Might & Magic X Legacy (PC)

 

Publié le Lundi 27 janvier 2014 à 12:00:00 par Alexandre Combralier

 

Test de Might & Magic X Legacy (PC)

Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées / Où gît tout un fouillis de modes surannées

imageLe moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ubisoft ne se prive pas d’exploiter la licence Might and Magic. Heroes of Might and Magic en est peut-être la plus célèbre déclinaison. Mais on compte aussi quelques Dark Messiah, Clash Heroes ou même un jeu de cartes pour smartphone, Duel of Champions. Avec Might and Magic X Legacy, back to basics. Il s’agit bien d’un retour aux fondamentaux que nous propose le développeur allemand Limbic Entertainment avec la bénédiction de l’éditeur français. Might and Magic X Legacy est un donc un RPG à l’ancienne qui s’assume comme tel. Réinventer le RPG ? A d’autres. Might and Magic X Legacy sera old school ou ne sera pas.

Et ça se voit dès les premières secondes de gameplay. Le déplacement dans Might and Magic X Legacy se fait uniquement de case en case. Le monde (ouvert) de la péninsule d’Agyn n’est qu’un immense damier. Le déplacement en diagonale n’a pas encore été inventé par une humanité plus voisine du crabe. Le temps ne s’écoule que lorsque vous changez de case. Déroutant pour nous autres modernes, mais aussi peu agréable à manier. Il faudra quelque temps pour s’habituer aux deux touches servant à faire pivoter la caméra pour pouvoir regarder où l’on va. Ce sont donc six touches de déplacement qui sont nécessaires. Un peu lourd. Surtout qu’on voit mal l’utilité des cases dans des zones plus pacifiques, comme dans les quatre villes du jeu.

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screenDeuxième aspect old-school qui se distingue immédiatement : les graphismes. L'aspect cartoonesque de départ sert un peu de cache-misère (mais ce n'est en aucun cas un signe de casualisation). C’est effectivement très ancien. Passéiste. Certaines textures ont un rendu particulièrement moche, et de toute évidence le jeu piquera même un œil préparé et enclin au voyage dans le passé. On aura également du mal à ne pas remarquer des problèmes de clipping. Le design des villes (presque toutes portuaires en passant, donc assez proches) ou la direction artistique générale ne rattrapent pas le coup (sauf peut-être pour ce qui est du design des monstres). Techniquement, le jeu est donc très pauvre, ce qui n’empêche de gros ralentissements lors des changements de région sur la carte, ou certains chargements un poil longuets. Ubisoft avait sûrement les moyens de garantir un meilleur moteur à Limbic.

screenOn peut trouver d’autres signes de cette relative pauvreté qui transparaît dans l’aspect artistique et technique de ce Legacy. Les musiques notamment sont assez peu inspirées et sans grande personnalité (à l’exception du thème de la ville des pirates, Le Crag). Dans les villes d'ailleurs, l'ambiance sonore devient comique en raison des innombrables toussotements des PNJ, à tel point que vous aurez l'impression de débarquer en pleine pandémie. D'autres défauts sont directement imputables à Limbic. Pourquoi ne pas avoir rajouté un peu plus d'humour ? Plus de diversité dans les petites phrases lancées de temps à autres par vos personnages (dont la personnalité est quasi-insignifiante) ? Cela aurait donné plus de cachet au titre.

Jusqu’ici, le joueur moyen s’en est déjà allé. Mais le rôliste initié n’a fait que hausser les épaules. Après tout, c’est à lui que se destine ce Might and Magic. Et une fois les touches par défaut modifiées et la conjonctivite soignée, l’heure est donc à l’exploration d’un monde plus vaste qu’il n’en a l’air dans une ambiance qui sent très bon les années 1990.

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screenVous incarnez quatre aventuriers dont la première quête est d’exécuter la dernière volonté de leur maître Owen, en apportant ses cendres à l’Église de Karthal, une lointaine ville côtière. Mais Karthal est sous blocus en raison d’une révolution de palais, et vous n’y rentrerez pas avant au moins une dizaine d’heures. Entre-temps vous sauverez la peau du gouverneur du Château de Pomeyron, non loin de Sorpigal-sur-Mer, la ville de départ. Commenceront alors à se nouer les fils d’un vaste complot sur fond de retour d’une antique menace (les Sans-Visage). Là encore, Might and Magic X Legacy, sans être inoubliable, fait dans le classique.

screenMight and Magic X Legacy reprend la structure Porte-Monstre-Trésor, et un système de combats au tour par tour. Il se rapproche d’ailleurs plus d’un dungeon-crawler que d’un RPG bavard. Les dialogues ne sont pas franchement légion et les villes seront plus côtoyées pour leur forgeron ou leur marchand de sorts que pour le plaisir de parler à des PNJ. Par un salutaire effet de contraste, une place de choix est offerte aux livres que vous pourrez collecter durant votre aventure. C’est le moment de saluer l'excellente qualité de la traduction française. Les voix anglaises sont un peu plus à la peine (mais elles sont peu présentes… tant mieux, criera le joueur old-school, plus enclin à laisser la place à l’imagination).

A l'aventure, vous partirez à quatre personnages au maximum, mais entièrement personnalisables. L’aspect importe peu : les apparences disponibles sont vraiment faméliques. Les quatre races, là encore, sont vues et revues (humain polyvalent, elfe plus enclin à l’arme à distance, nain robuste, orc barbare), mais laissent une marge de liberté suffisante pour composer des groupes divers et variés, surtout quand trois classes uniques viennent se rajouter à l'ensemble. Might and Magic X Legacy s’offre donc à la fois une profondeur de gameplay certaine et un potentiel indéniable de rejouabilité.

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screenLes débuts ne seront pas faciles et il faudra accepter, même dans le mode de difficulté normal, de recharger assez souvent des parties, voire même de recommencer l’aventure si le groupe de départ n’est pas équilibré. Une forme de leveling est plus ou moins imposée à travers les quêtes annexes (certaines vous imposeront de garder un objet pendant des heures dans votre inventaire avant de trouver son utilité, ou de revenir quelques heures plus tard, votre groupe mieux entraîné !). Lorsque la joyeuse bande aura atteint sa marche de croisière, les combats paraîtront à la fois plus passionnants et moins punitifs.
Les adversaires auront tous des capacités différentes. Un mage ? Soignez votre protection magique et utilisez « Brise-Crâne » permettant d’interrompre pour un tour le lancer de sort. Un gros minotaure ? Réduisez sa valeur d’armure et lancez un sort de protection pour éviter la mort de votre soigneur. Un groupe d’ennemis ? C’est le moment de lancer vos sorts de groupe. Bref, chaque combat a sa propre stratégie. Un bestiaire très complet est là pour vous rappeler les spécificités de chaque ennemi en cas de besoin. L'éventail des sorts et des armes est vaste, la progression dans les niveaux plutôt rapide (pour un RPG old-school), ce qui offre un réel et prenant sentiment de montée en puissance.

screenCependant le système de combat au tour par tour a ses défauts. Le plus gros d’entre-eux est très certainement la dévalorisation des armes à distance. En effet, bien que vous ayez quatre personnages dans votre groupe, vous vous dirigez en vue FPS, comme si vos quatre personnages ne faisaient qu’un. Du coup, votre tank bourrin se retrouvera sur la même case que votre petite elfe archère autant exposée. C’est tout un pan stratégique, celui de la disposition précise des personnages, qui est ainsi englouti. Mais dans l’ensemble, qu’on ne s’y trompe pas : Might and Magic X Legacy reste facilement au-dessus des autres RPG pour ce qui est de son système de combat.

screenLa stratégie oui, mais avec des armes en bois, c’est un peu inutile. Arpenter les commerces ou les donjons à la recherche des meilleures offres ou des meilleurs coffres sera ainsi vivement conseillé. C’est tout un aspect old-school qui incite à des allers et venues (réalises pour les puristes, rébarbatives pour les autres). Les armes et armures doivent être réparées au bout d’un certain temps. Votre personnage meurt ? Il faut impérativement le ressusciter dans une église avant d’avoir acquis le puissant sort de résurrection. Un objet puissant ? Il faudra d’abord l’identifier. Les sorts devront également s’acheter avant d’être appris, et encore, seulement si vous avez acquis le niveau de compétences nécessaires en visitant l’instructeur correspondant. Même chose d’ailleurs pour les armes. Quant à votre vie et à votre mana, ne rêvez pas, ils ne remonteront pas automatiquement. Il faudra donc aller à l’auberge, utiliser des potions ou mieux, conserver quelques « rations » pour pouvoir établir un camp.

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screenC’est un vrai voyage dans le passé. Mais ce n’est pas non plus radicalement old-school. Dans Baldur’s Gate 2, RPG plus grand public de 2001 , on ne pouvait par exemple utiliser un sort qu’une fois par jour ; quand votre personnage mourait, il fallait aller récupérer sur place son équipement ; et lorsque vous preniez le risque de vous reposer dans un donjon, la menace d’être interrompu par des monstres planait toujours. Ce n’est pas donc pas du old-school sans concession, et c’est sans doute plus intelligent ainsi.

Might and Magic X Legacy est un jeu plus profond et plus intelligent qu’il n’en a l’air. Son système de combat, on l’a dit, n’incite pas vraiment à partir à l’aveuglette à la bataille. Mais il est aussi rempli d’énigmes. De vraies énigmes. Spatiales : des puzzles complexes qui interdisent le succès par le hasard. Littéraires : des coffres ne s’ouvrent que si vous en trouvez le mot de passe. A ce propos d’ailleurs, faites attention à la casse ! Par exemple, une énigme d’un coffre était : « Quelles sont les trois lettres qui séparent l’homme du garçon ? ». Il faut bien inscrire « âge » avec l’accent circonflexe, « age » ne fonctionnant pas. On trouve encore de fines références. Par exemple, un boss, un minotaure, que l’on peut trouver dans un labyrinthe, s’appelle Asterion, comme dans la nouvelle de Borges ; et le « manifeste de la Ligue de Karthal » fait directement écho au manifeste « Qu’est-ce que le Tiers Etat ?» de l’abbé Sieyès ». Autant de signes qui montrent que Might and Magic X Legacy ne se destine pas aux simples d’esprit.

screenA l’heure du bilan, la plus grande force de Might and Magic X, son classicisme « PMT » (Porte-Monstre-Trésor), pourra apparaître comme un défaut à d’autres. On pourra aussi trouver un peu facile l’excuse du old-school pour justifier la pauvreté graphique d’un titre vendu 30 €. Heureusement, l’aventure s’annonce vaste (je n’ai pas pu terminer le jeu en une semaine évidemment, mais on peut légitimement estimer la durée de vie à 45 heures environ). Mais encore une fois, Might and Magic X Legacy ne plaira vraisemblablement qu’à un petit groupe de joueurs. De passionnés. Qui garderont à l'esprit qu'il ne s'agit pas là d'un RPG qui veut marquer la décennie. C’est un RPG old-school, et cela suffira à beaucoup. Suranné ? Désuet ? Réac ? Oui, mais, à l'exception des graphismes, la célébration du passé ne devient pas passéisme. Might and Magic X Legacy est ce plaisir de l’aristocrate du RPG, jeu d’initiés, petit salon d’Ancien Régime, heureux dans sa solitude.

 

 

 
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Might & Magic X Legacy (PC)

Plateformes : PC

Editeur : Ubisoft

Développeur : Limbic Entertainment

PEGI : 12+

Prix : 30 €

Aller sur le site officiel

Might & Magic X Legacy (PC)

LA NOTE

LA NOTE DES LECTEURS

note 7/10

 

 

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