L'Edito du Dimanche

 

Publié le Dimanche 21 mai 2023 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Le vieil homme et la mer

imageJe suis un gars de la mer.
Ça m’est apparu récemment comme une évidence. J’étais assis sur un banc, face à l’immensité de l’océan, lui opposant ma propre immensité, et au final, c’est lui qui a remporté la partie et m’a happé dans ses profondeurs insondables. C’est mieux dans ce sens-là, cela dit. Imaginez que ce soir l’inverse et que l’océan soit happé dans mes profondeurs insondables… je ne vous raconte pas le bazar…

Bon, cela dit, quand je dis que je suis un gars de la mer, je n’ai strictement aucun sang marin. Je descends d’une famille qui a les deux pieds bien ancrés dans la terre. Dans les vignes ou dans la boue de l’usine, voire dans le sang, selon du côté de ma généalogie que l’on se penche, mais en aucun cas ne coule dans mes veines les embruns salés ou l’essence du varech. Et si je ne crache pas à l’occasion contre le fait de gober une sardine ou un maquereau, mes seuls rapports avec l’océan se résument à une poignée de vacances passées à crapahuter dans les rochers, squelettes aux pieds, et à balancer des crabes sur les filles parce que c’est plus marrant comme ça.
Et si j’ai pu me rendre compte, lors de certaines houles féroces, que j’avais le pied marin, l’image du courageux gars en ciré jaune qui quitte son doux foyer avant l’aube, bravant un crachin glacé pour aller rejoindre son embarcation sur laquelle il va passer deux semaines à jouer du filet, ne me fait pas, mais alors pas du tout rêver. Je la laisse aux fims pleins de drames et de naufrages et aux légendes malheureuses qui peuplent les ports.

imageSeulement voilà, pour avoir récemment posé mes guêtres du côté de l’Atlantique dans un premier temps et de la Manche dans un second, j’ai pris un plaisir indicible à respirer l’air côtier, aux odeurs de sel et d’algues, bercé par le ressac des vagues venant s’écraser sur les rochers, ou leur douce caresse sonore lorsqu’elles meurent paisiblement sur la plage.
Seules les plaintes répétées à vous en vriller les nerfs de ma merveilleuse et adorée famille « papaaaajaifaaaaim » « alorsonbougeonvapasresterlàtoutelajournée » m’ont empêchées de me fondre dans mon petit banc de bois que je squattais jalousement, regardant avec férocité les petits vieux qui espéraient m’en voler un bout et qui, une fois mes canines dévoilées dans un grognement menaçant, préféraient passer leur chemin.

Et puis l’océan, ce sont les pêcheurs qui rentrent au port et vous cèdent pour quelques menues pièces des poissons et crustacés d’exception. Sans compter les bars où je pourrais raconter mes histoires de vieux loup de mer contre un coup à boire. Elles seront fausses, bien sûr, mais hé, ça ne doit pas venir gâcher une bonne histoire et, surtout, gâcher un petit verre.

Et puis la mer, ça vous apaise. Et tout le monde dit que j’ai besoin d’être apaisé. Mes voisins, ma famille, mes amis, mes voisins (je le mets deux fois parce qu’ils le disent vachement souvent). Tout le monde le dit.

Alors que si vous me connaissiez mieux, vous sauriez que je suis un gars drôlement apaisé. Calme. Tranquille. Un gars de la mer, quoi. Un vieil homme et la mer.

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