Publié le Dimanche 30 mars 2014 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
L'Edito du Dimanche
Le pouvoir de l'édito
Vous ne vous en rendez pas compte, chers lecteurs, affalés que vous êtes dans vos canapés juste après avoir regardé Le Jour du Seigneur, ou avachis dans vos fauteuils devant votre ordinateur, juste avant d’aller retourner les saucisses sur le barbecue, mais l’Edito du Dimanche a pris une dimension assez extraordinaire non seulement sur le site, mais également dans ma vie quotidienne.Pas que dans la mienne, en fait.
C’est amusant, finalement, de voir à quel point il a une incidence, une influence sur les comportements et les attitudes à mon égard.
Pour ma part, je n’ai pas changé. Pas changé de méthode ou de façon de travailler. Nous sommes dimanche matin. Je viens de me manger une heure de sommeil en moins façon changement d’heure mais je suis quand même fidèle au poste devant mon écran, à l’écrire. Changement d’heure ou faille temporelle, j’hésite encore. Je viens de me lever, toujours nauséeux de la veille, et mes idées ne sont pas encore bien en place. Pourtant, hein, je n’ai pas abusé. A peine un verre de vin et un fond de rhum. Pas plus d’un litre, quoi. J’évite les excès quand je prends le volant après. Normal. Sécurité routière oblige. Je ne plaisante jamais avec ça. Et donc, je fonctionne toujours de la même manière : le dimanche matin, je me nourris des évènements de la semaine pour écrire l’édito.
Bizarrement, l’effet édito débute dès le lundi. Personnellement, j’écris et puis j’oublie. Je passe à autre chose. Mais pendant deux ou trois jours, je croise des amis, de la famille, des connaissances ou de parfaits inconnus qui me ressortent des anecdotes portant sur l’édito précédent. A base de « mais c’est vrai que tu as arraché la crinière d’un poney pour te faire un violon avant de te rendre compte que c’était plutôt les poils de la queue qu’il fallait ? » (réponse : oui, mais c'était fait exprès) ou « Stéphanie existe-t-elle vraiment ? » (réponse : oui), voire « Tu aurais le numéro de Maîtresse Carole » (réponse : oui, mais elle est chère) ou « C’est difficile à faire, alors, un manteau de fourrure en lapin ? ». Notez que la réponse à la dernière question est « Non, c’est juste qu’il faut être prêt à manger du lapin pendant un mois ».
N’empêche que j’ai toujours un temps d’arrêt, un moment de réflexion à base de « mais comment il sait ça, lui ? » ou « pourquoi elle me pose cette question, elle ? », avant de me souvenir que ces rencontres puisent leurs sujets de conversation dans mes éditos.
Etonnamment, dès la fin de la semaine, les gens m’évitent. Ils commencent à se dire que le prochain sujet de l’édito, ce pourrait bien être eux. Alors ils deviennent soit mielleux, soit furtifs. Personne ne répond plus à mes appels. Personne ne m’appelle plus. Regardez Stéphanie (je vous ai déjà parlé d’elle ?). Voilà deux dîners qu’elle annule sous des prétextes fallacieux. Le dernier en date, c’était « Je suis désolée, faut qu’on remette ça à une autre date, ce samedi-soir là, finalement, j’ai un baptême ». Genre. Un baptême en nocturne. Avec feu d’artifice dans l’église, aussi ? Enfin bref. Elle m’évite. Il parait qu’elle veut se racheter une bonne conduite. Se refaire une virginité sociale. Qu’elle tente de devenir cette femme de bonne famille, cette mère exemplaire, cette parfaite représentante de la bourgeoisie moderne qu’elle a toujours rêvée d’être. Elle s’est même achetée un serre-tête en velours et un petit chemisier blanc avec un pull jacquard. C’est qu’elle habite à deux pas de Versailles, vous voyez… J’aurais juste envie de lui dire « Mais Stéphanie, ne lutte pas contre ton vrai toi. N’essaie pas de devenir une autre. Quand on est une chaudasse, on reste au fond de soi une chaudasse, que l’on soit en collants en laine ou en porte-jarretelles à danser sur les tables. ».
Et en parlant de danser en porte-jarretelles sur les tables, tenez, parlons de Maîtresse Carole. Parce que oui, nous avons dîné ensemble hier soir, avec nos conjoints respectifs. Et avec les enfants. Chez des amis. Et oui, tout le début de la soirée, tous ont promis que je n’aurais pas une once de source pour écrire l’édito. Ça commence toujours comme ça, de toute manière. A base de « ha ha ha on va faire attention à ce que l’on dit, ce que l’on fait, et tu vas voir, l’édito, tu seras obligé de l’écrire sur n’importe quoi, mais pas sur cette soirée ! ».
Alors on me jette des regards en coin. On m’évite un peu. Je suis obligé d’aller me resservir un verre tout seul. De quémander quelques petits fours (qui étaient fort bons hier, d’ailleurs).
Je ne bouge pas. J’attends mon heure. Je sais qu’elle arrive. Winter is coming, comme dirait l’autre. Et il est inévitable… Ils n’ont pas compris, tous. Ils n’ont pas compris que l’édito n’est pas un portrait inventé de ma vie, un délire expérimental, une histoire abracadabrante complètement fantasmée.
Non, l’édito, c’est un révélateur. Le pouvoir de l’édito, c’est de faire jaillir le moi profond de chacun. De révéler au grand jour les envies les plus étouffés, les perversions les plus intimes, les désirs les plus secrets de chacun. L’édito n’est qu’un miroir. Un simple miroir. Voire, pour certains, une excuse.
Parce que oui, on ne dirait pas comme ça, quand on la voit fréquenter le gratin de la Direction d’une des plus grosses entreprises françaises, habillée dans son tailleur, mâchouillant son stylo, les yeux baissés derrière ses lunettes.
Mais c’est inévitable. On commence la soirée à craindre l’édito, on la termine en le nourrissant. Ah ça… Il a suffi qu’elle nous parle de son ado. De l’exaspération qu’elle a de le voir recevoir des copines qui soi-disant viennent à la maison pour lui emprunter des mangas Pokémon alors que tout ce qu’elles veulent, c’est voir son petit Pikachu. Et cet ado qui lui, continue à leur dire que « tu vas voir, dans cet épisode, c’est super marrant, y’a un Pokémon qui fait caca dans un parc ».
Mais vous savez ce que c’est (ou pas). On parle de son ado un peu niais avec les filles, on finit par arracher son chemisier, dévoiler sa poitrine à peine cachée par une gaine en latex et en hurlant « même si une fille lui mettait ça sous les yeux, il se demanderait s’il peut les peindre en rouge et blanc pour faire une boule Pokémon ». Et ça se termine sur la table, à siffler une bouteille d’alcool de citron en dansant sur le dernier « Sexercice » de Kylie Minogue.
J’aime bien, moi, Kylie Minogue. Mes potes aussi, ils aiment bien Kylie Minogue. Alors ma femme et ses amies, ça les rend folles. Elles veulent nous montrer qu’elles peuvent être aussi sexy qu’elle. Et la soirée se termine en show dénudé au milieu des assiettes et des verres. Jusqu’à ce que Carole s’exclame qu’elle a trouvé un truc très drôle, un stabilo phosphorescent, qu’elle veut essayer sur nous.
Après un show lascif à se frotter le reste de crème sur les seins, ça se finit donc en course-poursuite dans la maison, les hommes pour une fois fuyant devant des filles complètement surexcitées.
Une demi-heure après, lumières éteintes, Carole, mon épouse et notre hôte essayaient de déchiffrer ce qu’elles avaient bien pu nous écrire sur le corps au stylo.
« Attends, y’a écrit quoi, là ? »
« Orgasmique »
« Ah oui, forcément… c’est qui ? »
« Cedric »
« Ah oui, ça lui va bien. Et là, y’a écrit ? »
« Lib »
« Lib ? »
« Oui, c’est Jean-Marc. Il est fou de la Reine des Neiges. J’ai voulu écrire le nom de la chanson, "Libérée, Délivrée" mais y’avait pas assez de place ».
« Ah. »
« Et là ? »
« C’est Olivier. J’ai voulu écrire un poème de Baudelaire. »
« Et ? »
« Y’avait pas assez d’encre ».
Enfin bref. C’est ça le pouvoir de l’édito. Vous commencez la soirée avec trois mères modèles, jeunes et élégantes femmes sous tout rapport, dont pas une parole ni un sein ne dépasse. Et vous terminez avec trois furies. Avec Maîtresse Carole qui, devant tout le monde, vous baisse (véridique) votre pantalon pour voir si vous avez un slip, un boxer ou, « mieux, un string », tout en hurlant, déchaînée « Et ça aussi, tu pourras le mettre dans ton édito ! ».
Je vous l’ai déjà dit : mes soirées sont plus belles que les vôtres.
Certes. Mais elles sont aussi bien plus dangereuses. Parce que des fois, on se retrouve sans savoir pourquoi avec un poney tatoué sur le torse (Mais pourquoi un poney ?).
Sur ce, je vous laisse. M’inspirant d’un plat traditionnel romain, venu tout droit de Pompéi (et c’est vraià, je vais manger de la girafe.
Commentaires
Inscrit le 18/03/2011
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Et bon appétit bien sûr
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Inscrit le 03/01/2012
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Inscrit le 28/04/2009
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« Non, c’est juste qu’il faut être prêt à manger du lapin pendant un mois ».
1403 Commentaires de news
Inscrit le 21/12/2011
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Mais pourquoi un poney ?Parce que tu es monté comme un âne, mais qu'elles n'ont pas réussi à en dessiner un correctement ?
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