Publié le Jeudi 26 septembre 2013 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

GTA V : Comment les parents réagissent face au jeu

Un constat effarant

Nous vous avons récemment rapporté les « paroles de revendeurs » à propos du jeu GTA V. C’est un côté du cube qui régit le monde du jeu vidéo. Cette fois, donc, nous nous sommes attaqués à une autre face. Celle des… parents.

Parce que même si GTA V est un jeu déconseillé aux moins de 18 ans (Classification PEGI) et même interdit aux mineurs – ou presque - dans certains pays (interdiction légale aux moins de 17 ans aux USA, par exemple), nombreux sont les ados qui jouent au jeu. Certains, dès 11 ans, tâtent de la manette et apprennent à virtuellement exploser des avions contre les murs, à écraser des piétons, à se taper des prostituées dans des voitures de luxe et à torturer des types.

Oui, je sais, il semble y avoir comme un malaise entre le contenu du jeu et l’âge de certains joueurs.

Nous sommes donc allés à la rencontre de certains parents qui ont acheté ou ont refusé d’acheter le jeu à leurs enfants. Nous leur avons demandé pourquoi. Nous leur avons demandé s’ils savaient de quoi le jeu parlait, et ce que l’on trouvait comme scènes. Nous les avons mis devant leurs responsabilités. Et voilà le constat, parfois… édifiant.


En premier lieu, parce qu’il y a quand même des parents soucieux de ce que font leurs enfants, nous avons interrogés des personnes qui sont au courant du contenu du jeu.

Oui, je connais très bien GamAlive. J’y vais régulièrement. Je ne commente pas, mais je m’y renseigne. C’est marrant, ça, de vous rencontrer ! Si j’avais su !
Concernant GTA V, mon fils a 16 ans. J’ai estimé qu’il avait donc l’âge de pouvoir jouer au jeu, même si c’est un 18+ (ndr : jeu déconseillé aux moins de 18 ans). Ce qui se passe, de toute manière, c’est que j’y joue aussi. Et on parle donc de nos parties. Je pense que mon fils est assez mâture pour GTA V. Mais ça, c’est à l’appréciation des parents. Le fait est que nous sommes assez proches, lui et moi. Mine de rien, le jeu vidéo rapproche les générations. Et du coup, quand nous ne jouons pas ensemble, nous discutons des jeux. Ça a le don d’énerver ma femme et ma fille qui, elles, sont plus danse rythmique et patinage artistique, mais c’est comme ça. Enfin bref, je discute beaucoup de tout ça avec lui. J’ai eu le malheur de vouloir lui expliquer une fois que « GTA V, ce n’est pas la vraie vie, c’est un jeu vidéo », et il m’a regardé comme un vieux con… mais bon… j’ai au moins eu le discours, quoi… Une fois, aussi, quand j’ai vu qu’il s’énervait sur le jeu, sur une mission qu’il n’arrivait pas à passer, j’ai coupé la console et on est allé faire un tour. En fait, il n’y a pas de secret : à partir du moment où l’on s’occupe réellement de son gamin, qu’on a des échanges avec lui, tout va bien.

D’autres encore, sont inflexibles, mais ont au moins le mérite de suivre l’actualité et de faire attention à leur progéniture.

Mon fils a 13 ans et tous ses camarades jouent à GTA V. Je ne joue pas personnellement, mais je me suis renseigné pour savoir de quoi il s’agissait. Autant vous dire que quand il m’a demandé de lui acheter, ça a été un non catégorique ! Les enfants sont assez soumis à des images de violence comme ça, dans leurs dessins animés japonais ou dans les films, pour ne pas en rajouter une couche. C’est complètement aberrant de voir des parents offrir ce jeu à leurs enfants de 13 ans !
Forcément, ça a amené une bonne grosse discussion et une bonne engueulade, mais je suis resté inflexible. Maintenant, je ne suis pas derrière lui tout le temps. Je ne me fais pas d’illusion : quand il va chez ses copains, il doit y jouer. J’ai tout de même prévenu la mère de son meilleur copain, que je refusais qu’il joue à ce jeu. Est-ce qu’elle en a pris note ? J’espère. Mais je ne peux pas en être sûr. 

Malheureusement, dans notre enquête, nous n’avons pas forcément croisé autant de parents ayant cette intelligence dans l’éducation de leurs enfants que nous aurions voulu. Et les profils les plus souvent rencontrés sont ceux-là…

Mon fils a 14 ans. Non, je ne suis pas au courant. Il s’est acheté le jeu tout seul. De toute façon, tous ses copains l’avaient déjà.

Mais vous savez qu’il y a des scènes de sexe, de torture, d’éclatage de tête à la semelle et j’en passe, dans ce jeu ?

Non, je ne savais pas

(nous lui montrons alors la vidéo de la torture)

Mon Dieu ! Quelle horreur ! Et c’est à ça qu’il joue ? C’est dans le jeu, ça ? Je ne savais pas ! Dès que je rentre, je lui confisque le jeu !

Dites-lui qu’il doit cette interdiction à Gam… euh… à Chocapic de Gamekult. 

Un manque flagrant de surveillance et de connaissance quant à ce que font leurs enfants. Mais qui pourrait sans doute être corrigé avec un peu plus d’attention. Ce n’est malheureusement pas le cas chez tout le monde…

Ah non, je ne savais pas qu’il y avait toutes ces scènes dans le jeu, nous explique le père d’un enfant de 14 ans. Mais bon. Ce n’est pas réaliste, alors ce n’est pas grave. Les enfants arrivent à faire la part des choses et ne s’attachent pas à ce genre de scènes. L’important, c’est surtout de l’éduquer correctement dans la vie de tous les jours. Lui apprendre ce qui est bien, ce qui n’est pas bien, dans la vie. Après, les loisirs, ça reste du loisir. Et puis il voit bien pire à la télévision.

Mais vous ne lui feriez pas voir un film porno ?

Ça n’a rien à voir. Le porno, c’est interdit aux moins de 18 ans. Je ne vois vraiment pas le rapport. C’est dégueulasse.

Vous n’avez pas l’impression qu’il y a un problème d’échelles de valeurs ? Vous refusez que votre fils voie un film porno, donc un acte, quel que soit la manière dont il est filmé, d’amour, mais ne trouvez pas à redire lorsque votre fils va lui-même, manette en main, commettre des actes de torture, de meurtre, de violence, de vol ? Le porno « ce n’est pas réaliste et comme les enfants arrivent à faire la part des choses » selon vos propres mots…

Le père a alors refusé de nous répondre et a mis fin à notre interview.

Et il y a les incorrigibles, ceux assument pleinement leur choix de faire jouer à leurs enfants ce genre de jeux.

Mon fils a 13 ans. Je sais que le jeu est déconseillé aux moins de 18 ans. Mais les conseils, on sait ce que ça vaut… c’est fait par des gens qui ne jouent même pas aux jeux vidéo (ndr : d’après ce que son fils lui a dit). Et puis ce n’est qu’un jeu vidéo. Ce n’est pas la mer à boire. Il est bon élève et c’est un garçon équilibré. Si c’était un voyou ou qu’il trainait dans les rues, j’aurais peut-être fait autrement. Mais là, c’est bon.

(Nous lui parlons alors des différentes scènes violentes du jeu)

Oui mais ce n’est pas réaliste. Les enfants savent que ce n’est qu’un jeu et qu’il ne faut pas reproduire ça dans la vraie vie.

(Nous lui expliquons que le problème n’est pas forcément là, mais sur le fait de confronter ses jeunes enfants à des images violentes et des actes ignobles que eux-mêmes vont décider, et l’influence au final que peut avoir cette violence en général, pas uniquement dans GTA V, mais dans tous les médias, sur un enfant et sa personnalité)

La violence existe depuis des années. Ce n’est pas pour ça qu’il y a des psychopathes à chaque coin de rue…

(Nous lui faisons remarquer qu’elle discute avec l’un d’entre eux et que du coup, si, il y en a à chaque coin de rue)

Mais mon fils, lui, est normal. Il joue tranquillement dans sa chambre, avec ses amis, et au moins ne traine pas dehors pendant ce temps-là. 

Et bien entendu, nous avons eu des cas irrécupérables.

Non, je ne sais pas à quoi il joue. Je m’en fous. Au revoir monsieur.

Au final, nous avons rencontré ou appelé une vingtaine de parents – nous ne comptons pas ceux que nous avons joint et qui l’avaient acheté pour eux, adultes. Soit triés parmi nos connaissances, soit en faisant le pied de grue devant un rayon jeux vidéo d’un magasin, soit grâce à une liste de clients qu’a bien voulu nous fournir le gérant d’une boutique…

Sur la vingtaine de clients qui ont acheté le jeu pour leur enfant, ou dont l’enfant a acheté le jeu seul, les joueurs étaient âgés de 11 à 16 ans. 6 nous ont expliqué que leur enfant était assez âgé (4 de 16 ans et 2 de 15 ans) et qu’ils surveillaient ça de près quoi qu’il arrive. 4 sont tombés des nues, ne sachant pas que le jeu était aussi violent et inadapté à leur enfant. Les 4 nous ont assuré qu’ils confisqueraient le jeu. Nous leur avons à tous, demandé d’expliquer à leur enfant qu’ils devaient cette soudaine interdiction à Gam… euh… Chocapic de Gamekult.
Le reste des parents… ferme les yeux sur la violence qu’ils permettent à leur progéniture de voir, de jouer. Parce que la société, de toute manière, est violente et qu’ils ont « l’habitude ».

Vous avez dit inquiétant ?