Publié le Dimanche 10 avril 2022 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
L'Edito du Dimanche
La journée de la honte
Pour être tout à fait sincère, je n’en ai pas envie, mais je vais quand même me bouger pour aller voter aujourd’hui.Parfaitement, je n’en ai pas envie. Limite, plutôt que d’aller faire le cake dans un isoloir, je préférerais me poser dans le canapé et me taper la totale de la série Dream On (toi aussi, cherche sur le net de quoi il s’agit, gros inculte !) bien au chaud sous mon plaid.
Alors je vous arrête de suite. Ne venez pas me jouer la partition du « devoir citoyen » en braillant les grandes tirades façon « ça devrait être obligatoire » ou « on devrait mettre à l’amende ceux qui ne votent pas ». Pour me donner envie de voter, encore faudrait-il qu’un seul candidat ait grâce à mes yeux. Et non, n’essayez pas de me convaincre non plus : celui pour qui vous allez voter ne vaut pas mieux que les autres. Si vous le pensez vraiment, vous avez de la merde dans les yeux. Voire dans la tête. Ça dépend quel bulletin vous allez glisser dans l’urne. Mais tous n’arrivent pas à la cheville du poste qu’ils briguent.
Voilà bien longtemps que j’ai perdu foi en la politique. A peu près au même moment où j’ai perdu foi dans l’humanité, soit dit en passant. Ce qui correspond d’ailleurs, à peu de choses près, au moment où j’ai perdu foi dans la notion de France et dans la notion de « Français ».
Parce que, et j’en suis le premier désolé, le pays des lumières a depuis bien longtemps coupé le courant.
J’en veux aux soixante-huitards épris de justice, de liberté et d’égalité, qui comptent aujourd’hui leurs sous en piétinant les cadavres des laissés-pour-compte. Ceux qui ont lutté contre le conformisme sont devenus l’exact reflet de ce qu’ils voulaient combattre.
J’en veux à ceux de mon âge qui ont accroché leur badge « Touche pas à mon pote » et défilé dans la rue pour l’égalité des peuples, qu’ils renient avec ferveur aujourd’hui persuadés bêtement que cette égalité nuit à leur petit confort.
J’en veux à cette génération qui suit la mienne, pleine de valeurs et de justice, pleine de rêves et d’envies, mais qui n’hésitent pas à violer sans vergogne leurs beaux discours dès qu’il s’agit de leur profit.
Aujourd’hui, quand je lis les sondages qui parlent d’un votant sur trois convaincu par l’extrême-droite, puis d’un sur deux au second tour, j’ai HONTE. J’ai HONTE pour eux. J’ai HONTE pour ce qu’ils font subir à la France. J’ai HONTE qu’ils se croient Français alors qu’ils crachent à la gueule de toutes les valeurs de mon pays. Qui n’est assurément pas le leur. On ne peut pas avoir le même. C’est impossible. C’est impensable. Je ne veux pas le croire.
J’ai encore ce fol espoir que lesdits sondages se trompent. J’ai encore envie de croire que non, ni un sur trois et encore moins un sur deux des votants sont de sombres merdes. Ah non Arrêtez avec cette putain de tirade de « mais ils ne sont pas racistes, c’est un vote de protestation ». Ça fait 40 ans qu’on nous sort la même bouse. Au bout d’un moment, il faut arrêter ces excuses minables et faire face à la réalité une bonne fois pour toutes. Moi si j’ai envie de faire un vote de contestation, je ferai au moins un vote utile, à soutenir l’écologie ou le monde paysan. Pas les bruits de bottes et les bras tendus. Ça me fait vomir. Aujourd’hui, voter pour un candidat d’extrême-droite, ça n’a rien d’une contestation politique. C’est une exclusion sociale et humaine. C’est soutenir le racisme. C’est bafouer la liberté. C’est soutenir l’inégalité. C’est bafouer la fraternité. C’est soutenir la haine de l’autre. C’est soutenir l’ignominie et l’égocentrisme.
C’est surtout cracher sur toutes les valeurs qu’ont défendues mes grands-parents. C’est pisser sur la France de mon grand-père, qui a risqué sa vie pour sauver des gens qu’il ne connaissait pas, et peu importe d’où ils venaient, en qui ils croyaient ou avec qui ils couchaient. Ils méritaient qu’on risque sa vie pour eux parce que, tout simplement, ils étaient humains.
Mais en d’autres temps, on était plus résistants.
Cette phrase de la dernière chanson d’Axel Bauer, « Ici Londres » est d’une justesse et d’une modernité frappante. Et consternante, dans un sens.
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