Publié le Dimanche 21 août 2022 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
L'Edito du Dimanche
Ordre et beauté, luxe, calme et volupté
Les vacances sont terminées. Oui, je reviens de deux semaines à me la couler douce sur la plage ; à faire bronzer mon corps de rêve, à oindre d’huile solaire mes muscles saillants ; à plonger avec grâce, mais aussi avec une pointe de férocité digne d’un conquérant des flots, dans la mer ; à fendre les flots parfois tumultueux avec fougue, tel un athlète imperturbable face à la colère des vagues…Bon, j’en fais peut-être un peu trop. Mais à peine.
Je vous sens impatient de connaître mes aventures estivales, captivés par mes récits d’éclatage de mômes brailleurs sur le sable, de paddliste imprudent, de clopeur égoïste, bref, de n’importe quel énergumène susceptible d’atteindre à la quiétude de mes congés.
Et bien non. Rien. Je n’ai strictement rien à vous dire. Parfaitement. Pas un parasol planté dans le pied d’un imprudent, pas de raquette de plage enfoncé dans la bouche d’un pénible, pas même un caillou lancé avec adresse dans l’œil d’un casse-couilles. Ça a failli. J’avoue. Le vendeur de beignets qui jouait mal d’une guitare désaccordée sur la plage pour vendre ses merdes à des gamins déjà trop gras, il est passé à peu de chose de prendre une caillasse dans les gencives. Sans l’intervention de ma douce, tendre et aimante épouse qui m’a retenu le bras, il aurait pu boire à la paille sans desserrer les dents. Mais ça aurait été mérité. Être réveillé par des « schboing achetez mes beignets klangklang ils sont bons mes beignets (rime riche) schlongwiing pour votre goûter klongklong et les chouchous aussi (rime… euh…) schboingklang » ça donne envie de le fourrer avec ses marchandises et encore, sans ouvrir les pots. Mais bon. Sur l’insistance de ma douce, tendre et aimante épouse, j’ai ravalé ma colère et mangé mon caillou.
Rien, je vous dis. J’ai passé des vacances pépères. Limite des vacances de vieux. Même sur le marché, j’ai été d’une discrétion absolue. Je n’ai même pas levé la main ni ouvert la bouche face au stand de melons de Cavaillon… venus en réalité tout droit d’Espagne. Je suis passé stoïque devant le stand d’huile d’Olive de Provence en provenance de l’Union Européenne. Je n’ai pas bougé un œil devant le stand de savon de Marseille de Chine. Rien. Que dalle. J’ai joué le parfait rôle du touriste de base.
Dans les bars, je n’ai ni prononcé ni évoqué le mot « sodomie » face aux cocktails à 14 € ou au steak-frites à 25 €. « Ah oui mais y’a la vue sur la mer, ça change tout, ça vaut bien un supplément ».
Mieux encore : à la supérette du coin, j’ai laissé la dernière bouteille de rosé buvable à une petite vieille et je lui ai même attrapé tout en haut de l’étagère, inaccessible pour elle. Je me suis contenté de ma petite bouteille de Ricard, 4 à 5 € plus cher qu’ailleurs et ma petite barquette d’une tapenade douteuse certes « faites maison » mais que l’on n’achèterait sans doute pas si on voyait la gueule (et la provenance) des olives. J’ai même été à deux doigts de m’offrir des tongs. Ou pire, des claquettes. C’est vous dire à quel point je suis rentré dans le moule. Et quel moule.
J’ai croisé des Allemands qui parlaient trop forts, des Néerlandais qui se croyaient tout permis, des enfants d’Allemands qui ont pris ma serviette de plage pour un banc public, des enfants de Néerlandais qui éclaboussaient sans vergogne tout le monde dans l’eau. Je n’ai rien dit. Rien fait. Je vous dis que j’ai passé des vacances pépères, comme le péquin lambda, à juste profiter de l’instant, du soleil, de la mer et à dorer mon cul sur la plage. C’est une expression, bien entendu, puisque ledit cul est totalement blanc par rapport au reste du corps.
Sans rire, vous m’auriez croisé sur la plage, vous ne m’auriez pas reconnu, noyé dans la masse touristique que j’étais.
Ben franchement… je me suis fait chier. Observer un tel ramassis de cons, c’est insupportable. J’avais les phalanges qui me démangeaient grave et le coup de boule prêt à partir. Totalement intenable. Putain, l’année prochaine, je mets les bouchées doubles. Vous n’aurez pas intérêt à croiser mon chemin. Ça va être une déferlante. Un tsunami. Une boucherie estivale. Je vais être l’Attila de tous ces petits et grands merdeux qui ne respectent rien ni personne. Derrière moi, plus rien ne va repousser. Je vais éduquer dans la violence. Remettre dans le droit chemin à grands renforts de sévices et tortures physiques. Y’a que ça qui fonctionne, en fait.
Bref, vivement l’été prochain.
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