Publié le Vendredi 18 juin 2010 à 12:00:00 par Pierre Le Pivain
Les doigts dans la prise !
Quel article difficile que celui dont vous avez à peine commencé la lecture. Difficile à écrire, parce que partant d’un avis très mitigé sur le premier volume du jeu Assassin’s Creed, que pourtant beaucoup de joueurs et confrères de le presse jeu vidéo ont encensé. Pour rappel, et en passant outre des libertés scénaristiques autour de la secte des assassins qu’ont pris les scénaristes du jeu, je lui reprochais une trop grande répétition de gameplay, et des maladresses narratives qui avait transformé, à mon sens, une bonne idée de jeu en quelque chose de tout juste passable.
Que dire du deuxième volet ?
On va dire que « ça commence bien ». Les premières minutes du jeu nous permettent de constater que les développeurs ont mis en avant ce qui manquait dans le premier opus : un certain affinage dans nombre d’actions. Ici, le combat à mains nues est mieux développé. Là, on peut s’autoriser à désarmer les assaillants…. Les exemples sont nombreux. Le personnage peut vraiment mettre à profit son environnement proche pour réussir ses missions, et c’est globalement tant mieux. Par ailleurs, la quête principale est assez bien fournie pour épargner au joueur de s’enfermer dans la routine du remplissage de missions secondaires. Ces dernières ont donc un aspect beaucoup moins obligatoire que ce qu’on avait vu dans le premier opus d’Assassin’s Creed et c’est globalement tant mieux. Reste une petite ombre à ce tableau (tout du moins au niveau du gameplay) et je pense notamment aux phases de jeu qui consistent à entrer dans les tombeaux des assassins disséminés dans le jeu. L’ensemble est très plate-forme… trop, serait-on tenté de dire. Là on se pose une question fondamentale. Pourquoi je joue à Assassin’s Creed ? Réponse : pour assassiner des gens (virtuellement, bien sûr). La jubilation du jeu réside surtout dans ses combats, dans lesquels on se réjouit de pouvoir faire mal au-delà de simplement estourbir… Là-dessus rien à dire, les gens d’Ubisoft ont vraiment trouvé un gameplay transgressif et novateur option « entretien du sadisme naturel mais inavoué du joueur » . Pourquoi ces phases de jeu type Plate-forme ? Si le joueur veut de la plate-forme, il joue soit à Tomb Raider, soit à Prince of Persia, bon sang ! Ces phases de jeu ont une furieuse tendance à « casser » l’ambiance globale du jeu, faite d’intrigues, d’assassinats, et de meurtres… Ne venez pas mettre de la plate-forme là où on n’en a pas besoin : ces phases de jeu n’amènent absolument rien à l’ensemble du gameplay.
Par la suite, les choses se compliquent…
Tout commence par l’avertissement de début de jeu.
«Inspiré d’évènements et de personnages historiques réels. Cette œuvre de fiction a été conçue, développée et produite par une équipe multiculturelle de confessions et de croyances diverses. » Finalement, tous les problèmes de jeu, de gameplay, et de conception d’Assassin’s Creed II tiennent dans cet avertissement, et celui-ci en est tout autant une cause (de problèmes) qu’un symptôme (de problèmes aussi).
Cause, parce que sous prétexte de vouloir désamorcer tout problème lié à un quelconque fanatisme religieux qui prendrait mal les propos du jeu, on passe à côté de l’information véritable du message. C’est un œuvre de fiction… Les faits ont beau être réels, il n’en demeure pas moins que l’interprétation qu’en donne le jeu est un vaste mensonge. Tout est hélas là… Lorsqu’on veut raconter un mensonge, il faut bien s’armer, et Assassin’s Creed II s’arme bien mal, puisque s’inspirant de personnages réels, le scénario s’appuie sur des contre-vérités effarantes… lorsqu’on construit un mensonge, on peut s’appuyer sur des personnages réels, mais surtout jamais, ô grand jamais, imposer des contre-vérités… Si on fait ça, on transforme une histoire intéressante en machin ridicule, et ce ne sont pas les extraterrestres de la fin de jeu qui le rendent ridicule, mais bel et bien les contre-vérités qui fleurissent un peu partout dans le jeu.
Lorsqu’on nous explique que
« les templiers sont les méchants, et nous sommes les gentils » on se dit que les scénaristes ne se sont pas vraiment cassé la tête, et qu’ils ont rangé le scénario dans un schéma manichéen que même George W. Bush n’aurait même pas osé imaginer. Lorsqu’on voit des types qui se réunissent dans un clocher et qui récitent la « règle » des assassins expliquant qu’ils « défendent l’équilibre du monde » on hurle de rire devant une telle connerie. Le seul équilibre que les assassins toléraient, c’était le leur : à savoir une règle de vie extrêmement exigeante basée sur des principes propres aux sectes de tout temps… Et celui qui ne voulait pas suivre ces préceptes, on le zigouillait au couteau. Les Assassins étaient des sales cons intégristes et rien d’autre, Saladin l’avait bien compris dès la formation de cette branche radicale dans ses actes, et le mouvement est mort de lui-même, faute de ne pouvoir fédérer les populations locales et les faire adhérer à leur cause.
Lorsqu’on voit comment le cas de Jérôme Savonarol est « expédié » on est bouche bée devant la simplicité de la chose, alors que l’univers d’Assassin’s Creed autorisait un peu plus d’assassinats et d’infiltrations pour, justement, pouvoir traiter le procès de Jérôme Savonarol, carrément passé aux oubliettes pour la circonstance (la seule chose exacte, finalement, c’est que Machiavel était bien présent sur la place, lorsque Savonarol brûlait sur son bûcher).
Et lorsqu’on apprend, tout à la fin du générique de fin du jeu, que le Soleil est instable, que les vents solaires vont affaiblir le champ magnétique de la Terre, et que les pôles « risquent » de s’inverser, on est proche de l’arrêt cardiaque devant la grossièreté de la supercherie.
Régulièrement, la rotation du noyau ferreux de la Terre, générant le champ magnétique de celle-ci, engendre justement un phénomène d’inversion des pôles ce qui, pendant une longue période, provoque un affaiblissement dudit champ magnétique… Ce phénomène d’inversion des pôles a déjà commencé, plusieurs zones du Pacifique présentent des anomalies dès qu’on essaie de se servir d’une simple boussole. En substance, les scénaristes nous annoncent déjà que, pour le troisième volet d’Assassin’s Creed, ils se sont complètement planté dans la mesure où il n’y a aucun lien de cause à effet entre une étoile et le champ magnétique d’une planète, et que ça ne servira à rien d’essayer d’éviter un phénomène qui a déjà eu lieu plusieurs fois dans l’existence de la Terre… Bref… Beau plantage, parce que mélange des causes et des effets.
Construire un jeu, ou un film, c’est aussi construire un mensonge. Les scénaristes auraient dû plus se pencher sur les œuvres d’Umberto Eco (le Pendule de Foucault, Le Nom de la Rose) et de Francis Ford Coppola (la Trilogie du Parrain, Dracula) pour, justement, se servir d’évènements et de personnages ayant existé, et surtout veiller à ne rien changer de ce qu’il s’est réellement produit pour construire l’histoire du jeu en évènements connexes plus poussés que ce dont à quoi nous avons eu droit. Le mensonge, ici, ne tient pas, parce que les créateurs de l’histoire sont partis sur des contre-vérités démontables en deux coups de cuillère à pot… L’histoire du jeu devient alors soit risible, soit anecdotique, et le jeu part dans les oubliettes du placard à balais, et devient tout sauf une référence. La première solution consisterait à mettre à plat le scénario, le faire lire par des gens qui s’y connaissent dans chacun des domaines concernés, relever les points faibles, et faire en sorte de les gommer. La seconde solution consisterait plus simplement à écrire cet avertissement : « Ce jeu est basé sur des évènements et des personnages ayant réellement existé, mais construit sur des théories fausses : nous ne visons qu’à vous amuser à travers une fiction fantaisiste ».
Alors… Assassin’s Creed II est-il un bon jeu ? Indubitablement, Assassin’s Cred II est un jeu réussi… La meilleure preuve, c’est qu’il se vend. Ubisoft n’a pas vraiment de souci à se faire sur cette licence, et je pense que les avis sur son scénario que j’écris ici ne seront pas pris en compte par l’éditeur (ce qui est bien dommage)… Maintenant, pour répondre à la question, la réponse est : « non, Assassin’s Creed n’est pas un bon jeu ». Pas mauvais non plus, hein… Y a de l’amusement, ce qui pour un jeu vidéo est plutôt une bonne chose… mais ce n’est pas un bon jeu non plus. Désolé.
PS : on n’a toujours aucune nouvelle du
stylobille volé dans le premier épisode d’Assassin’s Creed. Si vous le croisez, dites-lui de nous écrire, histoire d’avoir de ses nouvelles, et de savoir à quoi il servait dans le premier jeu.
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