Publié le Dimanche 9 juillet 2017 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

Gilles et moi

On me censure, on me musèle, on me bâillonne ! On m’empêche d’exprimer haut et fort mes convictions les plus intimes ! Je suis au quotidien la victime d’une bienséance castratrice ! Au secours !

Alors non, je vous rassure. Point de censure sur le site. Depuis le temps, vous devriez le savoir. Ça nous a apporté notre lot de problèmes, de réflexions acerbes, voire même de blacklistage… mais s’il y a bien un endroit où l’on peut s’exprimer librement, c’est dans nos colonnes. Avec bien entendu, comme ligne conductrice, la tolérance. Non, pas de retenue sur le site où nous exprimons tout haut ce que personne n’oserait même penser tout bas. 

Non, je parle au quotidien. Je suis la victime de l’éducation stricte de mon entourage. Piétiné par les « on ne doit pas » et « il faut » auxquels les gens biens, semble-t-il, s’astreignent, pensant qu’ils rendront le monde un peu moins insupportable. On me censure, disais-je, dans mon expression la plus simple d’un Gilles de la Tourette inassouvi. Je suis Gilles sans la Tourette. Ou la Tourette sans Gilles. Bref, incomplet. Cisaillé par la bienséance et le savoir-vivre. Alors que merde, bordel de chier la bite, j’aimerais bien lâcher les chevaux de temps à autre.

Au cinéma, par exemple. La grosse connasse devant vous qui mate toutes les 5 minutes son portable et répond à ses SMS. Il parait qu’il faut lui demander gentiment d’arrêter. Quitte à lui redemander plus fermement, mais toujours de manière courtoise, 5 minutes après. Moi j’ai beau expliquer à ma femme que si je lui dis directement « d’éteindre son putain de portable de merde sinon je lui fourre dans le cul en mode vibreur », il n’y a pas besoin d’y revenir. Généralement, une fois suffit.

Le fléau du portable, notez bien, est aussi source d’échanges amicaux lors des évènements. J’aimerais juste qu’on m’explique l’intérêt d’aller à un concert ou un spectacle, et de le filmer intégralement avec son smartphone, en qualité de merde, avec un son de merde, sans même en profiter ni regarder la scène directement, sans écran interposé. Là aussi, ma chère et tendre épouse m’explique qu’il faut demander gentiment aux gens de devant de baisser les bras parce qu’ils bouchent la vue de tout le monde à vouloir filmer. Tu parles, 5 minutes après, ils se retournent vers vous en disant « Désolé, celle-là je l’adore, j’suis obligé de filmer ! ». Non t’adore pas, putain. Non tu ne filmes pas. Et regarde comme ton portable vole bien. On dirait qu’il a bu du Red Bull.
Alors que si dès le départ, j’lui avais dit que la prochaine fois qu’il lève les bras pour filmer, j’lui pète les deux genoux et qu’il aura l’air con les mains en l’air à 1m20 du sol à filmer à hauteur de culs, ça aurait évité des souffrances à tout le monde.

Et quid du mec qui se colle en double file en plein virage, juste pour passer à sa banque 5 minutes avant qu’elle ferme, occasionnant un bouchon monstre, mais hé, hein, ce n’est pas grave, « c’est juste pour 5 minutes je vous dis ».
« Il a un gros chien dans sa voiture », m’expliquait ma femme, comme une incitation à ne pas bouger alors que je faisais le geste d’ouvrir la portière pour une séance de trampoline sur capot. Je voulais juste faire voir à mes filles comment papa rebondit bien sur une Polo, avec option « cours d’Histoire de l’art : aujourd’hui, César et ses compressions ».
Et justement, le clébard, ça faisait l’option méchoui de pitbull. Art, SVT, Cuisine… le programme promettait d’être instructif pour la jeune génération. Et bien non.

On me censure, je vous dis. Alors qu’au bout d’un moment, il faut bien se rendre compte que la multiplication hallucinante des incivilités et des comportements de merde ne se règlera jamais en baissant les yeux. Et que mon Gillou sous-jacent a tout pour s’exprimer pleinement, chaque jour. Des tas d’occasions de dispenser des cours de savoir-vivre et de respect de l’autre.

Vivement les vacances, tiens. Gilles et moi, on aura plein d’occasions de discuter avec les gens.