Publié le Mardi 14 mai 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

A Plague Tale : Innocence (PC, PS4, Xbox One)

Chef d'oeuvre

On l’espérait secrètement. Les dernières vidéos nous remplissaient d’espoir. A chaque évocation de son nom, la commissure des lèvres se soulevait, comme un petit rictus destiné à porter chance, comme la promesse de lendemains heureux…
Mais on avait quand même peur de la déception. Parce qu’ils sont légions, ces jeux alléchants dont on n’a pu, au final, rien lécher. Parce qu’on pourrait remplir des dictionnaires avec nos désillusions, et nos espoirs brisés…

Heureusement, A Plague Tale Innocence rejoint la courte liste de nos coups de cœurs. Et c’est un jeu français. Alors cocoricobordel.

Et pourtant, le jeu n’est pas dénué de défauts. Quelques bugs bien visibles. De collision. De déplacement. Des visages parfois un brin figés. Des animations parfois un brin trop raides. Une IA ennemie capricieuse qui parfois vous remarque alors que vous êtes bien cachés, d’autres fois qui ne vous voit pas alors que vous passez dans son champ de vision. On pourra aussi citer une incohérence par-ci par-là. Un système de craft (récupération et utilisation des objets) perfectibles, parfois même un brin frustrant. On pourrait même lui reprocher une certaine linéarité, le jeu n’offrant quasiment aucune liberté de mouvement ou d’exploration. Bref, il y a tout un tas de choses qui pourraient faire détester A Plague Tale Innocence. Et le jeu, pas parfait techniquement, ne plaira pas à tout le monde. C’est certain. Mais ces défauts n’ont pas réussi à nous décourager ou nous détourner du jeu. Et nous avons sombré dans les affres d’une histoire passionnante.


Nous sommes au milieu du XIVème siècle. Amicia De Rune a 14 ans et elle aime passer du temps avec son père, à parcourir la forêt. Elle a des rapports plus froids avec sa mère, Béatrice. Cette dernière s’occupe quasiment exclusivement de son fils, Hugo, très malade. Amicia connait peu ce petit frère qui reste cloitré dans ses appartements.
Lorsque l’Inquisition débarque dans le domaine des De Rune et massacre toute sa famille, Amicia se retrouve seule, en charge de ce frère qu’elle connait à peine. Tous deux fuient dans l’espoir d’atteindre la maison de Laurentius, le médecin qui aidait Béatrice dans ses recherches pour soigner Hugo.

Mais l’Inquisition et ses soldats, lancés à leurs trousses, ne sont pas les seuls dangers que les enfants vont devoir affronter : la peste ravage le pays et des hordes de rats se déchaînent sur les êtres vivants, les engloutissant avidement. La guerre contre les anglais fait rage également… les cadavres s’amoncellent et nourrissent la vermine qui pullule. Tandis qu’un mal plus sournois, sombre et maladif, semble émerger de terre…

Vous allez diriger Amicia. Et traverser des contrées inhospitalières en tenant dans votre main celle de votre petit frère. Autant dire que les options sont assez restreintes : A Plague Tale Innocence est un jeu de furtivité et de puzzles avant tout. Et même si à de rares moments, vous devrez affronter des ennemis, armée de votre seule fronde, la majorité de l’action se concentre sur la manière d’éviter les gardes et repousser les rats. Vous pourrez lancer des pierres sur des objets métalliques ou lancer des pots en faïence qui se briseront avec bruit pour attirer les adversaires et détourner leur attention, le temps de passer. Vous pourrez aussi parfois briser leur lanterne qui faisait fuir les rats pour qu’ils se fassent dévorer. Ou simplement attendre qu’ils s’éloignent, pour certains. Quant aux rats, craignant l’eau et la lumière, attirés par la viande, il faudra tour à tour sacrifier un jambon (parfois vivant…) et allumer des braseros, quand ce ne sera pas simplement les repousser avec une branche enflammée… branche qui s’éteint peu à peu entre vos doigts…


Le jeu est une succession de ces petits puzzles qu’il faut résoudre. Pas spécialement difficiles, d’ailleurs, parfois un peu redondants également. Si certains vous demanderont un brin de réflexion, c’est généralement parce que vous aurez raté un truc ou pas vu un objet nécessaire à leur résolution. Mais globalement, le jeu n’offre pas un grand challenge. Peu importe. Ce n’est pas son but.

Enfin, vous récupèrerez quelques ingrédients ou munitions (des pierres) et pourrez ainsi améliorer votre fronde ou encore agrandir votre sac pour transporter plus d’objets. Rien de compliqué, rien d’insurmontable… A Plague Tale Innocence est un jeu facile, relativement basique et dont on parcourt les chapitres assez rapidement, au final.

Seulement voilà. Le jeu offre une ambiance tout à fait exceptionnelle. Porté par une bande son absolument sublime et magistralement maîtrisée, A Plague Tale Innocence vous scotche dès les cinq premières minutes pour ne plus vous lâcher. Une histoire prenante, rythmée avec soin, se déroule et vous happe jusqu’à la fin. L’ambiance, servie par des décors inspirés des peintres du XVIème siècle et XVIIème siècle, est subjuguante.

C’est beau, c’est captivant, c’est parfois malsain, immonde, repoussant… on frissonne, on a peur, on a envie d'aller plus loin... vous allez découvrir ce que le jeu vidéo a de meilleur : du plaisir, de la découverte, un voyage, une aventure. 

A Plague Tale Innocence est avant tout un jeu solo dans toute sa splendeur : il vous fait découvrir une histoire. Une histoire humaine. Un morceau de désespoir au milieu du chaos, à la recherche d’une lueur d’espoir, un mince filet de lumière. Et tandis que nos héros sont ballotés d’une tragédie à une autre, on souffre avec eux, on vit l’aventure avec eux, on a mal avec eux.

Bref. Loin d'être parfait, bourré de petits défauts, A Plague Tale Innocence n'en est pas moins un pur chef d'oeuvre. Et ça fait un bien fou.