Brent Weeks, l'interview

 

Publié le Mardi 30 mars 2010 à 14:00:00 par Cedric Gasperini / Cecilia Rowe

 

Brent Weeks, l'interview

Voyage chez l'Ange de la Nuit

Brent Weeks est la révélation 2008/2009 de la littérature Fantasy. 2008 aux USA. 2009 en France. Sa trilogie de l'Ange de la Nuit est une pure merveille. Originale, sombre, violente, sans concession. Elle a été unanimement saluée par la critique.
Edité par Bragelonne, Brent Weeks a été invité au salon du livre de Paris pour quelques séances de dédicaces. Nous l'avons coincé dans un coin sombre entre deux signatures, pour lui poser quelques questions.

Et outre une personne franchement très sympathique, nous avons rencontré... un gamer.

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GamAlive : Quels livres vous ont influencé ?
Brent Weeks : J’ai trouvé qu’il manquait quelque chose dans les livres de Fantasy que je lisais, même dans les histoires les plus extraordinaires comme Tolkien par exemple. J’adore vraiment Tolkien. Tout le monde aime Tolkien…
 
imageGamAlive : Je n’aime pas vraiment, moi… Enfin, j’aime l’univers mais je trouve que Tolkien n’écrit pas bien.
B. W. : Tout à fait. Ce que je vais dire va paraître pour de l’hérésie mais Tolkien ne serait probablement pas publié s’il était écrivain aujourd’hui. Tout simplement parce que de nos jours, on attend d’une histoire qu’elle soit terre-à-terre. Basique. Le lecteur ne veut plus qu’on lui présente les choses pendant 50 pages. Il veut comprendre le monde dans lequel es personnages évoluent de suite, tandis que l’histoire doit être pleine d’action. Mais l’univers que Tolkien a décrit est d’une telle profondeur... C’est son talent de linguiste qui a aussi permis de faire découvrir aux gens tout un monde jusque-là mal considéré. Mais je pense que ce que Tolkien a le plus réussi, c’est la fin de son livre qui se termine sur une note triste. On voit rarement ce genre de choses aujourd’hui. Les personnages reviennent de cette épopée complètement transformés. Le dicton « tout est bien qui finit bien » ne s’applique pas ici pour le héros. Frodon renonce à la vie à la fin de l’histoire. Il abandonne et met le reste en péril. Ce sentiment que l’on a, une fois que l’on revient de la guerre et qui détruit fondamentalement toute une vie, est vraiment superbe dans le livre. Quand j’étais petit, pourtant, je n’aimais pas cet aspect.
Tolkien a donc exercé définitivement la plus grosse influence sur moi. Mais il y a aussi des gens comme Robert Jordan, surtout ses premiers livres. La vie entière est une influence et agit sur la façon dont on se comporte. Je ne sais pas comment limiter ma réponse à quelques auteurs.
 
GamAlive : Vous venez du Montana aux Etats-Unis. C’est un Etat très rural avec des fermes, du bétail et de larges étendues. Quelle partie du Montana avez-vous retranscrit dans vos livres ?
B. W. : Oh mon Dieu! Ai-je parlé de quoi que ce soit en rapport avec le Montana dans mes livres ?... L’une des choses qu’il y a avec le Montana, c’est que le paysage est imposant. On l’appelle « le pays du grand Ciel » car il y a certains endroits à l’Est où le ciel paraît vraiment immense. Il n’y a aucune lumière pour polluer le ciel la nuit. C’est pour cela qu’on peut y voir les étoiles et même la Voie Lactée. Je me sens insignifiant face à une telle grandeur. Je pense que j’ai toujours recherché à introduire dans les univers que je décris ce sens de l’immensité, de la beauté et de l’émerveillement avec lequel j’ai grandi.
 
GamAlive : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
B. W. : J’étais en 4e. J’avais à peu près 12 ans lorsque j’ai lu pour la première fois Edgar Alan Poe. J’ai remarqué qu’il avait ressenti exactement ce que je ressentais à l’époque. Je me sentais connecté à un homme qui était mort depuis une centaine d’années grâce à son écriture. Cela m’a vraiment marqué. J’arrivais à mieux me comprendre à travers les mots de quelqu’un d’autre que je ne connaissais pas, que je n’ai jamais rencontré et que je ne pourrais jamais rencontré. Il y a ça et le fait que j’aime apporter du plaisir grâce à mon écriture. C’est une sensation tellement agréable. Voilà pourquoi c’est très vite devenu un de mes rêves absolus. A la fac, j’écrivais quelques histoires et j’avais des retours positifs de la part des gens. Du coup, je me suis dit « Pourquoi pas ? Je peux le faire. »
 
GamAlive : Vous avez débuté à écrire à temps complet ?
B. W. : Oui, j’ai commencé à temps plein mais personne ne me payait. J’ai été professeur pendant un an. C’est là que je me suis aperçu que je ne pouvais pas gérer l’enseignement la semaine et l’écriture le weekend.  A la fin, il ne me restait plus aucune créativité. Je sais que certaines personnes savent le faire. Mais moi, j’ai besoin de concentrer toute mon attention sur l’écriture. Mes univers sont assez complexes. Lorsque je me suis marié avec Christie, c’est elle qui me soutenait financièrement. Elle travaillait d’arrache-pied et moi, j’étais l’homme au foyer qui écrivait toute la journée. C’était très stressant mais j’avais de la chance.
 
imageGamAlive : La trilogie de l’Ange de la Nuit a été publiée en trois mois aux USA. Etes-vous une sorte de super héros de l’écriture ?
B. W. : J’écris très vite. Ce n’est pas un problème pour moi d’écrire à toute vitesse. Mais pas à ce point ! Cela fait cinq ans que j’écris des livres. Et j’ai fait une chose vraiment stupide au début de ma carrière : J’ai écrit mon premier livre et comme tous les autres écrivains, j’ai essayé de le vendre. En vain. Quand je me suis décidé à écrire un second livre, un choix s’est alors offert à moi. Soit je prolongeais l’histoire dans laquelle je m’étais lancé, ce qui aurait été un désastre complet puisque personne ne voulait acheter le premier tome, et je perdrais mon temps. Soit je jouais l’intelligence et j’écrivais une série totalement nouvelle et essayait de vendre les deux livres. Et si l’un des deux était remarqué, alors ce serait le début de ma carrière. C’est ce que fait en général tout écrivain qui se respecte.
Un jour j’ai demandé à ma femme Christie quelle voie je devais choisir, sachant que l’univers de l’Ange de la Nuit me plaisait vraiment et que j’en voulais une suite.  Elle m’a répondu de foncer dans cette direction, de faire ce qui m’intéressait le plus. Tout bêtement.
Après le deuxième livre, cela faisait déjà trois ans que j’écrivais et je n’étais pas prêt à avoir passé encore un an et demi là-dessus pour rien. C’est lorsque je me suis mis à rédiger mon troisième livre que j’ai finalement obtenu mon premier contrat. Ça a été génial. Et tout ça grâce à ma femme qui m’a poussé à continuer dans cette voie.
 
GamAlive : On dit que derrière tout grand homme, il y a une femme…
B. W. : Tout à fait ! (sa femme, qui est dans la même pièce, cesse sa discussion avec une amie et approuve avec un grand sourire).
 
 
GamAlive : L’Ange de la Nuit est une histoire très sombre. Pourquoi avoir choisi une telle atmosphère ?
B. W. : L’histoire est comme ça parce que je savais dès le départ ce que mes personnages allaient devenir. Je savais que Kylar allait devenir un personnage terrifiant, capable de vous liquider en moins de deux. Pour savoir comment il est devenu de la sorte, il faut revenir en arrière et comprendre l’environnement dans lequel il a grandi. Le pire qui puisse exister : avec une guerre, des gens qui se battent et s’entretuent, des enfants qui entrent dans des gangs. L’histoire est plus dictée par le caractère des personnages que par la recherche de profit et de rentabilité littéraire. Je n’ai pas créé ce type d’atmosphère parce que c’est à la mode. Je désirais savoir ce qu’il se passerait concrètement si je créais ce monde.
Le gentil ne gagne pas toujours. Mais les lecteurs ne s’attendent pas à ce qu’il meure. Et moi, j’ai décidé de casser ces barrières. Donc la fois d’après, lorsqu’un gentil est en difficulté, les lecteurs savent qu’il peut très bien mourir dans son périple. Cela rend le lecteur plus accroc à la lecture.
Pour moi, c’est une histoire sombre mais ce n’en est aussi pas une, car il y a la rédemption. Et cela n’a de sens que si des choses affreuses se produisent. Si vous savez qu’il n’arrivera rien à personne, c’est ennuyeux. C’est comme les livres Star Wars. Tout le monde sait que personne ne va tuer Luke. Après plus de 200 bouquins, seulement deux ou trois personnages ont péri. Où est le sens du danger si le danger lui-même est inexistant ? Des tragédies arrivent dans la vie réelle et donc, dans mes univers aussi.
 
GamAlive : Quand quelque chose d’horrible arrive à vos personnages, cela affecte-t-il votre humeur  ou votre façon d’écrire ?
B. W. : Dans mon premier livre, il y a des passages très violents à propos d’abus sexuels sur des enfants. C’est vraiment quelque chose de très difficile à écrire. Plus on en sait à ce sujet, plus il est difficile d’écrire. La première fois que j’ai travaillé sur ce type de passage, je l’ai écrit d’un trait, comme le reste de mon livre. Je me suis dit qu’il n’y avait pas besoin de tout décrire pour que les gens comprennent. C’est très éprouvant car il faut se mettre à la place des méchants. Cela apporte une part de réalité au livre. Mais j’espère que je ne rends pas séduisant quelque chose de malsain. En tout cas, le jeu en valait la chandelle, malgré la difficulté.
 
GamAlive : Avez-vous commencé à écrire un nouveau livre?
B. W. : Je suis sur un nouveau roman, qui est en cours de finition. Je viens de finir la deuxième relecture. Il s’intitule La Prison Noire et devrait sortir en Août aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. Il s’agit d’un monde tout à fait différent, ce qui est assez intrépide de ma part. Je me suis dit que j’étais devenu un écrivain expérimenté (rire) et que j’arriverais sans problème à tout boucler en un an ! Alors que quand on y pense, j’ai commencé à travailler sur le monde de l’Ange de la Nuit lorsque j’étais à la fac, il y a 12 ans…
imageQuand j’ai commencé à travailler sur ce nouveau roman, j’ai émis des hypothèses. Dans l’Ange de la Nuit, il y avait très peu de magie car c’est l’élément le plus compliqué à gérer pour un écrivain d’héroic fantasy. Cette fois-ci, nous sommes dans une région de type méditerranéenne, aux alentours de 1600. Dans ce monde, je voulais qu’il y ait de la magie partout, avec des épées et des armes. Tout est magique. Les gens vivent avec quotidiennement. J’ai créé un système de magie qui est très amusant. C’est chouette de pouvoir prendre tout ce que l’on aime et rassembler tout dans un même livre.
 
GamAlive : Jouez-vous aux jeux vidéo ?
B. W. : Absolument. Je viens de finir Mass Effect 2. J’ai trouvé qu’il s’agissait de l’écriture la plus brillante que j’ai jamais vue. J’ai regardé les crédits à la fin du jeu pour savoir qui en était l’auteur. Et il reproduit vraiment ce que j’aime faire. La problématique semble bien réelle dans ce jeu. Celle de Fable n’était pas aussi bonne et aussi bien mise en scène que pour Mass Effect 2.
 
GamAlive : Votre personnage dans Mass Effect 2, est-ce un homme ?
B. W. : Oui, car j’ai gardé le même profil que celui de Mass Effect 1. Mais il m’arrive de prendre un personnage féminin de temps en temps. Cela permet de voir s’il y a une différenciation des capacités des genres. On sait que les hommes et les femmes ont des aptitudes différentes dans la vie. Mais cela n’est pas toujours retranscrit dans le monde du jeu vidéo. L’industrie des jeux doit être attentive à cette question. L’écriture d’un scénario pour le jeu vidéo est vraiment intéressante. Je rêverais que l’on me demande cela un jour.
 
GamAlive : Peut-être pour Fable IV ?
B. W. : Oui, j’adorerais ça. Je joue beaucoup. J’ai une Xbox 360 à la maison sur laquelle se trouve la plupart de mes jeux. Cela m’influence beaucoup. Il y a des choses que les jeux vidéo font merveilleusement bien et cela nous touche.

 

 
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