Publié le Dimanche 23 avril 2023 à 12:00:00 par Cedric Gasperini

 

L'Edito du Dimanche

Moustache

Vivement l’été. Parce que là, en ce moment, c’est vraiment avril ne te découvre pas d’un fil. Je le sais, j’ai essayé de sortir en t-shirt, juste traverser le jardin pour aller chercher le courrier dans la boîte aux lettres. En vingt mètres, j’ai eu 17°C avec un grand soleil, 5°C avec de la grêle, 10°C avec de la pluie, 8°C avec une tempête de vent et je me suis fait attaquer par une pie.

Je me répète, mais je hais le printemps. Vraiment.

Je hais le printemps, et pas seulement à cause de la météo capricieuse, bordélique et qui vous oblige à bien vous couvrir parce que dehors, ça caille encore, avant de vous rendre compte que vous suez comme un bœuf parce, finalement, il ne fait pas si froid. Pas seulement à cause de ces allergies qui me font couler les yeux à tel point que ma fille cadette se demandait, il y a trois jours, pourquoi je pleurais devant les Totally Spies.

Je hais aussi le printemps parce que la nature est envahie de parasites bruyants qui pensent essentiel de partager leurs excréments sonores avec toute la planète. Et je ne parle pas des oiseaux qui, eux, ont un semblant d’intelligence.
J’avais déjà vu le phénomène prendre de l’ampleur l’année dernière, voire un ou deux ans auparavant, mais il semble sur le point d’exploser exponentiellement cette année. A tous les coins de rue, à tous les coins de parc, à tous les coins de bancs, ou même à tous les coins de trottoirs, vous croisez des enceintes Bluetooth autour desquelles se réunissent quelques énergumènes pour qui le concept de diarrhée musicale semble totalement inconnu.

Et si auparavant, les enceintes jouaient la taille mini pour restreindre l’écoute à un petit groupe de potes, elles ont pris du ventre pour devenir énorme et se transformer en taille chariot de courses (avec la poignée pour les trimballer) dans l’espoir d’ambiancer tout le quartier. Le problème, c’est que l’on se retrouve avec une bouillasse autotune immonde qui nous poursuit tout au long de la journée. Et ça vomit du Jul, du PNL, du Booba, du Niska et j’en passe, à en faire saigner les oreilles de médiocrité.

Dieu sait si je déteste le rap. Mais même moi je me sens insulté quand ils qualifient ces immondices de rap. Pour avoir grandi avec du Beastie Boys, Run Dmc, Ice MC, Public Ennemy, Wu Tang Clan ou NWA, ça me donne quand même de sérieuses douleurs annales de les voir comparés à Ninho, Naps, Lacrim ou le désormais grand égyptologue Maître Gims.

Alors régulièrement, quand je croise une bande de parasites de la sorte, je me poste à une dizaine de mètres, un peu planqué et je connecte mon smartphone à leur enceinte. C’est simple, la plupart n’ont pas changé le code d’accès. Il suffit éventuellement de charger l’application adéquate et de taper 0000 ou 1234 pour prendre le contrôle de leur appareil. Et là, c’est un festival. J’enchaîne du Partenaire Particulier avec du Tata Yoyo ou encore du Big Bisous de Carlos, tout en m’amusant de les voir se démener autour de l’enceinte pour comprendre ce qui peut bien se passer, pour finalement se contraindre à l’éteindre. Parce que oui, au passage, si je peux, je change le mot de passe, bien entendu. Alors ça ne fonctionne pas toujours. Certaines enceintes sont bien verrouillées. Mais au rang de mes plus belles réussites, j’ai quand même un « Fuck Tha Police » (refrain en boucle) de NWA à fond, en plein Paris, alors qu’un quatuor des forces de l’ordre passait juste devant. Ça s’est terminé en contrôle mains sur le mur et confiscation de l’appareil.

Aucun remords. Ils l’avaient bien cherché, ce groupe de paysans mexicains.

Et là, je me rends bien compte qu’il me faut expliquer cette comparaison qui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas raciste. Enfin si, mais pas à mon niveau. La dernière tendance, chez les ados, c’est de se laisser pousser la moustache. Ça fait depuis la fin des années Disco que l’on sait que la moustache, c’est ringard au possible (seul Magnum a une carte Joker), mais la nouvelle génération trouve ça cool. Ils ont à peine trois poils sur les testicouilles qu’ils se laissent pousser un petit duvet clairsemé au-dessus des lèvres, sans doute pour signifier que « hé, vous avez vu, je deviens un homme, maintenant j’ai même le kiki tout dur le matin quand je me réveille ». Et personne ne leur a dit que non, la moustache, c’est toujours ringard quoi qu’ils en disent et que ça l’est d’autant plus quand on a un pilosité aléatoire. Résultat… ils ressemblent plus à des paysans mexicains que l’on apercevait dans les Westerns des années 50 qu’autre chose.

Voilà l’explication de cette simple comparaison, donc, non raciste de ma part, même si la vision américaine du mexicain moyen l’était, elle, dans le Hollywood d’après-guerre.

Bref. Je hais le printemps. Mais ça, vous le savez déjà.