Publié le Vendredi 22 mai 2009 à 20:00:00 par Pierre Le Pivain
Le jeu vidéo va-t-il devenir encore plus chiant ?
Il y a des jours où je pense à une légende… Ou bien cela n’en est peut-être pas une, mais quoi qu’il en soit, je trouve que ce que l’on peut en tirer revêt un intérêt particulier en ce qui concerne le jeu vidéo. La « légende » en question est celle qui a poussé Tex Avery à arrêter de faire des dessins animés… En gros, il ne se marrait plus… Donc, il a arrêté… C’est un peu comme Pierre Moulinier qui s’est tiré une balle dans le caisson parce qu’il ne pouvait plus bander, mais en moins extrême. Donc, si je rapproche l’anecdote de Tex Avery au jeu vidéo, je peux dire que j’ai arrêté de faire du journalisme à propos du jeu vidéo, parce que le jeu vidéo ne m’amusait plus.
Je me demande si ça ne date pas de l’époque où Nintendo annonçait sa console « Revolution » qui allait porter le triste nom urinaire de « Wii ». Ce concept, qui se voulait novateur, m’a laissé complètement froid. Je ne voyais qu’un prolongement de la console DS, mais qui allait atterrir sur la télé du salon, le ridicule du « souffler dans le micro » remplacé par le ridicule du geste digne d’un syndrome Gilles de la Tourette, qui tournerait en simulateur de distributions de baffes à son voisin… Je rigole, je rigole, mais lorsque j’ai vu mes voisins découvrir la puissance de la console Wii, au soir de Noël dernier, ayant eu le malheur de regarder à la fenêtre de leur salon, j’ai vraiment eu l’impression d’avoir affaire à une paire d’autistes en pleine crise.
Avant, on passait pour un débile en parlant tout seul dans la rue, le téléphone portable nous a fait comprendre que parler tout seul dans la rue était un signe social fort. Aujourd’hui, gesticuler de la danse de Saint Guy dans son salon n’est plus une maladie honteuse, c’est le signe qu’on sait s’amuser entre copains, de manière conviviale.
J’attendais du jeu une expérience plus immersive… Pas une espèce de motif ou d’excuse qui permettait de dire
« grâce au jeu vidéo on fait du sport » ou encore
« grâce au jeu vidéo, on est moins crétin » (on remerciera cette enflure de Kawashima qui a fait croire à tout le monde que son test débile était bon pour soigner les troubles du cerveau avant qu’ils ne se révèlent, s’ils se révèlent un jour, évidemment). Entre la sortie de la DS et de la Wii, j’ai commencé à me dire que le jeu vidéo allait me faire chier.
Le drame, c’est que vu le succès de la DS et de la Wii sur le marché des consoles, tous les développeurs se sont dit qu’il y avait là un filon à exploiter… Du coup, les titres tous différents, mais au gameplay particulièrement similaires (pour ne pas dire identiques) se sont multipliés comme des petits pains par un Jésus qui aurait délégué ses pouvoirs à une photocopieuse à haut rendement. C’était pour moi la fin : finie l’excitation de la nouveauté devant les titres, d’un jeu à l’autre, c’était du réchauffé.
Certes, ce réchauffé là, j’en avait eu déjà un avant-goût devant le manque d’originalité des titres PC qui se cantonnaient, dans 99% des cas, à trois familles de jeux, à savoir, le jeu de stratégie temps réel, dans lequel l’art du raccourci clavier avait remplacé l’art de la tactique, le jeu de tir à la première personne, révélateur de geek con, et le mmorpg, qui avait réussi, en un tour de main, à transformer le jeu de rôle en chose vide sans saveur, et surtout, en simulateur de micro management répétitif, à fort potentiel Pavlovien .
En dehors que quelques rares titres, le jeu vidéo allait faire chier un grand coup. Pour moi, l’horizon était (et est actuellement toujours) ailleurs.
Mais bon, c’est vrai que si l’on se penche sur l’histoire du jeu vidéo, il faut mettre en avant une période trouble de ce média. Cette période durant laquelle les développeurs avaient trouvé un moyen magnifique pour vendre des produits à la ménagère moyenne, qui, abreuvée aux émissions télévisuelles de Mireille Dumas, avaient un besoin impérieux de se donner bonne conscience en achetant des jeux pour le petit, à l’occasion de son anniversaire, ou de son Noël.
Et c’était chiant ces jeux ! C’est rien de le dire… En fait, pour se rendre compte, il faut essayer d’y jouer… Faites moi confiance pour ceux qui ne connaissent pas : c’est le sommet du rasoir… Notez que la période reine des jeux Ludo-Educatif a duré plutôt longtemps. D’aussi loin que je m’en souvienne, j’avais de ces étrons dans mon vieil ordinateur Sanyo PHC-25… Mais, justice céleste, cette période du jeu ludo éducatif a connu une grosse mise en sommeil à la mort de l’éditeur Cryo, roi du monde avec des trucs soporifiques comme Versailles ou encore Chine… Si, si… C’était chiant… Vraiment… Pour avoir participé aux soluces de ces deux titres, et pour avoir fait les soluces d’Atlantis, je confirme : Cryo faisait des jeux chiants.
Très chiants…
Arrivé à ce moment du texte, le lecteur averti se demande « mais où est-ce qu’il veut en venir, ce rédacteur de mes gonades ? ». En fait, je suis venu ici, avec mon bâton de devin, pour faire une prédiction apocalyptique ( du grec « Apokalypsis » : révélation). Demain, les jeux vont être encore plus chiants que ce qu’ils sont actuellement.
Je m’explique… Connaissant la capacité des éditeurs et développeurs à essayer de prendre l’argent où il se trouve, il y a fort à parier que l’habitude qu’ils ont prise à développer à outrance sur les mêmes plates-formes va se combiner avec un développement outrancier de jeux ludo-éducatif sur ces dites plates-formes. La raison ? Elle est simple :
« Nathalie Kosciusko-Morizet prévoit 30 millions d’euros pour le Serious Game en France : Appel à Projet en septembre ! …/… La secrétaire d’Etat à la prospective et au développement de l’économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, a présenté mercredi 6 mai en Conseil des ministres une série de mesures formant le volet numérique finalement ajouté au plan de relance.../… La première prévoit l’attribution de 30 millions d’euros, sous forme d’appel à projets ou de commandes publiques, aux 300 entreprises du secteur du jeu vidéo dans le domaine du serious gaming ou « jeux sérieux. Nous lancerons l’opération en septembre et arrêterons notre sélection des projets en décembre, pour des premiers investissements début 2010 ». C’est dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la défense, de la sécurité civile et du français comme langue étrangère que seront commandés ces jeux sérieux. (source
Jeuxsérieux.fr)
Déjà, placer dans la même expression les mots « Serious » et « Games » fallait oser ! Mais en plus, foutre 30 millions d’euros la dedans !... Il y a vraiment de quoi se la prendre et se la mordre, en ces temps de restrictions budgétaires annoncées.
En gros, il s’agira de créer des jeux vachement sérieux qui consistent à faire réfléchir tant sur les problèmes de société actuels, que sur les problèmes de sociétés futurs et passés… C’est le grand retour du jeu « ludo-éducatif », mais comme « ludo-éducatif » c’est assez lourd en matière de souvenir douloureux, on va rebaptiser ça « Serious Game ».
Et là, quelque chose est sûr : on va vraiment se faire chier, tant chez les joueurs, que chez les développeurs…
Seuls les éditeurs ayant pu palper de cette subvention seront contents : il auront gagné à leur petit jeu du « je touche la thune du gouvernement »
Mais bon… Cette prophétie n’engage que moi…