Publié le Dimanche 18 janvier 2015 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du dimanche

2015, année maudite

Vivement 2016. Non mais je préfère être honnête, hein. Quand une année commence de manière aussi merdique, moi j’dis, on devrait l’écourter. On fait une petite loi, on vote ça à l’Assemblée et zou, on passe à l’année prochaine directement. Si 2016 est une bonne année, on pourra décider qu’elle dure 5 ou 600 jours, histoire de rattraper.

Certes, dit comme ça, ça a l’air très très con, je vous le concède. Mais d’une part, des lois très très connes, ce ne serait pas la première à être votée à l’Assemblée, et de deux, que des hommes politiques passent pour des cons, ce ne serait pas une première non plus. C’est même, de nos jours, devenus une habitude. Voire une condition sine qua non pour entrer en politique.

Mais elle a débuté depuis moins de trois semaines que j’en ai déjà ras-le-bol de 2015. Certains évoquent une malédiction des années en 15. Je suis loin d’être superstitieux. Même si je lance des cailloux aux chats noirs ou que je shoote dans les échelles pour éviter de passer dessous. Mais ça n’a rien à voir avec de la superstition, juste de la pure et gratuite méchanceté. Enfin bref, je ne suis pas superstitieux mais là, je vais finir par me poser des questions. Non parce que 1915 n’était pas forcément une année fun. Nous étions en pleine guerre, je vous le rappelle, et le conflit s’enlisait dans des tranchées bientôt balayées par un hiver d’une rudesse inimaginable. 1815, Napoléon se prend une branlée à Waterloo et cette défaite marque le déclin inexorable de la suprématie française. 1715, le plus grand Roi français décède : Louis XIV. Il laisse derrière lui un pays exsangue et ruiné. 1615. Famine. La France se déchire et s’enlise dans d’incessantes guerres civiles. 1515 est une exception. La bataille de Marignan étant le témoignage le plus célèbre de la construction de la France dans l'Europe. 1415. Azincourt. L’armée française se prend une dérouillée mémorable par les anglais. A cause de la pluie. 1315. Toujours la pluie. Une année tellement pluvieuse que les récoltes pourrissent sur pied et que le pays tout entier souffre d’une des pires famines jamais enregistrées dans notre pays.
Bon. Cela dit, en 1215, en 1115 ou en 1015, il n’y a rien eu de terrible non plus. Preuve que c’est une malédiction à la con. Même si les familles de Charb, Cabu, Wolinski et tous les autres ne seraient pas forcément d’accord avec ma conclusion.

Reste que 2015 commence mal quand même. Entre les paiements de débiteurs tellement en retard que ma banquière connait désormais mon numéro de portable par cœur, la gastro qui a touché la moitié de la famille, le matelas mort sans doute d’avoir pris trop de coups de… euh… enfin bref, le matelas qu’il faut racheter en urgence parce que ça fait quand même une semaine que j’ai le dos coincé à cause de son état lamentable (ou le mien, d'état lamentable, c'est au choix), la fuite sous l’évier, la prise électrique qui ne fonctionne plus, le contrôle technique de la bagnole qui est en retard, mes pompes qui prennent l’eau, les rendez-vous important qui s’annulent, les contrats qui prennent fin « parce que c’est (toujours) la crise » et d’autres bons gros emmerdements (et non des moindres) qui ne cessent de pleuvoir quotidiennement, mon sac à dos que j’ai laissé tomber dans une flaque d’eau, le mug en porcelaine qui a explosé à l’intérieur, le saumon grillé à la poêle dont l’odeur semble s’être incrusté jusque dans les murs, mon smartphone qui déconne et mon tee-shirt préféré que j’ai déchiré, j’ai comme qui dirait rapidement l’envie de passer à autre chose, là.

Et en plus, il pleut.

« - Oui mais tu as ta femme et tes deux filles près de toi » serait-on tenté de me dire dans une ultime tentative de me réconforter.
A quoi je répondrai : « - Justement. Je ne les ai pas noté dans les fléaux de 2015 parce qu’elles étaient déjà là en 2014, mais ça rajoute »

Bon. Du coup, je me suis dit que 2015, c’était peut-être l’année de toutes les punitions pour avoir été une vraie enflure toutes ces années précédentes. Soit. J’ai donc pris pour moi l’expression « faire contre mauvaise fortune bon cœur ». J’ai décidé de faire plein de bonnes actions pour changer mon karma. Tenez, la dernière fois, quand un SDF m’a demandé « un petit quelque chose » dans la rue, je n’avais sur moi qu’un Speculoos gardé d’un précédent café. Dans un élan de générosité, je lui ai tendu. Comment j’pouvais savoir, moi, qu’il était diabétique, le gars ?
Et chez le médecin, quand j’ai gentiment – et courageusement – proposé à la mère dont le gamin de 9 mois venait de vomir, de le tenir pendant qu’elle essayait de nettoyer la moquette, est-ce ma faute, si, le sentant prêt à vomir à nouveau, j’ai voulu l’emmener dehors pour éviter de ruiner un peu plus la salle d’attente, que je le tenais à bout de bras pour éviter qu’il ne me gerbe dessus et qu’à ce moment-là, une autre personne est entrée, projetant la porte en pleine tête du gamin et recevant, par le même coup, le vomi du gamin plein ses godasses ?
Est-ce que je dois raconter aussi qu'au supermarché, ce n’est pas ma faute si, quand une grand-mère m’a demandé de lui attraper l’un des deux dernières bouteilles d’huile en haut du rayon, la seconde, collée à la première avec un résidu de scotch de son carton de conditionnement, est venue avec et est allée s’écraser sur le sol, m’épargnant miraculeusement, moi, mais par contre pas le cabas de la mémé ?

En fait, la gentillesse, ça ne me réussit pas, tout simplement. Si ça se trouve, toutes les merdes de ce début d’année, c’est en fait parce que je n’ai pas rempli mon quota de saloperies en 2014. J’avais pourtant mis la dose, hein.
Du coup, hier, j’ai écrasé le pied d’un gamin turbulent dans le métro, du genre « oups pardon je n’ai pas fait exprès ». J’avais juste mes grosses godasses de type « Caterpillar coquées ». Le modèle interdit par la Convention de Genève. Et bien vous le croirez ou non, mais 10 min après, j’ai mon principal débiteur qui m’appelait pour me dire qu’il avait fait le virement sur mon compte.
Juste avant de rentrer, j’ai fait prendre le mauvais train à un aveugle. Et bien cette nuit, j’ai dormi comme un bébé et je me suis réveillé sans mal de dos.
Tout à l’heure, en allant chercher le pain, j’ai indiqué la mauvaise direction à un automobiliste perdu. Bim. J’ai trouvé un billet de 10 € devant la boulangerie.

Putain. Mardi prochain, je vole du foie gras et du champagne dans mon supermarché, je tue un poney, je frappe un gosse et j’viole sa mère, ou l’inverse. Et le soir, je joue à l’Euromillions. On ne sait jamais.

2015 a décidé de me faire chier ? Ha ha ha. Elle ne sait pas à qui elle s'attaque, cette saloperie d'année !