Publié le Dimanche 3 novembre 2013 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Le parcours du combattant

Paris-Londres : 12h de trajet. En avion. Record battu.
Lundi, je m’envolais pour la capitale anglaise, étant l’un des 6 médias invités par Activision pour tester le jeu Call of Duty Ghosts, dont notre test paraîtra à la date contractuelle du mardi 5 novembre 2013 à 09h précises.
Enfin, quand je dis « m’envolais », je devrais dire « aurais dû m’envoler ».
Parti à 06h45 de ma somptueuse demeure qui s’apparente plus à un hôtel particulier qu’une simple bicoque de bouseux, je me rendais à la gare la plus proche, située à deux minutes à peine de mon domicile. Objectif : prendre le RER C de 06h55.
Je ne prends que rarement le RER mais pour le coup, j’ai pu constater que les années n’apportent aucun changement quant à leur organisation et leur respect des horaires. Le train est passé à 07h15 en raison de « problèmes techniques sur la ligne ». Il pleuvait. J’étais trempé et furieux.
07h55 : changement de ligne. Je monte dans le RER B en direction de Roissy Charles de Gaulle. J’ai rendez-vous à 09h00 avec l’attaché de presse d’Activision, l’enregistrement est possible jusqu’à 09h30, je suis toujours dans les temps, tout va bien, je n’ai qu’une heure de train pour rejoindre ma destination.
Trois stations après le départ, le conducteur nous informe que « en raison d’un problème de signalisation entre Gare du Nord et Chatelet, le trafic est fortement ralenti ».
En effet. Le train s’arrête au minimum 5 minutes à chaque gare. Résultat, à 10h15 seulement, nous dépassons la Gare du Nord.
Tout n’est pas encore perdu : je suis en contact constant avec l’attaché de presse. Il m’explique m’avoir enregistré (billet électronique oblige) et m’annonce que l’avion qui devait partir à 10h20 est repoussé à 11h30.
Le train file sur les rails. Je l’accompagne de toute mon énergie et compte les stations qui me séparent de ma destination. 8… puis 7… puis 6… puis 5… je vais l’avoir. Ça va être chaud, je vais devoir courir, mais je vais l’avoir. Hermès est avec moi. Je le sens en moi. Je le sens dans mon ventre. Je le sens dans tout mon être…

10h45. Ça ne devait être qu’un gaz. Il n’y a aucun Dieu sur la ligne aujourd’hui. Le conducteur nous informe « qu’en raison d’un problème matériel, le train est immobilisé jusqu’à nouvel ordre ». Et il ajoute « je vous préviens, à mon avis, ça va être long ». A 11h, il ajoute que « de toute manière, il y a des gens sur les voies ». J’ai raté définitivement l’avion. Activision ne m’abandonne pas pour autant. Alors que l’attaché de presse accompagne les autres journalistes et s’envole donc pour Londres, une autre personne, située à Paris, prend le relais et me cherche des solutions.
Je décide de quitter la rame (selon les infos, le trafic n’aura repris que vers 12h30). Je prends un bus bondé direction une autre station RER : Vert Galant, située à Tremblay. Trajet estimé : 45 minutes.

Instant culture…
Vert galant était le surnom d’Henri IV, roi de France et queutard parmi les queutards (ce fut le Roi qui eut la plus grande descendance, puisque 14 enfants lui sont connus, et qu’il en eut sans doute plus). Il possédait, dans les environs, un pavillon de chasse. Voilà pourquoi l’un des quartiers de la commune s’appelle ainsi.

Revenons à notre tragédie moderne.
Sur la route, j’appelle Sylvain. Gentiment et avec un ton aussi amical que la situation l’exige, je lui demande s’il peut venir me secourir tel un preux chevalier, un super-héros des temps modernes :
« Allo Sylvain ? J’ai une galère. Dans 10 minutes t’es à la gare de Tremblay et tu m’emmènes à Roissy. Bouge ton cul ou je t’explose et je sodomise ton chat ».
Sylvain, tel un preux chevalier, un super-héros des temps modernes, sera sur place.
Il percute une voiture de police, explose la barrière de parking et me dépose finalement à 12h à Roissy.

J’ai mis 5h15 pour rejoindre l’aéroport. En temps normal, je mets une petite heure en voiture. Vue l’heure, j’aurais sans doute mis 1h30 en comptant les bouchons. Et peut-être 3 ou 4h en vélo. Et là, 5h15 en train. Merci la SNCF. Depuis, sur ma liste de « choses à faire avant de mourir », j’ai inscrit « traîner des agents SCNF derrière ma bagnole et les finir au chalumeau ».

Tout aurait pu s’arrêter là, hein. J’aurais pu prendre un autre vol, arriver rapidement à Londres et hop, fin de l’histoire.
Que dalle. Le sort avait décidé de s’acharner sur ma pauvre personne. En raison de tempêtes violentes la veille, des vols le matin avaient été annulés. Résultat : aucune place disponible de toute la journée, selon l’agence de voyage d’Activision. Mon contact m’explique alors qu’il vaut mieux essayer de « voir directement avec Air France ».
J’en sortirai bredouille également. « Le prochain vol disponible, c’est demain matin à 07h20 » m’explique-t-on… Euh… comment dire… passer tout l’après-midi et la nuit dans un terminal d’aéroport… « Sinon, vous avez un vol à 16h. Chez British Airways. A Orly ». Pour info, Roissy est au Nord de Paris, Orly au Sud… Je le sais… je n’habite pas très loin… Donc grosso modo, la solution, c’est de repartir à mon point de départ… et me taper à nouveau 5h de train vu le bazar…

Finalement, Activision, avec qui je suis resté en contact constant, me prendra un billet d’Eurostar.
« Allo Sylvain. Tu reviens me chercher. Tu m’emmènes Gare du Nord. Tu te magnes ou sinon je tue toute ta famille. Et je viole ton chat. Encore. »
Sylvain, mon ami, mon sauveur, s’exécutera sans broncher. Sympa Sylvain. Et célibataire (celles qui cherchent un mec dévoué, gentil et à l’écoute, contacter la rédaction qui fera suivre).

Les problèmes s’arrêteront heureusement là. Je prendrais le train de 15h08. Arrivée à 16h39 heure locale. Là, un chauffeur diligenté par Activison m’attendra pour m’emmener au lieu du test, un hôtel près de l’aéroport de Londres… En raison des sorties de bureau et donc des bouchons, je passerai encore 1h15 dans la voiture. Arrivée 18h heure locale. 19h heure française. J’aurai mis 12h pour arriver à destination.

Comme je le dis, sans l’aide de Sylvain et sans le professionnalisme d’Activision – que ça vous plaise ou non, ça reste à souligner parce que je sais que rares sont les éditeurs qui auraient été aussi efficaces -, je n’ai pas paniqué ni été laissé à l’abandon un seul instant. J’ai toujours su où en étaient les choses, et les solutions qui s’offraient à moi. Bref, le calvaire a été surtout physique, mais assez peu moral.

Certes, le soir, je me suis un peu écroulé et n’ai pas fait long feu en salle de test. Mais j’ai quand même pu tester le jeu en long, en large et en travers les deux jours suivants.

Un voyage de presse épique, donc. Le trajet le plus cauchemardesque de toute ma carrière, sans aucun doute. Il se terminera de belle manière, même si au retour – en Eurostar encore – les deux fillettes de la famille anglaise partageant le carré de siège avec moi, refuserons de s’asseoir près du « monsieur qui leur fait peur ».

Finalement, la vie a ensuite pu reprendre son cours. Tout va bien. J’ai eu le reste de la semaine pour me remettre et me reposer de mes émotions.
Enfin façon de parler puisque ce week-end prolongé a été l’occasion de quelques agapes bien arrosées. Tiens, j’ai même dîné hier soir avec Stéphanie. Mais si, Stéphanie. Je vous ai déjà parlé d’elle ? Non ? Enfin bon. C’était sympa. Nous sommes bien entendu revenus sur cette journée hallucinante de mon voyage londonien. Oh, je vous rassure, nous avons parlé de plein d’autres choses. L’alcool aidant, elle s’est même laissée aller à quelques confidences « chaudes ». Elle nous a ainsi avoué que sa position sexuelle préférée était « l’étoile de mer ». Ou que du haut de son âge respectable, plus rien ne l’excitait vraiment. Son mari ne la fait plus fantasmer, même quand il s’agite nu devant elle au sortir de la douche. Non, ce qu’elle kiffe aujourd’hui, Stéphanie, ce sont les hommes tatoués. Les durs, les voyous. Une crise de la quarantaine, sans doute. Elle se rappelait d’ailleurs son premier petit copain qui s’était fait tatouer « BAPPEDOT » sur le sexe. Lui demandant la signification de ces lettres, il lui avait répondu « attends, dans cinq minutes, tu pourras lire Bienvenue Au Paradis du Plaisir Et De l’Orgasme Total ».
Bref. Stéphanie aime les hommes tatoués. Les rebelles. Les motards. Si c’est votre cas, envoyez-lui une photo de vos tatouages à stephanie@gamalive.com. Elle pourra fantasmer dessus durant ses longues soirées d’hiver, enveloppée dans son plaid et une tisane à la main, se remémorant les doux souvenirs de sa jeunesse perdue.

Sur ce, je vous laisse. Ma jeunesse à moi ne m’a pas encore quitté. Comme quoi tout est question de mentalité. Je vais donc aller jeter des pommes pourries sur le mur fraîchement repeint d’un voisin, pour commémorer un acte brave et rebelle que je fis il y a une trentaine d’années (véridique). Viva la Révolucion, comme on dit.