Publié le Jeudi 20 décembre 2012 à 09:57:00 par Laurent Benoit

 

Après deux jours de tollé, War Z est retiré de Steam

Tu braques ou tu raques

WarZ, annoncé sur Gamalive, est arrivé mardi sur Steam, après une phase de beta test. Et depuis hier soir, le jeu n'est plus disponible. C'est marrant, en passant fureter un peu les forums du jeu mardi soir, j'étais certain qu'on allait en arriver à un truc pareil.

Alors que les développeurs tentent de surfer sur le succès de DayZ (même s'ils disent le contraire), le lancement du jeu s'est fait carrément à l'arrache, sans doute pour profiter des déboires de Bohemia Interactive et du ralentissement du développement de la version payante de DayZ.

Du coup, tout ça a déjà généré un gros blowback des utilisateurs pas très contents d'avoir payé 15 euros (ou plus) se faire prendre pour des poires (en plus les zombies ça n'en mange pas, de poires, même pourries). Les reproches parlent de vices cachés ou de description mensongère du jeu, qui annonce sur Steam plusieurs cartes de 100 à 400 kilomètres carrés, alors qu'une seule de 100 est disponible pour le moment.
Autre souci qui fait criser les joueurs, les habituels problèmes de serveurs, censés supporter 100 joueurs simultanés, mais incapables d'en héberger plus de 50. Et on ne parle pas des nombreuses options qui sont introuvables sorties de la description, comme le système de talents des personnages, la création de serveurs privés ou la gestion des listes d'amis.

Ca tire à boulets rouges sur Steam depuis deux jours, et il y a de quoi, quand l'équipe de production se fout de vous quand vous venez réclamer votre dû. Pourquoi ? Parce que la fiche du jeu a été éditée entre mardi et mercredi pour tenter de mieux coller au produit, une technique qui a étranglé les joueurs de rage, estimant qu'ils avaient déjà payé et qu'il fallait dorénavant arrêter de se foutre de leur tronche. Certains ont annoncé qu'ils comptaient saisir les autorités judiciaires pour déposer plainte pour publicité mensongère.


Chez Hammerpoint, le développeur, on est bien embêté de s'être fait attraper la main dans le sac. Ou plutôt, à étudier l'histoire, il semblerait que le studio ne soit pas le responsable principal. Hammerpoint a été racheté en quatrième vitesse par Arktos, basé à Los Angeles, et qui semble avoir flairé la bonne affaire en constatant les 600 000 utilisateurs inscrits sur l'alpha de WarZ (DayZ rassemble un gros million de joueurs depuis son lancement cet été). Arktos a investi 4 millions de dollars dans le studio, fondé en 2011 par une équipe de game-developpers saisonniers. Hammerpoint Interactive, lui aussi basé à Los Angeles, réalise actuellement trois jeux. Le prochain sera présenté début 2013 pour une sortie prévue l'été prochain. En attendant, ils viennent de terminer WarZ.

Arktos est dirigée par nulle autre que Sergey Titov, l'ancien directeur technique de Riot Games, les auteurs du best-seller League of Legends, carton plein dans la catégorie du jeu MMO. L'homme en question à l'origine du rachat et il est aussi producteur du jeu.
En creusant un peu, il s'avère que Titov est déjà connu des joueurs pour avoir planté le développement d'un autre jeu, Big Rigs, et pour être, relevé dans un débat de lecteurs, "celui qui serait Dieu si les trolls [provocateurs] en avaient un". Est-ce le studio ou l'éditeur le responsable ? Ou peut-être les torts sont-ils partagés ?

Bref, Sergey n'a peur de rien, et il a posté sur les forums de Steam, expliquant que la fiche a été éditée car elle aurait "été mal rédigée, avec des erreurs". Il s'excuse platement mais ce sont les joueurs "qui l'ont mal interprété". Même durement tailladée, la nouvelle version de la description conserve pourtant quelques anomalies comme les serveurs garantissant toujours 100 joueurs simultanés.

Et tout ceci n'est pas le plus beau. Sûr de son bon droit, Titov répond ensuite à une interview de nos confrères de GameSpy, avec un art de la mauvaise foi (ou de la provocation, à ce stade c'est vous qui choisissez) que lui envieraient presque John Koller et Jack Thompson réunis.

D'abord sur le fait que certains joueurs aient trouvé des traces de la version alpha du jeu dans cette release commerciale, nommée, accusant le studio d'avoir bâclé totalement la finalisation du jeu, et de n'avoir même pas fait de beta à proprement parler.

Sergey Titov se défend en expliquant que le principe de "version finale" d'un jeu en ligne est absurde étant donné qu'un jeu en ligne n'est par définition jamais terminé. La mouture actuelle, "Foundation release", serait au goût du producteur assez avancée pour ne plus être considérée comme une beta, mais il la voit plutôt comme une « version basique » du jeu. WarZ n'est "pas un jeu, mais un service", et un service, "ça se travaille sur la durée".

Ensuite, double coup de boule aux joueurs concernant l'unique carte de jeu de 100 kilomètres carrés disponible :

« D'autres cartes sont en cours de développement dont une nommée " California" dont la surface devrait atteindre 420 km². L'équipe du jeu a seulement précipité son annonce.. Et puis un peu plus de 100 km² c'est bien compris entre 100 et 400 km² non ? »

Et d'enchaîner sur une triple balayette coaxiale quand on lui parle des serveurs ne tenant pas leurs promesses  en termes d'hébergement :

« Je ne crois pas que ce soit un problème. Le texte dit clairement "jusqu'à" 100 joueurs. Le nombre actuel, 50, rentre bien dans cette fourchette. Ce chiffre nous a été demandé par notre communauté, nous avions au départ des serveurs à 40 joueurs, puis à 70, avant de nous fixer sur 50. Mais sur votre serveur privé, vous aurez la possibilité de régler le nombre de joueurs jusqu'à un maximum de 100 [oui, depuis hier seulement, ndlr] »

Mis au dos du mur par ses propres joueurs, Hammerpoint s'est bien gardé de proposer des remboursements. Ceci pour une raison : quand les joueurs ont testé leur alpha pendant 20 minutes avant de dire que c'était tout pourri, ils comprenaient bien qu'il était légitime de leur rembourser leur accès payé. 
Mais après avoir joué pendant plus de cinq heures en moyenne pour la majorité des réclamants, il est hors de question de procéder à la moindre restitution monétaire. Du coup, ils acceptent d'étudier les demandes au cas par cas, avec la décision finale leur revenant pleinement sans justification supplémentaire possible. 

Quant à ceux qui ont acheté le jeu sur Steam, le studio et son éditeur sont catégoriques : tout ça se règle avec Valve, pas avec eux. Petit miracle en passant, Valve, devant la bérézina et sans doute la mauvaise pub qui gonflait sur le web, a décidé de finalement retirer le jeu de la vente hier soir, et surtout d'accepter un remboursement à ses acheteurs, eux qui d'habitude se gardent toujours de prendre parti. Interrogée par nos confrères de Kotaku, l'entreprise a répondu par le communiqué suivant :

« De temps en temps, une erreur peut être commise, et nous l'avons fait en publiant prématurément WarZ sur Steam. Nous nous excusons pour cela. Nous avons temporairement retiré le titre de la vente afin de prendre le temps de travailler avec les développeurs et de nous assurer de la qualité de la prochaine version.

Ceux ayant acheté le jeu et voulant continuer à y jouer le peuvent. Ceux l'ayant acheté sur Steam et n'en étant pas satisfaits peuvent faire une demande de remboursement en contactant notre assistance clientèle. »

En passant, Titov a précisé que le lancement du jeu avait été un succès commercial et qu'il continuait toujours à rapporter de l'argent. Une conclusion qui peut laisser penser que si tout ceci n'était qu'un énorme coup de poker, les joueurs risquent d'attendre encore longtemps leurs mises à jour promises. Ou alors ils se mettent sérieusement au boulot mais bon... Sinon Batman, chais pas ce que tu fous à faire des faux raccords en grognant au cinoche, mais faudrait que tu viennes filer un petit coup de main dans le coin. On commence à avoir sérieusement besoin d'un justicier masqué chargé de protéger les gamers.

Voilà, c'était l'histoire du jeu pourrave du mois. Vous pouvez désormais retourner sur DayZ et garder vos 15 euros pour aller voir Looper au cinéma, s'il passe encore chez vous, car je vous le recommande, chaudement. Alors que je viens de voir Les Chevaliers du ciel, et même si c'est un très beau film niveau séquences célèstes, le jeu de Clovis Cornillac me donne envie de me défenestrer sauvagement.