Publié le Dimanche 16 mai 2010 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
Laissez-moi rire
Je cite souvent une phrase, de mon cru je tiens à le préciser, concernant mon métier, mon travail, ma façon de voir les choses : « L’important, c’est d’être con. Mais de l’être intelligemment ».
En fait, sous cette citation qui mériterait à coup sûr d’entrer dans les dictionnaires ou, mieux, d’être inscrite comme maxime dans de nombreux établissements, qu’ils soient scolaires, politiques, sociaux, sportifs, se cache une philosophie extrêmement simple. Il faut savoir faire le pitre, ne pas se prendre au sérieux, avoir de l’humour et de l’autodérision. Mais le faire intelligemment. A savoir, continuer à faire son métier sérieusement et avec application.
Appliqué aux news ou tests que nous vous écrivons quotidiennement, par exemple, cela signifie que les traiter avec humour, glisser une petite phrase débile par-ci par-là, permet d’offrir une certaine légèreté, un certain état d’esprit. Mais que cela ne doit pas empêcher de livrer les informations correctement et garder à l’esprit le but premier de l’information, à savoir informer, avant même de divertir.
C’est un style, une philosophie, que j’ai depuis toujours suivi. Du moins depuis que je bosse. Avoir un style léger. Balancer quelques petites vannes. Parce que les textes de nombreux confrères, tout aussi talentueux soient-ils, ont tendance à m’endormir, voire me lasser, ou tout simplement me gonfler, au fil de leur lecture. Il manque la petite accroche, la petite étincelle qui captera définitivement l’attention du lecteur. Et pour moi, cette petite étincelle passe par l’humour.
Mais cela ne s’applique pas seulement aux textes. Cette maxime, « L’important, c’est d’être con. Mais de l’être intelligemment », est devenue, au fil du temps, une véritable philosophie de vie. Le monde se prend suffisamment au sérieux pour qu’on fasse de même. Avoir de l’autodérision. Avoir le sens du ridicule. Mais en restant un maximum professionnel dans son travail.
Je crois que nous avons montré, une fois de plus, vendredi midi, que nous avions justement ce sens de l’autodérision et du ridicule. Parce que nous avons atteint des sommets (même des petits sommets)… ou des gouffres (même des petits gouffres), c’est selon sa façon de voir les choses. Mais honnêtement, ce fut amusant. Nous y avons pris du plaisir. J’espère que vous aussi. J’aimerais avoir le temps d’en faire plus. Les moyens d’en faire de plus énormes. Qui sait. Cela viendra peut-être.
Mais voilà. Le jeu vidéo, c’est avant tout du plaisir, de la légèreté, de l’amusement.
Je sais que beaucoup ne partagent pas cette idée. Il suffit de parcourir la plupart des autres sites de jeux vidéo pour s’en rendre compte. J’ai même eu, déjà, des discussions avec des confrères qui, eux, ne supportent pas les traits d’humour qui viennent pigmenter mes textes. Parce que l’information est quelque chose de sérieux et ne doit pas être parasitée.
Oui, mais, c’est du jeu vidéo. Et pour moi, le plus important, c’est le mot « jeu ». Ce doit être, ce doit rester, un loisir. Quelque chose de léger. Quelque chose de simple. Quelque chose pour « s’amuser ». Et c’est aussi pourquoi ces querelles de cour de récré entre pro-360, pro-PS3, pro-Wii, m’exaspèrent tant. Cette intolérance que l’on retrouve aussi chez quelques fans de certains jeux. Alors que, oui, c’est du jeu. Ce n’est que du jeu.
Cet édito est d’ailleurs tout destiné à dériver sur les travers d’une société malade. La nôtre, en l’occurrence. Malade d’ennui. Malade de carcans. Etouffée par la prétention, l’orgueil, l’intolérance. Je suis complètement navré, blessé et amer, lorsque je vois certains sketches ou certaines paroles de nos aînés, humoristes pour la plupart, et que j’entends des « halala, c’était le bon temps, on ne pourrait plus faire la même chose aujourd’hui ». J’en suis malade. C’est la preuve, à mon sens, la plus flagrante et la plus impitoyable de notre perte de liberté. Liberté de rire. Liberté de nous moquer. Liberté d’expression.
Dans une chanson dont la qualité est ce qu’elle est, certes, mais dont les paroles sont d’une vérité cruelle, Didier Bourdon, ex-Inconnus, expliquait que l’on « ne peut plus rien dire ».
Et paradoxalement, cette perte de liberté a suivi l’explosion d’Internet. La liberté d’information et de communication. Simplement parce qu’aujourd’hui, si tout un chacun a accès à une incroyable source d’information et de colonnes pour s’exprimer, cela concerne également les intégristes. Pas seulement religieux, mais également de pensée. Et l’humour étant une des choses les moins universelles au monde, elle subit les affres des bien-pensants, des Ayatollahs de la pensée unique, des fascistes de la bienséance.
On ne peut plus rien dire. Plus rien faire. Sous peine d’être condamné ou menacé. Je n’en parle pas forcément, mais je reçois régulièrement des mails d’insultes. Une référence, un jeu de mot, un trait d’humour particulier et de suite, quelqu’un se sent atteint, froissé, vexé, et vous met au pilori. Insultes, donc, mais aussi menaces. Je ne compte plus les « retirez cette phrase ou je porte plainte ». Voire les « j’exige un droit de réponse », « j’exige des excuses publiques » et j’en passe.
Je n’ai jamais cédé devant ces extrémistes qui se croient les croisés de la religion du bon goût. J’ai toujours dialogué, parfois réussi à convaincre du ridicule de leur emportement, mais, la plupart du temps, cela s’est terminé par un « puisque c’est ça on se retrouve au tribunal » de leur part (ce qui, pour l’instant, ne s’est jamais produit, soit dit en passant).
Et pour des broutilles. Des petites vannes du genre « ces développeurs sont des mongoliens » qui, selon certains, porte préjudice à tous les trisomiques. Des « c’est excitant comme un curé lors d’une retraite de scouts adolescents » qui pour certains mériteraient la crucifixion. Des « aussi doux et voluptueux que des jeunes filles en fleur à la poitrine naissante » qui sont, pour d’autres, des appels à la pédophilie. J’ai même eu des insultes et reçu des qualificatifs tels que « raciste » ou « lepeniste » pour un simple sous-titre et le fait d’avoir inscrit les mots « coran-approved » dans une
simple news qui, pourtant, à la base, était un simple constat et non pas une critique religieuse.
« On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui » est une citation célèbre et souvent mise en avant. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, ce
n’importe qui a accès à tout et se permet donc d’imposer sa volonté et sa vision du monde.
J’ai envie de pouvoir vanner les gens, indépendamment de leur religion, couleur de peau ou courant de pensée. J’ai envie d’être encore libre de sortir des « conneries » sur les juifs, les musulmans, les cathos, les arabes, les noirs, les blancs, les jaunes, les rouges, sur les gens de droite, de gauche, d’extrême-droite, d’extrême-gauche, sur les hétéros, les homos, les « bi », sur les mômes, sur les vieux, sur Christophe Maë, sur Christophe Willem, sur Michaël Jackson (oui, j’ai même eu des mails d’insultes suite à ces news
là ou
là).
Et ne croyez pas que les joueurs soient différents dans leur intolérance. Dire du mal de Zelda, Final Fantasy ou GTA, c’est aussi s’exposer à des insultes et des menaces (une des rares menaces de mort que j’ai reçue était à propos de Final Fantasy, soit dit en passant).
Aujourd’hui, j’enrage de cette époque où la liberté se meurt sous les coups répétés des extrémistes de la pensée unique, des soldats de la bienséance, des croisés du bien-pensant.
Parce que l’humour n’est pas forcément, comme ils veulent nous le faire croire, un manque de respect, une volonté de ridiculiser, voire une attaque, mais simplement une volonté de désacraliser, un moyen de passer outre un drame, de supporter une pression, mais aussi de ne pas oublier que l’homme est plus important. L’homme en tant qu’être. Plus important qu’un courant de pensée, qu’une religion, qu’un Etat, qu’une politique. Et qu’avant tout, il faut aimer la vie.
Voilà. Un édito qui peut paraître naïf ou même niais. Mais qui est simplement l’expression frustrée d’un pitre qui aimerait ne pas avoir à mettre un costume cravate et qui voudrait continuer à porter un pantalon trop grand pour lui avec des bretelles, de grandes chaussures, et un nez rouge.
M’en fous. Un jour je prendrai peut-être une balle. Mais je continuerai jusqu’au bout.
En tout cas, la semaine prochaine sera une semaine Perse. Le test du jeu Prince of Persia, la critique du film… plus un petit concours sympathique.
Vais ptêt me balader en babouches, moi. Ça chie grave la classe, des babouches.