Publié le Mardi 18 mai 2010 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
Du djinn pur
C’est amusant comme avec certaines previews, on peut se rendre compte de la qualité finale d’un jeu. Pas la peine de jouer des heures. Un petit niveau suffit. Et vous savez que vous aurez, entre les mains, une merde ou une merveille. C’est au choix du développeur.
Mais si certaines previews laissent tout présumer d’un jeu, d’autres, par contre, ne recèlent pas le dixième de la quintessence d’un jeu. Ce qui est doublement amusant, c’est quand il s’agit d’un jeu de plateformes. Parce qu’à la base, un jeu de plateformes, c’est idem de A à Z. Du niveau 1 au niveau final, vous n’avez que d’infimes variations. Autant dire que la preview peut limite faire office de test.
Et ce qui est triplement amusant, c’est quand il s’agit de Prince of Persia dont, pourtant, la preview nous avait quand même emballé.
Bref, j’ai vraiment énormément aimé ce Prince of Persia. Dans un brillant retour à leurs origines, les développeurs de chez Ubi ont réussi à donner une nouvelle jeunesse, un nouveau souffle épique, à leur licence.
Le Prince est en balade, seul, à cheval, pour aller voir son grand frère Malik. Manque de bol, la cité du frangin est assiégée par des hordes ennemies. Du genre nombreuses, les hordes. Et sauvages, également. A tel point finalement que les armées de Malik sont submergées. La ville va tomber. Votre arrivée n’y changera rien. Et même si vous sabrez de l’assaillant avec l’aisance d’une hirondelle dans un marais infesté de moustiques, cela n’y changera rien. Vos adversaires sont trop puissants, trop nombreux, il faut faire une croix sur la ville.
A moins que…
Malgré le fait que vous n’êtes pas spécialement chaud pour, votre aîné décide de libérer les armées du Roi Salomon.
Mais la mémoire des hommes est ce qu’elle est : mauvaise et manipulatrice. Il ne s’agit absolument pas de l’armée du Roi Salomon, mais une armée maudite, menée par un Djinn orange plutôt corsé, et qui transforme toute personne sur son passage en statue de sable. En fait, fallait mieux lire les petits caractères sur le contrat : l’armée était emprisonnée sous la surveillance du tombeau du Roi Salomon. Le prince et son frangin récupèrent une moitié chacun du médaillon ayant permis de relâcher cette armée des ténèbres. Tant mieux, ce médaillon vous protègera des ennemis. Ou du moins vous empêchera de devenir à votre tour un perchoir pour pigeons.
Mieux encore, ce médaillon emmagasine l’énergie des ennemis vaincus pour vous apporter au fur et à mesure plus de puissance.
C’est alors qu’un autre Djinn, ou plutôt une Djinnesse, puisque c’est une demoiselle, vous apprend qu’il faut réunir les deux moitiés et refermer le portail sinon…
Avec trois petits points qui veulent en dire long sur la souffrance, la destruction du monde, l’apocalypse, les ténèbres, et du Christophe Maë en boucle jusqu’à la fin des temps.
Seul petit souci : Malik n’est pas chaud pour vous refiler sa moitié de médaillon. Pire. Il va s’opposer à vous. Et le salut de l’humanité réside peut-être dans votre capacité à perpétrer un fratricide…
Revoilà Prince of Persia. Version oldie. Autrement dit, exit l’enturbanné façon clodo du désert qui refusait de se battre et voyait des esprits en cellshading partout. Ne vous méprenez pas, j’ai aimé le dernier épisode sorti en 2008. Mais là, de suite, maintenant, on retourne à nos premières amours. Enfin, presque. Parce que pour être tout à fait précis, nos premières amours étaient un joli monticule de pixels en turban merveilleusement bien animés. Mais là, je parle de nos précédentes amours. Celles qu’Ubi a livré avec la trilogie des Sables du Temps : Les Sables du Temps, L’âme du Guerrier et Les Deux Royaumes. Vous jouez donc un Prince cheveux mi-longs qui claquent au vent, déambulant dans son armure de cuir sans manche. Un mélange de virevoltes dans les airs et de combats.
Et de la virevolte, il va y en avoir : sauter d’un mur à l’autre pour monter, glisser sur des pentes, éviter des haches, des poteaux mouvants plein de lames acérées, des scies circulaires qui se baladent sur les murs, sauter de barre fixe en barre fixe, crapahuter le long des corniches, courir sur les murs horizontalement ou verticalement pendant un court laps de temps, sauter de colonnes en colonnes… le souvent mélangé pour des combinaisons improbables : courir sur un mur, sauter sur une barre fixe, ressauter sur un mur, grimper, sauter sur un pilier, sauter sur une corniche… et j’en passe et j’en oublie. Vous combinez les parcours acrobatiques de folie.
Parfois, des ennemis viennent s’interposer. Une dizaine maximum… au début. Pour finalement combattre des armées entières. Il y a des squelettes simples, d’autres armés de boucliers, des taurochs géants, des squelettes en armure lourde, et, forcément, des boss de fin de niveau. Pour peu qu’on puisse parler de niveau puisque le jeu se joue d’une traite, sans chapitrage.
Il y a donc ce mélange somptueux et savoureux de la fureur des combats, avec de petits bonus et de petites variantes plutôt excitantes.
Au fil du jeu, par exemple, vous obtiendrez la possibilité de « geler » l’eau pendant quelques secondes, et de la dégeler à loisir. Ce qui offre des combinaisons encore plus géniales. Sauter sur un filet d’eau transformé en colonne de glace… puis sauter sur le suivant… courir sur les murs d’eau transformés en glace…
Maintenant, imaginez que deux jets d’eau ne s’allument que simultanément…
Il faut geler le premier, sauter dessus, sauter sur le suivant et dégeler l’eau pendant que vous êtes en plein vol pour que le deuxième jet s’allume, puis la regeler au moment où vous allez attraper le second jet d’eau… et j’en passe.
Ajoutez un pouvoir pour faire « apparaître » les portions d’une salle qui existaient naguère mais qui n’existent plus. Les faire apparaître une à une seulement… Là encore, vous devez par exemple grimper deux murs « souvenirs ». Il faut faire apparaître et grimper sur le premier en courant verticalement, sauter vers le second et le faire apparaître avant d’aller dessus (ce qui fait disparaître le premier), grimper, ressauter sur le premier qu’il faudra alors faire réapparaître…
Tout est une question de timing, en fait. Prince of Persia est un jeu de rythme.
Et quand vous mélangez tout ça , sachez qu’il vous en faut, du rythme. Et un sacré. Parce que sauter d’une corniche vers un filet d’eau transformé en glace mais pas trop tôt pour avoir le temps de traverser la chute d’eau, puis ressauter, lâcher le bouton du pouvoir de glace pour traverser le second rideau d’eau et appuyer rapidement sur le bouton pour faire apparaître une portion d’une corniche « souvenir »… vous enchaînez les pouvoirs, les acrobaties, et parfois… ça fait mal aux mains. Mais qu’est-ce que c’est bon !
Sachez enfin que vous aurez à nouveau le « pouvoir des sables du temps » qui vous permettra de revenir quelques instants en arrière pour corriger un saut raté ou une mort prématurée. Et si vous mourrez quand même, vous reviendrez au dernier checkpoint (assez proche généralement).
D’autre part, l’énergie emmagasinée en tuant des ennemis vous permettra d’acquérir certains pouvoirs : sort de glace, boule de feu, projection… voire augmenter vos dégâts normaux ou pour vos coups puissants, augmenter votre jauge de vie ou votre nombre de « sables du temps ».
Alors Prince of Persia n’est pas dénué de défauts. Certes.
On citera quelques « bugs » de placement suite à des retours dans le temps qui vous placent, du genre à un mètre de la corniche. Avec parfois un beau freeze au bout… Et entre nous, quand le djinn freeze, ça saoule.
On parlera d’une IA loin d’être remarquable côté ennemi, voire une certaine lenteur de déplacement qui facilite parfois un peu trop la tâche.
Mais Prince of Persia a une nouvelle fois cette saveur inoubliable d’acrobaties géniales, d’enchaînements délirants, qui vous donnent des suées au sens premier du terme. Sans être difficile, sans être particulièrement retord, ce jeu a une classe monumentale et un rythme extraordinaire. Ajoutez un level design de folie et vous aurez entre les mains un excellent jeu, tout simplement. Enfin, sachant que le graphisme est plutôt beau, l’animation fluide, et l’ambiance vraiment captivante, vous auriez vraiment tort de passer à côté. Même si le Prince a une belle tête de blaireau.