L'Edito du dimanche

 

Publié le Dimanche 20 octobre 2019 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Montjoie, rue Saint-Denis !

Dans un petit patelin, près de chez moi, ils organisent une grande fête médiévale. Défilé en costumes, tir à l’arc, démonstrations de métiers médiévaux, démonstrations de danse… le temps d’une journée, vous faites un voyage de plusieurs siècles en arrière pour découvrir ce que cette époque avait de plus chouette et formidable, les guerres, les pillages, les viols, la famine et la peste en moins.

Une amie de ma femme lui a proposé de se joindre à elle pour fêter l’évènement. Elle a donc tenté de me convaincre d’y participer aussi : « C’est médiéval, tu vas voir, c’est fantastique ! ».
Comme moi, le médiéval-fantastique, j’aime bien, j’ai dit oui.
C’est quand j’ai expliqué à ma femme que j’allais tuer le chat des voisins pour m’en faire un pagne à la Conan, qu’elle a compris son erreur. Et qu’elle avait d’ailleurs sans doute fait une connerie en me parlant de cet évènement.
« Tu m’as mal comprise. C’est médiéval tout court, pas médiéval-fantastique » a-t-elle précisé.
Bon. J’étais déçu, mais je me suis dit qu’après-tout, mettre des coups de tête aux enfants quand on a une armure, ça pouvait le faire aussi.
« Il y a une association qui loue des costumes pour l’occasion, on va y aller » a-t-elle ajouté.
Et voilà comment, par un bel après-midi d’automne, nous partîmes dans notre beau carrosse diesel HDI FAP, tiré par 115 chevaux, pour débarquer au milieu de gens persuadés que la mode en 1250 était quand même vachement plus cool.

Résultat, je me suis retrouvé au milieu de rangées interminables de fringues parmi lesquelles mes gamines et ma femme couraient en poussant des « hiiiiiiiiiiiiiii » agrémentés de « cétroooooobooooo » ou de « jveucellelààààààààààà ».
Tandis qu’elles se chargeaient les bras de robes à essayer, devant mon air complètement dépassé et paumé, une organisatrice est venue me voir pour me proposer son aide. Le genre de femme physiquement fanée avant l’âge, avec la panoplie de la bigote parfaite, serre-tête et p’tit Jésus en pendentif, qu’on pense plus croiser un dimanche matin en train de chanter à tue-tête des Alléluia qu’à un défilé de cosplay médiéval. Mais tout ce qu’il y a de plus serviable et charmante au demeurant. Elle a donc tenté de me trouver une tenue.
« Monsieur est bien bâti, on peut peut-être le déguiser en bûcheron médiéval » me lançait-elle avec un grand sourire.
« Monsieur est bien monté, ce n’est pas pour ça que je veux un déguisement de cavalier » répliquais-je avec un grand sourire.
Une entrée en matière tout ce qu’il y a de plus amicale, pour la mettre parfaitement à l’aise. Les joues rouges, elle me proposait ensuite une tenue de Seigneur. Je préférais décliner l’offre parce que le premier qui arrivera à me faire porter un short bouffant avec des collants n’est pas encore né.
De la même manière, je refusais la tenue de prêtre sous prétexte que j’avais un goût très modéré pour les petits garçons et que ce serait donc difficile de rentrer dans le personnage. J’eus comme la nette impression que ce trait d’esprit ne la fit absolument pas rire.

Au final, nous tombions d’accord sur une tenue de bourreau. J’avoue que la vanne « En plus, la cagoule en pointe, ça me rappellera mes jeunes années Ku-Klux Klan » ne passa pas mieux.
J’allais donc montrer mon choix à ma femme et mes filles et j’expliquais ensuite que, étant fan de la méthode Actor’s Studio, il faudrait que je passe chez Casto chercher une hache et que j’arriverais bien à trouver ensuite une tête humaine décapitée.
Bizarrement, sous prétexte que « ce serait mieux pour la sécurité de tous », ma femme décida de mettre son véto sur ces vêtements.

Je repartais, bougon et sans déguisement, en dissertant sur l’injustice de la vie, l’inégalité des chances et la probable prochaine fin du monde. Avant de me rendre compte que mes propos étaient absolument sans portée ni efficacité face à leur plaisir d’avoir, elles, trouvé de belles robes de dames de l’époque.

Le jour J, nous nous sommes donc rendus sur place. Elles en mode princesses, moi en mode jean, Dr Martens aux pieds et blouson Bombers sur les épaules. Avec l’appareil photo, genre « reporter de guerre ». Et pour faire face à une horde de cosplayers venus de tous horizons, de tous âges et surtout, de toutes éducations et de toutes intelligences, il fallait au moins ça.

J’ai donc suivi le cortège, au son des violes, tambours, flûtes et autres luths, prenant ici et là quelques clichés.

En tout cas, au temps médiéval, j’sais pas trop ? mais au temps 2019, y’a des règles à respecter. Des règles essentielles pour sa propre survie.

Règle numéro un : quand on est un gamin habillé comme un con de page, on ne vient pas frapper avec un morceau de branche un mec qui porte des Dr Martens aux pieds. Même pour faire genre « j’ai une épée, j’suis un chevalier, j’suis Luke Skywalker ». J’ai bien tenté d’expliquer aux parents que c’était un réflexe, et puis que c’est lui qu’avait commencé ou qu’il fallait voir le bon côté des choses, ça lui ferait quatre petites souris d’un coup sous son oreiller ce soir, ils n’ont pas été super réceptifs à mes arguments. C’est dingue comme les gens perdent toute notion de dialogue et d’ouverture d’esprit dès que leur gamin a le nez pété et la bouche en sang. En plus, merde, se prétendre Luke Skywalker à un défilé médiéval, ça méritait bien un coup de pied retourné, non ?

Règle numéro deux : quand ta femme est habillée en dame médiévale, même si tu la trouves super sexy, tu n’essaies pas de la culbuter au milieu des bottes de paille. Surtout quand les bottes de paille sont juste à côté du coin enfants.

Règle numéro trois : Quand on est déguisé en chevalier du pauvre, même s’il y a énormément de monde et qu’on veut se la jouer « roleplay », on évite de pousser les gens en gueulant « place, manant », ledit manant manquant de faire tomber son appareil photo. Surtout quand le manant, justement, a un Bombers sur le dos. En tout cas, j’ai appris qu’une armure en fer blanc, ça s’enfonce vachement bien d’un coup de tête. Et après, c’est super difficile à enlever. Faut découper.

Règle numéro quatre : je n’ai pas trop perdu, finalement, niveau coup de boule.

Règle numéro cinq : le luth, ça craint. Surtout quand on veut faire le solo de Highway to Hell et qu’on pète deux cordes au premier accord. Et on ne termine pas son solo en pétant l’instrument par terre. C’est punk, mais pas médiéval. Punk-médiéval à la rigueur, mais pour le coup, ce n’était pas l’idée de cette fête.

Résultat, ma femme a décidé de m’exclure du cortège et m’a envoyé « me calmer » aux diverses animations médiévales proposées. J’ai commencé à protester parce que je me trouvais déjà vachement calme, mais elle a fait les gros yeux comme ça et quand elle fait les gros yeux comme ça, vaut mieux lui obéir. Alors je suis parti « me calmer » aux diverses animations médiévales proposées.

C’est là que j’ai appris que pour le tournoi de combat à l’épée, le coup de pied dans les couilles, c’est éliminatoire. Paraît que ce n’est pas « chevaleresque ».

Je me suis ensuite dirigé vers le stand de tir à l’arc. On avait le droit à 5 flèches par personne. Moi j’ai répondu qu’une seule flèche par personne, ça devrait me suffire, mais j’ai vu dans les yeux affolés de l’organisatrice que ça ne la faisait pas rire, alors je n’ai plus rien ajouté et j’ai consciencieusement tiré mes 5 flèches, en plein centre de la cible. Tranquille. J’ai même gagné un petit écusson du « meilleur tireur de la journée ». Voilà. Ben quoi ? Vous vous attendiez à quoi ? Des fois, aussi, tout se passe sans problème, hein.

J’avoue, par contre, j’suis moins doué pour le lancer de hache. C’est passé à un cheveu de la dame. C’est le cas de le dire, puisque ça a coupé net sa queue de cheval avant d’aller se planter dans le jambon du charcutier, à trois stands de là. J’ai fait genre que c’était fait exprès, mais je le sais bien, moi, qu’en fait, j’ai lâché la hache trop tôt. En lançant le bras en arrière avant de la lancer devant moi, pour être précis. Bref, le lancer de hache, ce n’est pas mon truc.

En tout cas, je ne savais pas que la gâchette d’une arbalète, c’était si sensible. J’ai découvert ça à l’atelier de tir à l’arbalète. Rien à signaler en tout cas, lors de mon passage. Et puis il paraît que les plumes du faucon qui passait à ce moment-là vont repousser. Et aussi que je n’ai touché aucun organe vital, qu’un trou dans la fesse, ça se recoud. Et puis ça ne l’empêchera pas de bosser, le cracheur de feu. Juste de s’asseoir. C’est comme les sourcils du gamin qu’il a cramé sous l’impact de la flèche : ça repousse.

Après, tout n’est pas de ma faute non plus. Je voulais juste voir si la catapulte, elle marchait vraiment. Je n’avais pas vu le mec qui était dessus en train de réparer le bol, là où normalement on met le boulet. Et puis bon. On ne va pas faire chier pour ça, hein. Il est retombé dans le lac, que je sache. Sur une barque. Certes. Mais dans le lac quand même. Et puis y’en a plein avant lui qui ont réussi à supporter une fracture du bassin. C’était pas la peine de gueuler comme ça.

Manque de bol, le cracheur de feu et le réparateur de catapultes étaient prévus comme cavaliers, pour le spectacle de joute de chevalerie, avec les armures et les lances et tout et tout. Bon. J’avoue. Même si tout ça n’était pas ma faute, je me sentais quand même un peu emmerdé. Alors j’ai proposé mon aide. Ils ont un peu hésité, mais ils n’avaient pas le temps de faire une annonce pour recruter quelqu’un d’autre. Donc ils ont accepté et m’ont filé une armure. Moi, j’ai tout de suite pigé le truc, vu que je connais le but d’un tournoi de chevalerie : faire tomber l’autre cavalier. On m’avait juste pas dit que c’est interdit de prendre la lance par le bout pour frapper le cheval adverse, ni qu’on ne doit pas descendre de cheval pour frapper son adversaire à coups de casque. En tout cas, la foule était tellement en délire que je me suis dit que j’avais gagné les oreilles et la queue. C’est à ce moment-là qu’on m’a disqualifié et qu’on m’a sorti de la lice.

Finalement, j’ai décidé d’aller traîner du côté des cours de danse médiévale. C’est dingue comme ça m’a donné un gros avantage, d’avoir gardé l’armure. Surtout quand j’ai commencé à lancer un grand pogo. On va encore dire que c’est ma faute, mais le gars, il n’avait qu’à pas tenter de me mettre un coup d’épaule. Ça aurait évité qu’il aille gicler dans le chandelier, que sa tenue prenne feu, qu’en courant il mette le feu aussi à la tente, que ça se propage aux autres tentes, puis aux étals…

Finalement, comme la fête était finie, on est rentré à la maison. Les filles faisaient la gueule. Je n’osais trop rien dire, mais moi, j’ai passé le meilleur après-midi depuis bien longtemps.
J’espère bien qu’on y retournera l’année prochaine. J’ai déjà mon costume, vu que j’ai gardé l’armure. Il a bien quelques bosses, un peu de roussi çà et là, mais ça fait plus authentique.

 

 
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