Publié le Vendredi 15 février 2013 à 12:00:00 par Alexandre Combralier
Chimpanzés, la critique du film
Le film dans la jungle
Cela fait maintenant 55 ans que Jane Goodall dédie sa vie aux chimpanzés. Après un voyage au Kenya à l’âge de 23 ans, elle a eu ce qu’il faut bien appeler une révélation : sa vie serait désormais consacrée à l’étude de nos cousins primates. N’y voyez pas un ersatz de vendeur de shampoing reconverti dans le documentaire télé. Jane Goodall, non seulement est immensément passionnée par ce qu’elle fait, non seulement est devenue écologiste à une époque où le mot écologie avait pas encore été inventé, mais elle est encore une scientifique de renom. Ses travaux, fruits d’une véritable cohabitation avec les chimpanzés dans leur milieu naturel, ont largement fait avancer notre connaissance à ce sujet.Forcément, pour Disney Nature, au moment de faire un film sur les chimpanzés, on ne pouvait guère rêver de meilleur guide. Après s’être intéressé aux flamants roses (Les Ailes Pourpres, 2008), aux fonds marins (Océans, 2009), aux abeilles (Pollen, 2011) et aux gros minets (Félins, 2011), Disney Nature nous propose donc pour cette année 2013 une plongée dans le monde des chimpanzés.
Une précision des plus importantes : le film est le fruit d’une véritable immersion de trois ans d’une équipe de tournage plutôt restreinte dans la jungle équatoriale de Côte d’Ivoire. Tout, absolument tout ce que l’on voit est donc vrai, sans aucun trucage, sans que les hommes ne viennent s’immiscer une seule seconde dans le royaume animal. Chimpanzés a donc un immense avantage sur bien des films : ce n’est pas une fiction.
On pourrait en conclure qu’il ne s’agit là que d’un documentaire de plus, sans grand scénario, mais fait d’une succession de tableaux plus ou moins sans lien. On aurait tort : le film s’intéresse à un seul groupe de chimpanzés (une petite quinzaine), et plus particulièrement à un petit chimpanzé à qui, suivant les méthodes de Jane Goodall, on a donné un nom. Et la vie de notre héros Oscar est loin d’être paisible dans la terrible jungle. Il y a un fil narratif, un vrai scénario. Oscar grandit avec sa mère qui prend soin de lui (situation initiale) ; puis la mère d’Oscar trouve la mort dans une attaque d’un groupe de chimpanzés rivaux (élément déclencheur) ; Oscar, sans le secours maternel, doit survivre, seul, et trouvera un secours inattendu en la personne du chef du groupe, Freddy, qu’on croyait pourtant froid et distant ; et le film se clôt par une bataille finale entre les chefs des deux clans. Rien d’original pour un Disney. Mais tout cela est vrai. Aucune fiction, rien, nada. On ne ressent donc pas ce genre d’ennui qui peut envahir un esprit lassé à la moitié d’un documentaire animalier sans saveur.
D’un documentaire, Chimpanzés en a pourtant tous les atouts. Divertissement par excellence, le film l’est en ce qu’il nous transporte ailleurs, dans l’épaisse jungle ivoirienne. Le cadre est magnifique et on nous fait merveilleusement voir la magie de lieu vierge de toute trace humaine, Voyage autant que rencontre, Chimpanzés est d’autant plus servi par la qualité de ses images, tournées en très haute définition, qui font au mieux ressortir les nombreux panoramas paradisiaques qui se succèdent. L’ambiance sonore n’est pas en reste non plus, en particulier la nuit.
Quel dommage que la voix-off vienne gâcher ce plaisir. Comme dans tout documentaire, il y a un narrateur, mais ce narrateur narre trop. Que son ton dévie de temps en temps vers un jeu de mot ou une petite blague n’a rien de blâmable, surtout que Chimpanzés doit aussi penser fort justement à ses plus jeunes spectateurs. Mais où est le silence de la jungle ? Il n’y en a pas cinq secondes d’affilée. Quand ce n’est pas la voix-off, c’est la musique, parfois trop envahissante. Chimpanzés aurait gagné à laisser plus d’espace à la simple contemplation, au simple spectacle des chimpanzés dans la vie de tous les jours. L’immersion dans la jungle ivoirienne s’en serait retrouvée grandie. Elle n’en est pas détruite, entendons-nous, loin de là même ; mais la jungle n’est pas un parloir. En ce sens, Chimpanzés pèche donc par un excès de mis en scène, nous détourne d’une réalité qui se suffisait déjà à elle-même.
De même, le mauvais esprit pourrait imaginer que, film Disney oblige, cette réalité aurait encore travestie par une censure des moments les plus crus de l’existence des chimpanzés. Bon, sans aller jusqu’aux célèbres scènes roses de La Vie privée des animaux de Patrick Bouchitey, Disney n’a pas omis de nous faire découvrir que les singes étaient à la fois des guerriers sans pitié et, surtout, des cannibales. Car oui, les chimpanzés mangent d’autres singes : non pas à proprement parler des chimpanzés, mais d’autres singes, plus petits et non pas en rôti ou en lasagnes surgelées, mais bien cru, dès la proie saisie et dépecée. Les chimpanzés se font aussi la guerre, pour des territoires et des ressources. Oui, bon, l’évolution de l’homme a ses limites.
On découvre plein d’autres choses dans le film. Le quotidien des chimpanzés, bien sûr. Quatre moments distincts. La nuit : il faut aller se cacher dans la cime des arbres, car les léopards rôdent en bas. L’épouillage : moment à la fois d’hygiène et de fraternité. La recherche de nourriture : peut-être ce qui occupe et préoccupe le plus un chimpanzé. Et enfin, l’inévitable cassage de noix. Pour ce faire, les chimpanzés utilisent des outils : des gros bouts de bois, qu’ils utilisent comme des marteaux pour ouvrir le sésame. Encore un peu, et ils feront du feu.
Et puis forcément, il y a du comique. Quand ils mangent, quand ils jouent (surtout les plus jeunes), quand ils se volent les meilleurs casse-noix, les chimpanzés font rire, tout simplement. De la tendresse, aussi : l’histoire de Chimpanzés est aussi celle d’une rencontre inattendue entre le gros chef de bande insensible et le petit chimpanzé orphelin, qui sauvera littéralement la vie à ce dernier. Un mâle dominant qui adopte un petit, c’est un fait rare, que Jane Goodall n’avait observé qu’une seule autre fois durant sa carrière.
Avec la voix-off, c’est la longueur du film qui est notre second grand regret : Chimpanzés est court, très court, 1h10 seulement. Un peu plus de scènes aurait été souhaitable. Il y avait pourtant de quoi faire avec le making-of, dont on n’aperçoit que des extraits trop succincts dans le générique (il faudra attendre la sortie en DVD pour en découvrir plus).
En dépit de ses accents trop prononcés de mise en scène qui, s’ils ne sont pas en soi blâmables pour un documentaire qui se veut aussi distrayant qu’un film tout en restant 100% authentique, ont tendance à manquer de modération, Chimpanzés remplit donc parfaitement son contrat : faire plonger, immerger le spectateur dans un monde autre, à la fois inquiétant d’étrangeté et attrayant de naïveté. Et cela, enfin, sans aucune once de propagande mal amenée assommant un discours écologiste potentiellement lourdingue. Ce qui n’est, en y repensant, que plus porteur. L’homo sapiens aura-t-il donc la mort d’Oscar sur la conscience ?
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Chimpanzés, la critique du film
Plateformes :
Editeur : The Walt Disney Company France
Développeur : Mark Linfield, Alastair Fothergill
PEGI : 3+
Prix : Cinéma
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