Publié le Lundi 1 avril 2013 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
Interview de Yves Guillemot, PDG d'UbiSoft
Une rencontre ami-ami
(Vous n'êtes pas tombés dans le panneau, effectivement, même si nous nous connaissons bel et bien depuis 15 ans, cette interview était notre poisson d'avril. Bravo pour votre sagacité)Une fois n’est pas coutume… Une interview est un exercice difficile et périlleux. Pour le journaliste qui doit trouver des questions intéressantes et tenter de mener la personne qu’il interviewe là où il veut. Pour l’interviewé qui doit faire attention à en dire suffisamment pour être intéressant, mais ne pas trop en dévoiler non plus. C’est le jeu.
Exceptionnellement, cette fois, UbiSoft a demandé s’ils pouvaient relire l’article avant d’en autoriser la parution. Une chose qui, généralement, ne se fait jamais.
Exceptionnellement, notamment parce que cette interview s’est déroulée de manière un peu personnelle et surtout, de manière amicale, nous avons accepté.
Toutefois, nous tenions à vous en informer puisque cette interview, même si elle renferme son lot de scoops et de révélations, a été en partie tronquée et modifiée. Ce qui peut expliquer son aspect parfois décousu, tant dans l’enchaînement des questions, qu’au sein même de certaines réponses.
Elle n’en reste pas moins tout à fait passionnante, comme vous pourrez vous en rendre compte.
L’Histoire est faite de rencontres et d’amitiés, d’affinités et d’opportunités. C’est ainsi que lors d’un week-end prolongé en famille pour aller revoir quelques paysages bretons qui ont bercés les vacances de mon enfance, nos pas nous ont menés vers Carentoir, dans le Morbihan.
Carentoir, c’est justement là que se trouve le fief de la famille Guillemot. Et Yves Guillemot n’est pas seulement le patron d’UbiSoft, c’est aussi une personne que je connais – et apprécie – depuis plus de 15 ans. Il nous a donc conviés à passer un après-midi chez lui et a, pour l’occasion, accepté le principe d’une interview-vérité, sans langue de bois.
Un entretien simple et décontracté, autour d’une table de produits régionaux. Car Yves n’est pas seulement le patron avisé du 3ème éditeur mondial de jeux vidéo, employant plus de 7000 personnes dans le monde. C’est également un fier défenseur de la gastronomie de sa région.
Bonjour Yves. On peut se tutoyer ? On se connait depuis plus de 15 ans, on est ici chez toi, c’est plus une discussion entre amis qu’une véritable interview… du coup j’aurais du mal à te vouvoyer. .
Yves Guillemot : Bien entendu. Moi également, j’aurais du mal à te vouvoyer, même en interview.
Alors parle-moi de tous ces produits sur la table.
Yves Guillemot : Oui, les gens continuent de penser que la Bretagne, ce sont les crêpes, le chouchen, et c’est tout. Or il existe tellement d’autres choses dans la gastronomie de notre région. Tu as là du saumon fumé, mais on fait aussi du maquereau, des sardines ou du lieu noir fumés également. Là tu as du saucisson de thon blanc fumé, mais aussi de l’andouille, de la bière, des niniches, des palets, et vraiment tout un tas de spécialités salées, de la mer principalement, ou sucrées. De toute manière, la Bretagne, pour la goûter, il faut y venir. Elle se voit, elle se sent, elle se goûte.
C’est pour me les faire découvrir que tu as sorti tout ça ?
Yves Guillemot : Oui et non. Je travaille aussi actuellement sur une idée de jeu à base de gastronomie régionale. Un Free-2-play culinaire sans doute prévu pour l’année prochaine, en développement avec une célèbre émission de M6 que tu dois connaître.
Top Chef ?
Yves Guillemot : C’est toi qui l’as dit. Pas moi. Mais oui, il s’agit de Top Chef. Du coup, on réunit quelques spécialités régionales et voir avec un vrai chef quelles recettes originales faire avec tout ça. La réunion est prévue mardi, donc je fais mes courses. Et je me suis dit que comme tu venais, ce serait l’occasion de goûter ça ensemble. Je sais que tu aimes la cuisine, que tu cuisines bien, donc autant en profiter.
C’est sympa. Comme le cadre, d’ailleurs. C’est superbe. Je connaissais déjà la région, mais chaque fois que j’y viens, c’est toujours un plaisir. C’est magnifique.
Yves Guillemot : Oui, c’est là où mes frères et moi venons nous ressourcer. Carentoir, ce sont nos racines. Rien de tel pour prendre une bonne bouffée d’air frais et repartir de plus belle. En plus, tu as de la chance, aujourd’hui il fait beau et à peu près bon.
Bon. Si on fait toute l’interview sur la Bretagne et les produits du terroir, on va finir dans le blog de Cyril Lignac. Parlons d’Ubi. Comment se porte la société ?
Yves Guillemot : Merveilleusement bien. Nous avons eu une très belle année 2012. Assassin’s Creed 3 a été un énorme succès, dépassant nos prévisions et nos espérances. Just Dance marche toujours aussi fort. Et Far Cry 3 a eu un très bel accueil. Nous avons de formidables licences et l’année 2013 promet d’être encore meilleure avec le retour de Splinter Cell, un nouvel Assassin, le Rayman, et d’autres encore, comme bien entendu Watch Dogs, que tout le monde attend. Sans oublier deux ou trois belles surprises à venir prochainement.
Pas de cette année, donc ?
Yves Guillemot : Non. Il sortira début 2014. Nous devrions montrer une toute nouvelle vidéo à l’E3 prochain. C’est une des surprises dont je parlais, justement.
Il sortira sur PS4 et Xbox 720 ?
Yves Guillemot : C’est évident. Mais rassure tes lecteurs, il est prévu sur PS3 et 360 aussi.
Il y a des rumeurs sur le développement d’un Assassin’s Creed V, d’un autre Splinter Cell en plus de celui qui va sortir cette année…
Yves Guillemot : Diriger une société, c’est aussi anticiper. On ne peut pas sortir un jeu et se dire « maintenant, passons au suivant ». Nous prenons le temps nécessaire pour développer un jeu. Du coup, pour la série Assassin, par exemple, afin de pouvoir en sortir un par an, nous avons plusieurs studios qui alternent le travail. Donc oui, nous travaillons déjà sur Assassin’s Creed V, fort heureusement. Rien d’étonnant là-dedans. Nous travaillons aussi sur un prochain Splinter Cell, un prochain Far Cry, un prochain Ghost Recon ou un prochain Prince of Persia. Ce sont des licences fortes, nous ne les abandonnerons pas.
Et le prochain Assassin’s Creed ? Il se déroulera où ? Un indice ?
Yves Guillemot : Non, je ne peux encore rien révéler, tu penses bien. Ou allez, pour faire plaisir à tes lecteurs… je ne révèlerai pas l’époque, mais sache qu’il se déroulera en France. Et vous risquez d’avoir une bien belle surprise.
UbiSoft a été l’un des principaux éditeurs à soutenir la 3DS et la Wii U à leur lancement, avec plusieurs titres. Peut-on espérer le même traitement pour la PS4 et la Xbox 720 ?
Yves Guillemot : Nous avons passé un accord particulier avec Nintendo. C’était une bonne chose, même si les ventes de la Wii U sont loin d’être à la hauteur de nos attentes. Mais nous ne pouvons pas être sur tous les fronts à la fois. Nous aurons des titres de lancement pour la PS4, mais pas autant que sur 3DS ou Wii U. Par contre, nous avons passé un accord avec Microsoft et nous soutiendrons plus fortement la prochaine Xbox. Qui ne s’appellera pas Xbox 720 soit dit en passant. Mais n’insiste pas, je ne t’en révèlerai pas le nom. Je sais que tu es très fort pour faire parler les gens, mais là, on risquerait de se faire abattre par des tueurs à la solde de Microsoft en sortant d’ici ! (rires)
ZombiU était un titre vraiment sympa. Avec plein de bonnes idées. Pas parfait, mais bien sympa. Est-ce qu’on peut s’attendre à une suite ?
Yves Guillemot : Oui, c’est prévu. Mais pas sur Wii U. Pas tant que la console ne se vendra pas mieux. Et ce n’est pas près d’arriver, vu la politique ridicule de Nintendo en matière de prix et de hardware. Parce que la question se pose : Avec l’arrivée de la PS4 et de la prochaine Xbox, quel avenir pour la Wii U ? Nous nous demandons d’ailleurs si nous allons ou non continuer à soutenir la console. Réponse à la fin de l’année, selon les ventes de nos jeux qui sortent dessus.
Mais le prochain Zombi devrait être un des titres exclusifs qui accompagnera en exclusivité la prochaine Xbox. Mais nous en reparlerons. Attendons l’E3 pour en savoir plus. Il faut simplement se souvenir que les Zombis et Ubisoft, ce n’est pas nouveau. C’est une longue histoire d’amour. D’ailleurs, le tout premier jeu sorti de nos studios s’appelait Zombi et était sur Amstrad CPC. J’en ai encore un exemplaire dans un placard de mon bureau.
Parlons DRM. C’est un sujet qui fâche. Du moins qui a éloigné les joueurs PC d’UbiSoft. Pourquoi tant de haine ?
Yves Guillemot : C’est à la fois une surprise et une déception. Certes, il y a eu quelques ratés au lancement d’Assassin’s Creed 2. Mais qui ont duré deux fois rien ! Nous avons rapidement corrigé le tir. Et pourtant, nous continuons à subir les foudres des joueurs PC. Ils ont vite oublié le raté du lancement de Diablo 3 qui, lui aussi, demande une connexion permanente ! Et comment ne pas évoquer Sim City ? Il faut surtout se dire que le marché PC est devenu très largement minoritaire. Sur un Assassin’s Creed, par exemple, quand nous en vendons 8 millions, le PC ne représente que 500 000 exemplaires. C’est largement mois de 10% ! Malgré tout, nous continuons de développer sur PC parce que cela nous parait important. Parce qu’il y a des joueurs sur PC et que nous ne voulons pas les laisser sur le bord de la route. Maintenant, il faut savoir que le piratage est une véritable catastrophe pour le marché du jeu PC. Assassin’s Creed 3 a été piraté plus de 3 millions de fois sur PC, selon les chiffres qu’on m’a rapporté. Tu imagines ? C’est 6 fois ce que l’on a vendu ! Et même si ce ne sont pas 3 millions de ventes en moins, c’est quoi ? 1 million ? 750 000 ? C’est plus que les ventes totale sur cette plateforme. Aujourd’hui déjà, les ventes sont inférieures au piratage. Si nous n’instaurons pas un DRM, même contraignant pour les joueurs, nous n’en vendrons aucun. Il faut donc se faire une idée et arrêter de croire que nous vivons dans un monde de bisounours. Le DRM sauve l’industrie du jeu PC, même s’il va très mal. C’est soit ça, soit on abandonne. Alors ? Que veulent les joueurs ? Des jeux avec DRM ou pas de jeu du tout ? Veulent-ils vraiment n’avoir qu’un ou deux jeux par an ? Le PC doit-il devenir comme le Mac ? A eux de nous dire. Assassin’s Creed IV aura un DRM de connexion permanente. Et nous irons même plus loin : des passages entiers devront être téléchargés en toile de fond à partir de nos serveurs pour faire fonctionner le jeu, pendant une partie. Le jeu piraté sera donc incomplet. C’est une concession que doivent faire les joueurs PC s’ils veulent continuer à avoir des jeux. C’est comme cela et c’est tout. Ce n’est pas contre eux, c’est pour eux. Il faut qu’ils arrêtent de jouer les Calimero et arrêtent de se plaindre. Il faut qu’ils comprennent dans quelle situation ils sont, dans quelle situation est le jeu PC.
Il y a un autre sujet que j’aimerais aborder. Le cinéma. Michael Fassbender pour Assassin’s Creed, Tom Hardy pour Splinter Cell… UbiSoft se donne les moyens pour conquérir Hollywood. Peut-on s’attendre enfin à de bons films tirés de jeux vidéo ?
Yves Guillemot : Le film Splinter Cell est un peu à l’arrêt en ce moment. Un problème de scénario, pas totalement convaincant. Mais c’est la preuve que nous voulons frapper fort. Nous voulons arriver sur ce marché avec des armes sérieuses. Ne pas faire un simple rond dans l’eau, mais un véritable tsunami. J’ai lu le scénario quasi-final du film Assassin’s Creed il y a quinze jours. C’est un grand, grand scénario. Ça va être un grand, grand film. D’autant plus qu’on est en discussion actuellement avec un grand, grand réalisateur. Quelqu’un qui pourrait amener une dimension assez étonnante à l’univers d’Assassin’s Creed. Quelqu’un qui a su faire revivre une licence sur le déclin. Qui en 3 films a su réinventer l’univers, le personnage, l’ambiance… La signature devrait intervenir courant avril ou mai. On espère pouvoir faire une grosse, grosse annonce à l’E3. Vous verrez bien. Mais voilà, UbiSoft ne fait pas les choses à moitié et investit le cinéma en y mettant vraiment les moyens. C’est très excitant, et j’espère que vous le serez autant que je le suis.
D’autres projets ciné ?
Yves Guillemot : C’est déjà pas mal, non ? En plus, la série TV Lapins Crétins débarque à la rentrée. Elle est signée le studio Aardman, connu pour la série Wallace et Gromit. Tu vas adorer. C’est l’univers des Lapins Crétins, fidèle à ce que l’on connait, avec une petite subtilité très british. J’adore. Et puis on bosse sur différents autres projets, chez nous, comme Far Cry, mais ce n’en est qu’au tout début, alors pas de quoi s’emporter. Et nous sommes en contact avec d’autres éditeurs pour développer certaines de leurs marques au cinéma ou à la télévision. Par exemple, nous avons d’excellents contacts avec Activision. Alors je te rassure, on est encore loin d’avoir signé un projet avec eux et si on réalise un film Call of Duty ou un film Warcraft, ce ne sera de toute manière pas annoncé avant 2014. Mais les discussions avancent bien et nous restons confiants.
D’autres choses pour UbiSoft en 2013 ?
Yves Guillemot : Nous aurons une très belle année 2013. Avec de grandes annonces. Avec de grands jeux. Et nous allons surtout ouvrir une ligne complète de vêtements Ubi, batpisée « Ubi Dream ». Avant, nous vendions des licences à divers distributeurs. La qualité n’étant pas toujours au rendez-vous, nous avons décidé de lancer notre propre ligne de vêtements. Ils seront distribués en grande surface et sur notre site en ligne Ubishop. Bien entendu, il ne s’agit pas de faire de la grande couture. Juste des vêtements et accessoires inspirés de nos jeux vidéo.
Ainsi, cet été, vous pourrez aller à la plage avec les tongs Far Cry 3. Ou le short de bain Far Cry, Lapins Crétins ou Rayman. Les Lunettes de soleil Far Cry. Cet hiver, vous aurez les gants Assassin’s Creed, mais sans lame incorporée ! Pas mal de modèles sont en cours de création.
On terminera par une dernière question, avant de passer à table : Avec l’avènement du mobile et des Free-2-play, quel va être la politique d’UbiSoft ?
Yves Guillemot : Question mobile, nous laissons ça à Gameloft (ndr : société dirigée par les frères Guillemot également). Mais le Free-2-Play est évidemment l’avenir du jeu vidéo. Nous continuerons à soutenir les consoles de salon, certes, mais combien de temps arriveront-elles à faire face à la concurrence des jeux gratuits sur Internet ? Nous avons donc beaucoup de projets Free-2-Play. Il n’est pas exclu qu’à terme, la série Assassin’s Creed finisse via ce modèle économique.
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