime les bonnes bouffes et les plats raffinés. Accompagnés comme il se doit des boissons adéquates. J’aime certaines formes d’art. J’aime les musées. J’aime Magritte, Cézanne, De Vinci, Delacroix, Manet, Monet, Rembrandt, Renoir, Rubens, Velazquez, Vermeer, Turner, Canaletto et bien d’autres encore. J’aime la BD et suis fan de la première heure de Blacksad, par exemple. J’aime le cinéma. J’aime les voyages ou même simplement partir en week-end. J’aime les soirées entre potes, à refaire le monde. J’aime passer du temps avec mes filles, ne serait-ce que pour défaire les nœuds de leurs liens quand je devrais les sortir de la cave. J’aime les religieuses, quand elles sont au café. J’aime les femmes. J’aime le calme. J’adore l’odeur de l’herbe mouillée par la rosée matinale, alors qu’au loin le soleil se lève. J’aime mes souvenirs d’enfance. J’aime les odeurs du pin d’été. J’aime l’odeur de la neige fraîche. J’aime rêver. J’aime cuisiner. J’aime bricoler. J’adore découvrir d’autres cultures, d’autres gens, d’autres religions. J’ai une énorme soif d’apprendre et de connaître.

Je ne suis pas spécialement difficile à vivre. Enfin je crois. Oh, certes, j’ai mes défauts, mais qui n’en a pas ?
Le fait est que je ne me « force » pas à faire des choses que je n’ai pas envie de faire. Que je dis ce que je pense. Et c’est là peut-être, justement, mon plus gros défaut. Quand certains baissent les yeux et courbent l’échine, j’ai tendance à relever la tête à distribuer des coups de boules. Du coup, oui, je prends des pains et je passe pour un odieux personnage.

Il y a plein de choses qui me hérissent le poil. Mais comme vous, non ? La seule différence, c’est que j’en parle, c’est tout. C’est ma psychanalyse à moi. Parce que l’on est confronté à des situations pénibles tous les jours. Et que, finalement, si les gens étaient un peu plus agréables et arrêtaient d’emmerder les autres, le monde ne s’en porterait que mieux.

Oui, je déteste qu’on me fasse une réflexion sur mes enfants parce qu’ils courent après les pigeons et que « ça fait peur à ces pauvres bêtes ».
Oui je déteste qu’on me reproche de mettre une fessée à mes gamines qui ont été odieuses dans un supermarché.
Oui je déteste les serveurs qui vous regardent avec dédain, ne sourient pas et s’offusquent qu’on s’énerve d’attendre 45 minutes entre les plats.
Oui je déteste les mendiantes roumaines qui viennent avec insistance geindre dans vos oreilles et se placer entre vous et la personne avec laquelle vous discutez, en agitant leur gobelet Mc Donald où deux ou trois pièces se battent en duel.
Oui je déteste les vendeurs qui se mettent à vous tutoyer. Même s’il ne s’agit « que » de jeu vidéo.
Oui je déteste qu’on me serve une viande à point alors que je l’ai demandée saignante.
Oui, je déteste les petits vieux qui viennent faire leurs courses le week-end ou le soir, alors qu’ils ont toute la journée pour le faire et qu’ils choisissent le moment où il y a le plus de monde pour grossir stupidement les queues aux caisses (surtout qu’ils mettent deux plombes à vider leur caddie rempli de colle pour dentiers et de couches contre l’incontinence).
Oui je déteste qu’une cliente continue son chemin alors qu’elle a clairement remarqué qu’elle vient de faire tomber plusieurs articles d’un rayon en les accrochant avec son sac.
Oui je déteste qu’un type me fasse des appels de phare parce que je suis à 130Km/h sur la file de gauche de l’autoroute, en train de doubler d’autres voitures, alors que lui veut continuer sa pointe à 170.
Et par-dessus tout, je déteste qu’on me dise comment je dois vivre, ce que je dois faire, comment je dois penser. Moi je n’impose rien à personne. Je ne fais aucune ingérence dans la vie privée des autres. Je ne leur dicte ni leur conduite, ni leur manière de vivre, ni ne leur impose ce qu’ils devraient penser. Je ne juge pas les gens sur leurs habitudes ou leurs croyances. Sur leurs us et coutumes.

Finalement, Et la seule chose sur laquelle je manque de tolérance, c’est justement face à l’intolérance.

12h19. Eh bien j’aurais quand même réussir à le pondre, cet édito. Allez, on va même éviter de le relire, sinon je suis certain qu’il passerait à la trappe lui aussi. Il faut maintenant chercher les illustrations.
Il y a des jours sans, comme ça. Des jours où l’on n’arrive pas. Des petites pannes… Bah, allez, une première panne à 38 ans, on ne va pas non plus crier à la fin des haricots, non ?

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